Le jeudi 03 septembre dernier, l’Assemblée a donné son feu vert au Projet de loi sur l’identification nationale biométrique dénommé « e-ID Togo ». Pour le gouvernement, cette loi est une réponse au problème de documents d’identité qui touche plusieurs togolais. Mais un tel outil dans les mains d’un pouvoir « espion » doit laisser perplexe. Et pour cause
Selon la ministre Cina Lawson, aujourd’hui, plusieurs millions de nos concitoyens vivent sans document d’identité. Cette incise les handicape au quotidien pour des actions aussi simples que l’accès au crédit ou encore la sécurité sociale. « Le projet «e-ID Togo» vise à fournir des justificatifs d’identification uniques reconnus par les gouvernements à tous les individus présents dans le pays participants au projet, indépendamment de leur nationalité, de leur statut juridique ou de leur lieu de résidence », a indiqué la ministre des Postes, de l’Economie numérique et des innovations technologiques. A en croire, la Ministre Lawson, le projet est conçu pour faciliter l’accès aux services via le développement de plateformes d’identification de base, qui permettraient à toutes les personnes se trouvant physiquement sur le territoire, sans aucune distinction, et sans tenir compte de la nationalité, du statut juridique ou de la résidence, de recevoir un justificatif d’identité unique reconnu par le gouvernement.
En somme, une bonne initiative qui masque toutefois la diversité d’autres finalités possibles avec ce dispositif. En effet, premier rappel d’ordre sémantique: pour le Larousse, la biométrie désigne « la technique qui permet d’associer à une identité une personne voulant procéder à une action, grâce à la reconnaissance automatique d’une ou de plusieurs caractéristiques physiques et comportementales de cette personne préalablement enregistrées ». En plus des très médiatiques catégories de « reconnaissance faciale » et d’« empreinte digitale », la biométrie recouvre ainsi d’autres zones ou caractéristiques du corps humain tels: contours de la main, battement du cœur, façon de marcher, reconnaissance vocale, iris d’un œil…Des données personnelles dont la bonne utilisation n’est pas garantie surtout dans un pays comme le Togo où le pouvoir semble prêt à tout pour surveiller les faits et gestes des citoyens.
Boulevard de risques
Selon les spécialistes, «les risques d’une mauvaise implémentation du dispositif peuvent être dramatiques pour l’utilisateur ». En effet, si un usurpateur d’identité compromet cette donnée biométrique, il pourra potentiellement l’utiliser à vie sans qu’on ne puisse jamais l’arrêter. A titre d’exemple, en cas de perte des données biométriques (suite à un piratage par exemple), les conséquences seront quasiment irréparables. C’est pourquoi, selon les spécialistes, il est crucial de respecter le choix des utilisateurs de vouloir, ou non, se soumettre à la biométrie.
Sauf que dans le cas togolais, cette liberté de choix n’est pas laissée aux citoyens. Puisque, la loi s’applique à toutes les personnes physiques togolaises présentes ou non sur le territoire national ainsi que toute personne séjournant à titre temporaire ou permanent au Togo (article 2 de la loi). Qui plus est, même si l’article 4 concède le droit de demander l’enrôlement numérique, les articles 13 et 14 se hissent comme de géants filets contraignants qui avalent toutes possibilités d’échapper à cette «boîte nuérmique».
Qu’à cela ne tienne avant même l’adoption de cette fameuse loi, l’Etat togolais avait déjà procédé arbitrairement à l’identification numérique des citoyens de force par le moyen des rapts qui ont été longuement organisés ces derniers temps au nom des patrouilles nocturnes et autres opérations dites de contrôle sécuritaire.
Sachant qu’au Togo la violation des droits humains n’est plus à démontrer, une utilisation des données personnelles dans le champ fixé par la loi n’est pas garantie. D’ailleurs, c’est pourquoi dans certains pays, les parlementaires soucieux des principes de démocratie se sont opposés au traitement de données biométriques aux fins d’identification.
La course des Etats véreux
En effet, comme souligné plus haut, la biométrie rend possible, au-delà de l’identification des individus, l’identification de caractéristiques spécifiques à l’individu, tels que ADN, rythme cardiaque…, explique le responsable de la sécurité des systèmes d’information au sein d’une société d’assurance. Et l’usage qui peut être fait de ces données personnelles à des fins liberticides ou criminelles doit inciter à la plus grande prudence. D’autant plus que dans la législation sur la biométrique, les mesures énumérées aux articles 21, 22, 23, 24 et 25 supposés garantir la sécurité et confidentialité des données biométriques sont loin de rassurer.
Mais cette loi est passée à l’Assemblée nationale comme une lettre à la poste. Sans aucune opposition. Alors qu’une réflexion éthique doit avoir lieu sur l’usage de la biométrie, afin de poser clairement les avantages face à la taille des risques qu’elle engendre. Une réflexion d’autant plus cruciale que se pose aussi la question de l’efficacité-même de ces dispositifs biométriques. Remarque importante, ce sont les pays en déficit démocratiques qui sont les plus nombreux à se diriger tête baissée vers cette technologie qui suscite des inquiétudes plus que légitimes.
Source : Fraternité No.369 du 09 septembre 2020
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Source : 27Avril.com