Togo-Les Adjigo et Alliés tiennent à leur « identité culturelle »

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Le trône royal Adjigo et ses Alliés sont déterminés à préserver leur « identité culturelle », dénonçant toute tentative de sa « confiscation » parce que, estiment-ils, « la diversité culturelle n’est que source d’enrichissement des populations ». Lire leur déclaration en ce sens.

DECLARATION DU TRÔNE ROYAL ADJIGO & ALLIES SUR L’IDENTITE FANTI, (MINA, ANE OU ADJIGO) ET SUR L’EXISTENCE DE DEUX TRÔNES A ANEHO

Le Trône Royal Adjigo et Alliés tient à porter à la connaissance des communautés nationale et internationale les faits saillants ci-après :

Préambule

« Un homme meurt lorsqu’il refuse de défendre ce qui est juste. Un homme meurt lorsqu’il refuse de se battre pour la justice. Un homme meurt lorsqu’il refuse de prendre position pour ce qui est vrai. »

Pasteur Martin Luther King

1) – Dans la deuxième moitié du 17ème siècle, la côte togolaise a connu deux mouvements migratoires, venant de l’ouest.

Vers 1663, selon la tradition orale, une première vague de populations, composée de princes gan, de la région d’Accra, fuyant la guerre, est venue s’installer au nord de la lagune Gbaga, où ils sont devenus des guin.

Trois ans plus tard, vers 1666, toujours selon la tradition orale, des princes fanti, de la région d’Elmina et d’Anoumabo (à l’ouest d’Accra), ont volontairement migré vers la même zone, mais pour s’installer au sud de la lagune Gbaga, face à l’océan Atlantique, séduits par la similitude du site avec celui d’Elmina. Seule la lagune séparait ce second groupe de migrants de leurs prédécesseurs. Les deux endroits où se sont installés les deux groupes de migrants deviendront plus tard Glidji, avec une population guin pour les premiers et Anèho, avec une population fanti, mina ou adjigo, (devenue aussi anè par la suite) pour les seconds.

2°)- Les autorisations d’installation sur ces deux différents sites ont été données à Ofori d’une part et à Quam-Dessou d’autre part, par Aholou Mèto AWUSSAN, Roi d’Agbanakin, qui contrôlait cet espace, étant lui-même sous la suzeraineté du Roi de Tado. (Références bibliographiques : Nicoué Lodjou GA YIBOR, Professeur des Universités de Lomé et de Kara).

Il y a donc lieu de noter que Glidji et Anèho, malgré leur proximité, abritaient dès le départ deux royaumes distincts et légitimes.

Glidji fut une puissance guerrière du temps du Genyi (18è siècle), qui a connu son déclin, pendant que Anèho, tirant profit de sa position de rade, c’est-à-dire « un grand bassin naturel ayant une issue sur la mer, et où les navires pouvaient mouiller », continuait de prospérer. Les Adjigo, des Fanti rompus aux travaux liés à la mer, étaient devenus les interlocuteurs incontournables des compagnies maritimes et des maisons de commerce installées dans la ville côtière, d’où les diverses convoitises venant des autres communautés, notamment des AKAGBAN.

Les fanti, mina, anè ou adjigo, fondateurs légitimes de la ville d’Anèho, travaillaient pour leur propre compte. Ils n’étaient les « Aputaga » ou représentants de personne ni d’aucun autre trône. Ils versaient néanmoins des redevances au Trône de Glidji, à l’époque du Genyi, au titre de leurs contributions aux efforts de guerre.

3°) – A Anèho, de 1666 à 1821 (soit pendant 155 ans), il n’y a eu qu’un seul souverain régnant. Il s’agit de celui de la dynastie des fondateurs de la ville, qui sont prénommés, fanti, mina, anè, ou encore adjigo.

C’est seulement à partir de 1821 que, suite à un « coup d’état », des troubles ont commencé dans le royaume, pour aboutir à l’auto-déclaration de royauté des AKAGBAN, en 1834. C’est depuis cette date qu’on parle de deux trônes à Anèho.

Pourquoi quelqu’un qui a gagné une « guerre» en 1821 n’aurait commencé à régner que 13 ans plus tard, sans aliéner les attributs royaux du prétendu vaincu, alors que les Adjigo n’ont jamais cessé d’exister ou de régner à Anèho ? Quand KOMLANGAN a dû partir en exil, il a aussitôt été remplacé sur le trône d’Anèho par son neveu ASRIVI, 6ème Roi (de 1821 à 1834) et ensuite par Kuao Adadé Nutépé, 7ème Roi (1834 – 1835), sans interruption jusqu’au règne 15 actuel, incarné par Nana ANE OHINIKO QUAM-DESSOU XV.

4°)- Depuis 1834 les velléités de règne ont toujours fait rêver les AKAGBAN, rebaptisés LAWSON, pour l’occasion. Elles se sont exacerbées dans les années 1920, avec la nomination du proconsul BONNECARERE comme Gouverneur de la France au Togo. Ils ont embarqué le nouveau gouverneur dans leur projet d’hégémonie. Ce dernier s’est mis à persécuter la Communauté Adjigo et Alliés (bannissements et déportations en 1922), qui refusa de renoncer au titre de Roi, au profit des LA WSON, dont le représentant fut nommé « Chef supérieur» de la ville dAnèho, etc. ….

Comment les AKAGBAN peuvent-ils se proclamer Roi d’une ville fondée plus d’une centaine d’années avant larrivée de leur ancêtre Assiadu ?

Chasseur banni d’Accra, originaire de Nungo (dans les environs d’Accra), ce dernier était venu se réfugier auprès d’Assiongbon Dandjin, dont la fille, la princesse Adaku épousera son fils prénommé Laté Béwu. Pour plus d’informations sur leur origine et leur arrivée à Anèho, prière de consulter le livre de Fio Agbano II de Glidji, intitulé « Histoire de Petit-Popo (pp. 39 – 40).

5°)- Heureusement pour la Communauté Adjigo et Alliés, sa combativité et le régime de mandat sous lequel la Colonie Togolaise était administrée lui permit de se faire entendre à l’extérieur et graduellement, grâce aux pétitions, aux interventions de leurs avocats, aux écrits dans la presse internationale et certains ouvrages de l’époque, Paris dut donner en 1926, des instructions au gouverneur BONNECARRERE, afin de rapatrier les déportés, sous la pression de la Société des Nations (S.D.N.) et de l’opinion internationale, sans avoir formellement obtenu leur adhésion à sa politique.

En dehors de ces faits relatifs à la déportation, d’autres exactions ont été commises sur les Adjigo et leurs Alliés à Anèho, mettant à rude épreuve la cohabitation entre les deux communautés. Mais, à l’indépendance du Togo, pour un meilleur « vivre ensemble » le Président Sylvanus OLYMPIO a entériné en 1961, après consultation des deux communautés, le fait qu’il y ait deux trônes d’égale dignité dans la ville. C’est depuis ce temps que l’on parle de deux chefs traditionnels dans la ville d’Anèho (le qualificatif de « supérieur» accordé par BONNECARRERE aux LA WSON ayant été abandonné).

6°)- Une paix relative semblait régner depuis lors dans la ville, mais l’espace communautaire de la Préfecture des Lacs ayant été recomposé depuis quelques temps, Glidji formant maintenant avec Anèho, la Commune de Lacs 1, des conflits de suprématie intra et inter communautaire semblent poindre avec des conséquences dommageables sur le vivre- ensemble dans la ville dAnèho, voire dans toute la Préfecture des Lacs.

C’est ainsi que certaines personnes cherchent à supprimer l’appellation « guin-mina », consacrée depuis que les guin et les mina cohabitent, au profit de l’appellation « guin », pour l’ensemble des habitants de l’espace, ce qui est loin de refléter la réalité sur le terrain, du moins en ce qui concerne la ville d’Anèho, qui n’est pas une cité guin ; elle fait partie de l’aire adja-tado et gum-mina. Sans Anèho, il n’y aurait jamais eu le toponyme guin-mina dans les livres d’histoire.

7°)- En l’an 2000 un colloque international avait déjà été organisé sous le titre « Le Tricentenaire d’Anèho et du pays guin ». Les actes qui l’ont sanctionné ont été publiés par les Presses de l’Université du Bénin, collection patrimoine n° Il, 2001. Il est étonnant que sur un document faisant deux tomes (679 pages au total), on ne puisse trouver ne serait-ce que le nom du fondateur de la ville, qu’on cherche soigneusement à occulter, nom qui figure pourtant dans presque tous les livres d’histoire sur la question.

De même la moindre page n’a été consacrée aux populations Adjigo et Alliés qui ont découvert le site et fondé la ville dAnèho ; l’appellation « mina » ayant déjà été supprimée. Pourtant le comité scientifique du colloque avait en son sein d’éminents professeurs d’histoire de nos universités.

Nous avons relevé ces insuffisances aux responsables de l’ADEVAN (Association pour le développement de la ville d’Anèho) organisateurs du présent colloque, prévu pour les 31 août et 01 septembre 2021, qui semblent malheureusement faire la sourde oreille. Tout semble prévu pour que ce colloque aussi se déroule sur « 1 ‘histoire, la société et le devenir du pays guin » ; c’est le thème annoncé.

Nous trouvons que cette démarche est très tendancieuse. La population de la ville d’Anèho n’est pas composée de guin uniquement et nous tenons à rappeler que la ville a été fondée au départ par les adjigo, (ou encore fanti, mina ou anè). C’est d’ailleurs pour cette raison que les ancêtres des gens qui cherchent aujourd’hui à réécrire l’histoire de cette ville l’avaient dénommée Anèwobého (les cases des Anè).

Nous dénonçons vigoureusement l’attitude de l’ADEVAN qui, au lieu de s’en tenir à promouvoir les actions de développement de la ville, ce qui est le but principal de sa création, veut, pour des raisons inavouées, s’ériger en une « autorité » qui décide de la requalification des populations. Une association de type « loi 1901 » n’a pas cette prérogative. Nous avons vécu paisiblement plus de trois siècles et demi aux côtés de nos frères guin et nous avons la ferme volonté de continuer dans cet esprit, mais dans un espace « guin – mina» revivifié, chacun vivant selon ses spécificités, ses us et coutumes et ses entités protectrices.

Le Trône Royal Adjigo et Alliés tient à saluer ici la très grande capacité de résilience de sa communauté, mais aussi, à affirmer avec fermeté que, ceci ne l’amènera jamais à accepter la confiscation de son « identité culturelle» car, « la diversité culturelle n’est que source d’enrichissement des populations ».

Fait à Anèho, le 15 mai 2021

Source : icilome.com