Pour tous ceux qui en doutaient encore, la Conférence des Evêques du Togo (CET), a fait le choix de s’installer durablement dans le paysage politique togolais, décidée à occuper le vide abyssal, laissé par une opposition qui a sombré depuis la dernière élection présidentielle. A quel dessein ?
Visiblement, la classe politique togolaise devra compter dorénavant avec elle. Même si elle n’a pas franchi le Rubicon, allant jusqu’à s’enregistrer comme la énième formation de l’échiquier politique togolais, la CET campe bien désormais une force politique, ancrée délibérément dans l’opposition.
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Il est vrai qu’au regard de l’état dans lequel celle-ci se retrouve depuis février dernier, une cure de jouvence ne lui serait que profitable. Battue, abattue, sans idées ni initiatives, elle a du mal à se relever d’une énième défaite électorale. Déstructurée par une dynamique hétéroclite sans base militante encore moins sans programme, elle finit presque toujours par rejeter ceux qu’elle a adulés hier, souvent sur la foi de spéculations et de rumeurs, vérifiées ou non. Après Jean-Pierre Fabre, c’est au tour de Tikpi Atchadam de faire les frais des tenants de la Terreur.
De fait, Mgr Philippe Kpodzro ne fut que la face émergée d’une tendance qui se dessine lourde, et qui s’affirmera sans doute au fil des années : la CET veut faire sa politique. Sa dernière sortie est plus qu’un ballon d’essai et procède d’une stratégie au long cours pour pallier l’absence et la faiblesse de l’opposition. Ainsi, alors que la séquence des élections est fermée depuis longtemps et que le président autoproclamé, reclus chez lui et sous contrôle judiciaire, se contente d’amuser la galerie et feint de maintenir une flamme bien éteinte depuis longtemps, la CET en fait un sujet d’actualité, dont l’intérêt pour eux, semble faire partie des priorités quotidiennes des Togolais en cette période de crise sanitaire et d’incertitudes sur l’après
COVID-19. Elle s’est déjà plusieurs fois aventurée sur ce terrain, imprudemment, reprenant comme éléments probants ceux écumant les réseaux sociaux dont tout le monde connaît le grand sérieux, ou convoquant « la main sur le cœur », un vrai indicateur de la crédibilité d’une compétition électorale.
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Malgré les critiques de leurs ouailles et certains de leurs confrères, les Evêques déroulent leur agenda, se résolvant même à commenter l’actualité, à décrypter tous les faits divers, qui ne restent que des faits divers même absolument choquants. Ils en sont convaincus: ce pouvoir est omnipotent, omniprésent et il faut lui opposer une force. Et la seule aujourd’hui selon eux, structurée avec quelques relais dans la société reste l’église, prise sous son acception générale
Sur les traces de l’imam Mahmadou Dicko
La CET veut sans doute marcher sur les traces de Mahmadou Dicko, ce dignitaire religieux malien , soutien du président Ibrahim Boubacar Keïta lors de la présidentielle de 2012, qui est parvenu à rassembler contre ce dernier des partis venus de tout le spectre politique. Il a pris la tête d’une coalition composite mêlant partis politiques et mouvements religieux , appelée « Mouvement du 5 juin », faisant parcourir un vent de panique sur l’échine du pouvoir malien, en exaltant les nombreuses frustrations d’une population rassemblée par dizaine de milliers lors de manifestations qu’il orchestre. En une vingtaine d’années, cet imam rigoriste, tenant d’un salafisme minoritaire, est devenu un personnage central de la scène malienne. Sauf que le Mali n’est pas le Togo sur le plan de la pratique religieuse où le syncrétisme religieux peut être source de mobilisation politique.
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Et contrairement à notre pays, il traverse une crise sociopolitique sans précédent, où se joignent la contestation des résultats aux législatives d’avril, la fatigue d’une corruption croissante, l’inertie de l’économie, les victimes toujours plus nombreuses des attaques djihadistes au nord et des violences intercommunautaires au centre etc. S’il a pu devenir le fer de lance d’un mouvement couvrant tout le spectre politique, y compris des adversaires d’hier, c’est parce que tous avaient besoin d’une autorité morale et une voix respectée des Maliens.
Pour l’instant, la CET ne peut se prévaloir d’un tel consensus. Mais si c’est le Saint-Esprit qui l’ordonne, alors, Allons-y.
Source : Togoweb.net