Togo : L’Imam Hassan de Sokodé égal à lui-même.

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C’est par centaines que les fidèles et des curieux pas forcément musulmans ont pris d’assaut la mosquée de l’Imam Alassane Mollah située en face de l’école centrale de Sokodé ce vendredi 15 décembre 2017. Personne ne voulant se faire conter l’évènement, l’enceinte de la mosquée était devenue si petite que le gros des fidèles avait dû prendre place aux alentours sur des tapis de fortune.

Togo : L’Imam Hassan de Sokodé égal à lui-même.

Qu’est-ce qui fait donc s,agiter tout ce petit monde de musulmans et autres?

L’Imam Alfa Hassan fut arrêté ou plutôt enlevé manu-militari lundi 16 octobre 2017 à son domicile de Tchawanda, un quartier populaire de Sokodé, et emmené cette nuit-là vers une destination inconnue pour ses proches et partisans qui apprendront plus tard que la soldatesque de Faure Gnassingbé l’a déposé à la prison civile de Kara située à plus de 70 km du lieu de son enlèvement.

Vu la carrure de l’homme de Dieu très engagé et dans la foulée des manifestations de l’opposition contre le pouvoir togolais, la nouvelle de son «arrestation» fit le tour du monde et des pressions tous azimuts s’abattirent sur notre «prince-héritier» qui, comme un enfant à qui on a retiré un bonbon, murmura son mécontentement, mais dut céder aux pressions en autorisant du bout des lèvres la libération de l´Imam de Sokodé.

Vendredi 08 décembre 2017, après 53 jours de détention le bouillant Imam est libéré en compagnie de Alfa Wahid de Bafilo, enlevé quelques jours plus tard.

D’entrée de jeu Alfa Hassan a tenu à remercier Dieu et tous ceux qui, de près ou de loin ont compati à ses douleurs et à celles de sa famille pendant les moments difficiles et ont contribué à sa libération. Il précisera qu’il n’a pas peur de ses adversaires ou détracteurs, c’est pourquoi, malgré un projet de voyage, il a tenu à faire la prière de vendredi dans sa mosquée pour s’adresser à ses fidèles, les encourager et leur prouver qu’il reste le même amoureux de la vérité, de la justice et de l’être humain tout court. Partir en voyage sans parler à ses fidèles serait trahir ses convictions, ses partisans et surtout ce serait faire plaisir à ses adversaires qui auraient mijoté dans l’ombre son enlèvement, et qui attendaient un homme cassé, brisé.

Pour prouver qu’il n’a rien perdu de son mordant et qu’il a suivi toute l’actualité de ces derniers mois, l’Imam Mollah a dénoncé la barbarie militaire des para-commandos qui a fait de nombreux blessés, des morts, de nombreux sans-abri, de nombreux réfugiés en brousse ou dans les pays limitrophes et de nombreux disparus à Sokodé, Bafilo et Mango. Mais sans rancune, le prince Mollah demande à ses fidèles et à toutes les populations encore sous le choc de s’éloigner de toute idée de vengeance et de pardonner; car, selon lui, ce qui s’est passé serait un signe de Dieu pour tester le degré de fidélité des croyants.

Pour montrer que la levée du siège militaire à Tchaoudjo et le départ des militaires sont un gros mensonge, Alfa Hassan a raconté l’histoire d’un citoyen qui, venant de Sotouboua et se rendant vers Kara sur une moto qu’il a chargée de sacs de maïs, fut arrêté à la sortie Nord de Sokodé à Kidèoudè à un barrage érigé par des bérets rouges. Le motocycliste est questionné sur la destination de la cargaison. Il répond que le maïs est destiné à un parent malade.

Malgré sa réponse le malheureux est accusé par nos militaires de convoyer des vivres aux réfugiés en brousse qu’il veut nourrir pour les faire revenir. On lui assène un coup de bâton qui le fait tomber et il est ensuite couché à plat-ventre et roué sauvagement de coups. Son derrière était tellement si abimé qu’il ne pouvait plus remonter sur la moto. Selon l’Imam, la scène s’était déroulée une semaine avant sa libération.

Togo : L’Imam Hassan de Sokodé égal à lui-même.

A l’activiste du RPT/UNIR de Sokodé qui s’était fait justice en malmenant une mère de famille à son domicile, sous prétexte qu’elle les aurait injuriés, lui et son papa, Alfa Hassan a rappelé ce proverbe tem qui dit que «le Chef est un dépotoir». En tant que responsable on est forcément la cible des attaques personnelles justifiées ou non. Il a donné l’exemple du Chef de l’État Faure Gnassingbé qui fait régulièrement l’objet d’attaques personnelles ou de caricatures sur les réseaux sociaux et dans dans la presse. S’il devait se fâcher et chercher à se venger, c’est peut-être la moitié des Togolais qui se retrouverait en prison.

L’Imam Hassan dans son prêche n’a pas manqué d’égratigner au passage l’actuelle direction de l’Union Musulmane du Togo qu’il a qualifiée d’«Union des Voleurs». Il a vilipendé certains responsables de cette Union qui auraient fait campagne dans des mosquées à travers le pays contre sa libération et interdit des prières favorables à cet effet. Il leur a rappelé que le Coran n’interdit nulle part à un responsable musulman de s’immiscer dans les affaires de la cité en faisant la politique. C´est l´injustice, la violation des droits de l’homme, la pauvreté que dénoncent toutes les grandes religions à travers le monde dont l´Islam. Donc tout citoyen quel qu’il soit a le droit d’avoir son mot à dire quand la politique dans son pays ne va pas dans le sens de l´amélioration des conditions de vie des citoyens.

Parlant de la situation purement politique, Alfa Hassan a insisté sur l´importance de l´alternance politique dans notre pays. S’adressant à Faure Gnassingbé, il lui a exprimé son estime et lui a demandé de faire preuve de sagesse pour sortir par la grande porte et éviter l´humiliation. L´Imam Hassan Mollah dit avoir un rêve: celui de voir l´ancien président Faure Gnassingbé dans un proche avenir côte à côte avec le président nouvellement élu du Togo à des cérémonies officielles.

Pour terminer l’ex-détenu de la prison de Kara a raconté et déploré les conditions dans lesquelles il fut kidnappé à son domicile le 16 octobre dernier. Son argent et son portable furent emportés par nos «vaillants militaires» envoyés pour l’enlever; et le voyage nocturne de Sokodé à Kara en compagnie des «kidnappeurs» ne fut pas non plus une partie de plaisir, c’est pourquoi il lui serait difficile de pardonner les soldats de cette nuit fatidique.

Évoquant sa propre incarcération et celle de son jeune frère Alfa Wahid de Bafilo à la prison civile de Kara, il a décrit des conditions relativement acceptables. Mais là où le bât blesse ce sont les conditions et la vie très difficile de beaucoup d’anciens prisonniers qui y étaient depuis longtemps. L’Imam de Sokodé dans son prêche a insisté sur la nécessité de s’organiser pour venir en aide sur tous les plans aux prisonniers pas seulement à Kara mais sur toute l´étendue du territoire national.

Togo : L’Imam Hassan de Sokodé égal à lui-même.

L’emprisonnement des mineurs laissés à eux-mêmes sans aucune structure de formation scolaire ou d’apprentissage reste le point qui a le plus attristé et marqué Alfa Hassan lors de son séjour forcé à la prison de Kara. Si la prison pour mineurs surtout est incapable de s’occuper de l´éducation des enfants qui sont contraints de quitter la société normale pour divers délits, alors l’homme de Dieu propose la fermeture pure et simple de tels lieux de détentions qui, au lieu d’aider les jeunes à se corriger, à se repentir et à se préparer pour reprendre valablement leur place dans la société une fois libérés, fabriquent de futurs délinquants et criminels.

C’est pourquoi l’Imam Hassan de Sokodé a lancé un appel pathétique aux autorités politiques et surtout judiciaires de notre pays pour qu´elles se penchent sérieusement sur ce problème d´arrestation et de détention d´enfants mineurs.

Samari Tchadjobo
Allemagne

27Avril.com