Une farouche bataille de leadership secoue le parti d’opposition, alors que son dirigeant, âgé de 85 ans, vit à Paris depuis deux ans.
Plus rien ne va à l’Union des forces du changement (UFC), plongée dans une guerre de tranchée. En l’absence de son président, Gilchrist Olympio qui n’a pas remis le pied au Togo depuis deux ans, la formation se déchire. De profondes divergences opposent deux camps qui s’entredéchirent autour de la gestion du parti. D’un côté, l’aile du député Séna Alipui, troisième vice-président de l’Assemblée nationale, qui voue une fidélité sans faille au chef du parti et de l’autre, Elliott Ohin, deuxième vice-président de l’UFC, qui s’attache au respect des statuts de sa formation et se démène pour assumer la plénitude des fonctions de président.
Usage de faux et usurpation
Cette crise interne a éclaté au grand jour le 24 mars à l’Assemblée nationale, lorsque l’UFC a présenté deux listes concurrentes au titre de l’opposition parlementaire pour l’élection des nouveaux membres de la commission électorale nationale indépendante (CENI). Si celle transmise par Elliott Ohin a finalement été invalidée par l’institution parlementaire, la situation reste tendue au sein de la formation politique, le camp d’Ohin n’excluant pas de recourir à la justice pour faux et usage de faux et usurpation.
« Nous avons envoyé à l’Assemblée nationale une liste de noms de militants qui se sont manifestés à l’issue d’un appel interne par l’entremise du président du groupe parlementaire, Agbanu Komi, qui n’avait pas signalé qu’une autre liste était en sa possession », explique Elliott Ohin, qui a ensuite invité Agbanu Komi à fournir la « preuve que la liste confirmée par l’Assemblée nationale émane du président national ». Mais ce dernier a décliné l’offre, affirmant « dépendre directement de Gilchrist Olympio ». « Votre démarche est induite par une mésinterprétation des dispositions statutaires », écrit-il dans un courrier consulté par Jeune Afrique.
Séna Alipui souligne que la liste validée contient les noms envoyés par le président national, à savoir Atsu Fiagadzi Homawoo et Komi Lokadi, tous deux élus. « On essaie de nous présenter comme deux clans qui se disputent la succession du président national, déplore Séna Alipui. Moi, je suis son conseiller spécial, je ne suis pas candidat à sa succession et je ne le serai pas. »
Bataille sur les statuts
Malgré ce désaveu, Ohin reste droit dans ses bottes : le président de l’UFC, c’est lui. En septembre 2021, c’est au travers d’une lettre qu’il informait le ministre de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et du Développement du territoire, Payadowa Boukpessi, qu’il agissait désormais au nom du parti. Le 26 mars dernier, il a ainsi menacé de sanctionner François Lokadi, sixième vice-président, pour avoir signé des actes et utilisé les emblèmes de l’UFC en sa présence sur le territoire national.
Ce nouveau feuilleton au sein de l’UFC trouve sa source dans l’interprétation que fait chaque camp des statuts du parti. Les dispositions sont pourtant claires, martèle Ohin : « en cas d’absence ou d’empêchement, le président national est remplacé par les vice-présidents dans l’ordre de préséance. Actuellement, le président est absent du pays, le premier vice-président étant décédé, je suis le deuxième vice-président, et en légaliste je ne fais que respecter les textes que nous-mêmes nous sommes donnés ». Reste qu’un autre article du même texte souligne que les députés dépendent directement du président national.
« Nous faisons des règles que nous refusons de respecter. Sinon, je vous assure qu’il n’y a pas de problème particulier à l’UFC », avance Ohin qui insiste travailler en « complémentarité » avec Gilchrist Olympio et que celui-ci continue de transmettre des orientations. Ses partisans dénoncent un « acharnement » d’un groupe d’indisciplinés aux ambitions inavouées, affirmant qu’Elliott Ohin, membre fondateur de l’UFC, en fut son premier secrétaire général. « Il connaît mieux ce parti et les textes qui le régissent que quiconque. »
Toujours aux commandes
Olympio, malgré son retrait annoncé en 2017 de la vie politique, continue de s’accrocher à la présidence du parti. Officiellement devenu chef de fil de l’opposition après les législatives de 2018 boycottées par les principaux partis à l’instar de l’Alliance nationale pour le changement (ANC), du Comité d’action pour le renouveau (CAR), de la Convention démocratique des peuples africains (CDPA), le patriarche est fragilisé par ses 85 ans et des soucis de santé. Il a dû quitter le pays il y a deux ans pour s’installer à Paris. Invisible, des communiqués et messages sont néanmoins diffusés en son nom.
La formation politique n’est pas à sa première crise politique. En 2010, une grave dissension, née au lendemain de la signature d’un accord entre le parti et le pouvoir, avait conduit à une démission massive de ses membres, dont Jean-Pierre Fabre, qui avait ensuite fondé l’ANC. D’autres turpitudes avaient suivi, provoquant des départs et des exclusions.
Source : jeuneafrique.com
Source : icilome.com