Combien d’années le magistrat doit-il faire à un poste avant d’être affecté ailleurs ? Quel doit être le taux de prescription des dossiers dans les tribunaux avant que le ministre de la Justice et le président de la Cour suprême ne se décident à procéder aux mutations au sein de l’appareil judiciaire ? Pendant ce temps, les justiciables sont saignés au niveau de leurs bourses et leur confiance en une justice impartiale s’érode. 2021 sera-t-elle la bonne année ? Ou l’affectation des magistrats sera-t-elle encore reléguée à la Saint-Glinglin ?
Que ce soit à l’intérieur du pays, ou dans la capitale, nombreux sont les magistrats qui donnent l’impression d’être nés pour demeurer au même poste durant7 ans, 8 ans, 9 ans. Ils sont tapis dans l’ombre et profitent de l’immobilisme à la tête du corps pour se ménager une fin de carrière juteuse.
Si une statistique pouvait étaler au grand public l’effectif des juges qui, depuis 2014, 2013,voire même 2012, n’ont pas été touchés par les mouvements au sein de l’appareil judiciaire, des citoyens tomberaient à la renverse. Ainsi ils ne réaliseront jamais le lien existant entre des dossiers jamais instruits qui tombent sous le coup de la prescription, et l’immobilisme de certains juges.
Le code pénal dit que « la prescription de l’action publique ne court qu’à compter de la condamnation à l’exécution de laquelle le débiteur a voulu se soustraire. Toutefois, elle ne court qu’à compter du dernier agissement ayant pour objet d’organiser l’insolvabilité du débiteur lorsque le dernier agissement est postérieur à cette condamnation ». Dans le nouveau code pénal, les articles 105 et 106 renseignent sur les délais à observer avant qu’un dossier ne tombe en désuétude.
Si l’article 105 parle de 25 ans pour qu’un dossier soit frappé de prescription, l’article suivant dispose : «Le délai de prescription des autres peines est de : 1) cinq (05) années révolues pour les peines correctionnelles ; 2) deux (02) années révolues pour les peines contraventionnelles ».
Que comprendre par-là ?Simplement qu’un juge qui a connaissance d’un dossier dans lequel il a des intérêts ou peut avoir des intérêts à ne pas agir, peut décider de s’asseoir sur ce dossier sans le faire évoluer jusqu’à l’audience. Ce faisant, la partie concernée qui a intérêt à voir le dossier évoluer est obligée « d’intéresser » le juge. Autrement, une forme d’immobilisme prendra possession dudit dossier jusqu’à être frappé de prescription, parce que le juge sait qu’il ne sera pas affecté pour qu’un autre collègue vienne dépoussiérer ce dossier.
Urgence d’appliquer la nouvelle loi portant code de l’organisation judiciaire
Depuis le 30 octobre 2019, une loi portant code de l’organisation judiciaire a été votée par l’Assemblée nationale. Mais parce que ladite loi ne fait pas les affaires aux caciques qui rêvent de mourir au même poste, ces derniers ont trouvé des incompatibilités ou imperfections dans son application. Et depuis, personne ne réagit. Au grand bonheur de des contempteurs de la loi.
A côté de cette loi, il y a une directive qui réduit à 4 ans la durée d’un magistrat à un poste, laquelle a été prise il y a 3 ou 4 ans. Ceci, pour se conformer aux propos du ministre Pius Agbetomey qui a pris l’habitude de ressasser aux « petits juges » que le magistrat n’a pas de plan de carrière.
Pourquoi alors cette directive tarde à être effective quand on sait qu’un juge « Duracell » est un juge corrompu ou sensible à la corruption ? Et puisque la loi portant code de l’organisation judiciaire n’est toujours pas appliquée, les juges contaminés par le virus de la corruption continuent de se la couler douce. Seulement, en matière d’affectation, des arrêtés constituent des solutions au problème.
A défaut, recourir à un arrêté pour affecter
Combien de fois n’a-t-on pas assisté à des affectations de magistrats suite à des arrêtés ministériels ? Combien de juges n’ont-ils pas été affectés, parfois en pleine année scolaire vers d’autres horizons ? A moins que le ministre de la Justice veuille promouvoir ce vice qu’est la corruption au sein de la magistrature, il est temps que les juges « inamovibles » soient dévissés pour d’autres tâches. Surtout que le juge n’a pas de plan de carrière.
Il est vrai que le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) qui fait des propositions d’affectations, a vu son mandat dépassé depuis belle lurette. Raison justement pour que soit procédé à un vaste mouvement. On se rappelle que, de par le passé, avant l’adoption du statut des magistrats, des juges ont été affectés par arrêtés. Ce qui n’avait en rien empêché leur productivité à leurs nouveaux postes.
Un juge qui pousse des racines au même poste, finit toujours par adopter des comportements féodaux et s’assimiler à un chef coutumier dans ses actes et propos. Ce faisant, nombreux sont les magistrats du parquet qui ont pris l’habitude de « se coucher » sur certaines affaires pour au bout aboutir à la prescription. Ou de traiter certains dossiers au niveau des commissariats plutôt que d’initier des procédures en bonne et due forme.
La pandémie a livré des prévenus au bon vouloir de certains magistrats
Des prévenus convaincus des actes qui leur sont reprochés, mais qui se font libérer, alors que d’autres qui auraient pu être élargis, mais sont oubliés dans les geôles, la justice togolaise en a connu et continue d’en connaître. C’est à croire que même l’Inspection générale des services juridictionnels et pénitentiaires est dépassée et ne pense plus à cette liberté qui devrait être la norme et sa privation, l’exception.
Des prévenus injustement accusés de tentatives de toutes sortes (homicide, extorsion, vol) alors que les victimes n’existent pas ou que les faits ne sont pas avérés, on en connait qui, depuis un mois de juin 2013, sont oubliés et n’attendent plus aucun salut de nulle part. Surtout que les assises sont reléguées aux calendes grecques par le parquet général des Cours d’appel de Lomé et de Kara. Juges d’instruction et procureurs de la République font libérer à tout va, pour peu que les principaux concernés fassent ce qu’il faut à l’endroit des juges.
La justice togolaise ne doit plus éternellement demeurer dans une forme de paralysie artificiellement créée par un juridisme qui ne profite en réalité qu’à la corruption et à l’enrichissement illicite d’une minorité de magistrats. Cette inamovibilité depuis de longues années des juges est une preuve des limites de la démocratie togolaise. Les autorités ont-elles toujours un droit de regard sur le mouvement des magistrats ? Pas certain.
Si la justice togolaise veut encore mériter la confiance des justiciables, l’heure semble venue pour qu’elle entame sa mue, laquelle devra passer impérativement par des affectations d’envergure. Une justice saine au sein de laquelle la corruption sera minorée en sera le gain. Mais pour y parvenir, Puis Agbetomey et Abdoulaye Yaya devraient être les maîtres d’œuvre.
Godson K.
Source : Liberté
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Source : 27Avril.com