Togo, l’équation de l’horizon 2020 : Le peuple au beau milieu du fleuve !

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Togo, l’équation de l’horizon 2020 : Le peuple au beau milieu du fleuve !

Après près de soixante ans d’indépendance et à cinq mois de la présidentielle de 2020, la question du progrès de la démocratie togolaise se pose, mais alors avec acuité. Ceci, au regards de plusieurs facteurs et contraintes liant doctrine, marchandage et realpolitik. Face à un tel tableau peint d’un pouvoir insatiable et d’une opposition visiblement à stratégies plurielle, le peuple togolais assiste, impuissant, à une malsaine manipulation de son destin par des politiques à engagement intéressé. Ceci, sous le regard d’une communauté internationale passive.

L’obsession de confiscation du pouvoir

Quel engagement gagnant pour l’opposition togolaise en 2020? C’est bien là, la question qui se pose, à l’heure où la prochaine présidentielle annonce ses couleurs. À cinq mois de cette échéance cruciale pour les forces démocratiques qui n’entendent point laisser passer un quatrième mandat du président sortant, Faure Gnassingbé, la classe d’opposition togolaise ne sait vraiment sur quel pied danser. Elle n’a, pour l’heure, une vision claire de la stratégie gagnante à adopter face au pouvoir qui, visiblement, n’entend de son côté, rien lâcher pour lui assurer un quatrième mandat au fils du Général Eyadèma. Ceci, quand bien même que le débat sur le quatrième mandat de Faure est en cours. Cela démontre ô combien dogmatique, le régime cinquantenaire qui ne veut rien lâcher , lorsqu’il s’agit d’échelonner roublardise, violations des droits de l’Homme et terreur pour s’assurer la conservation du pouvoir à vie , du père au fils.

L’opposition et son approche plurielle…

Mais en face, une autre réalité. Celle d’une opposition caractérielle qui conjugue, pendant tout ce temps de gestion hémiplégique du pays, médisances, mépris, incompréhensions et divisions. Ces maux sont encore plus perceptibles à la veille du prochain scrutin présidentiel où le débat a cours sur l’approche d’une candidature unique ou plurielle des forces démocratiques face au candidat du pouvoir. On se rappelle qu’il y a quelques jours, le Mouvement des patriotes pour la démocratie et le développement (Mpdd) de Agbeyome Kodjo, après analyse de la situation, a appelé à la mise en place d’une cellule stratégique républicaine en vue de l’élaboration d’une feuille de route de la gouvernance plurielle en 2020. Une approche plurielle qui, explique le parti de l’ancien Premier ministre, se veut un choix cornélien pour l’opposition, en face d’un électorat démobilisé par les désunions des acteurs et l’avidité d’un pouvoir dogmatique qui n’entend rien lâcher.

Malheureusement, l’approche est toute autre pour le parti orange l’Alliance nationale pour le changement (Anc) de Jean- Pierre Fabre, dans un courrier adressé au President de la République, a appelé à un dialogue avec le pouvoir. Ceci, alors même que ce parti annonçait, comme entre autres raisons motivant son retrait de la C14, la rencontre de ce regroupement de partis politiques avec le Chef de l’Etat.

Pendant ce temps encore, c’est également le reliquat de la C14 qui interpelle le G5 en médiateur. Dans son analyse de la situation sociopolitique actuelle du Togo, ce groupement dont Brigitte Kafui Adjamagbo assure la coordination depuis 2017 a exprimé ses vives préoccupations relatives aux conditions d’organisation de l’élection présidentielle, avant, pendant et après le scrutin, aux personnes arrêtées lors des manifestations et toujours détenues, ainsi qu’aux dérives observées dans les mesures prises ces derniers jours par le gouvernement concernant les communes du Grand Lomé. De même qu’il a exprimé ses remerciements au Groupe des 5 pour «l’attention» et l’inviter, ensuite à s’impliquer davantage dans la résolution de la crise togolaise en jouant au mieux leur rôle de facilitateur. Ceci, écrit Brigitte Kafui Adjamagbo, pour « aider le Togo à sortir de la longue crise qui la hypothèque le développement du pays » et «mettre fin aux souffrances des populations togolaises en quête légitime de démocratie et de bien-être». Somme toute, la conjugaison d’une approche plurielle difficile à disséquer.

Le G5 ou une complicité passive

Toutefois, cela vient à point nommer reposer la question de l’impact réel du regroupement des ambassades de France, de l’Allemagne, des Etats-Unis, de la Délégation de l’Union Européenne et du Système des Nations Unies. Pendant longtemps, cette entité de partenaires en développement du Togo, par son inaction, a, si ce ne sont des communiqués alambiqués, donné l’impression de choisir, le parti du plus fort qui pourtant s’adonne aux violations systématiques des droits de l’homme et autres dérivés combattus sous leurs cieux. Ce que tient à leur rappeler, l’Archevêque Émérite de Lomé, Philippe Fanoko Kpodzro.

Kpodzro sonne la France

En effet, dans sa dernière sortie, l’Homme de Dieu a observé un sit-in devant l’Ambassade de France au Togo. Ceci, dans le but de protester contre la loi portant modification des droits de libertés publiques de manifestations au Togo en général et les violations des droits humains en particulier.

Devant l’ambassade, Mgr Kpodzro a déclaré que le Togo est un pays atypique où les massacres de masse sont légions, les infanticides une banalité, la torture une pratique courante, autant de faits dénoncés à maintes reprises par la Commission des droits de l’homme de l’ONU qui ordonna en juillet dernier la fermeture de la prison civile de Lomé, sans être entendue. « On emprisonne pour des raisons politiques, on interdit les manifestations publiques, on prive des droits élémentaires des citoyens pour un délit d’opinion, on pille les deniers publics dans l’impunité totale et on triche à tous les étages ; et la démocratie qui donne force et vigueur aux institutions de la République est bafouée » a-t-il ajouté. Et d’interpeller, sur un fond accusateur, la France, de trahir sa mission envers le Togo, celle de veiller à la protection des droits humains. « Qu’attendez-vous pour agir Monsieur le Représentant de la France au Togo ? Un nouveau bain de sang comme celui qui permit à l’actuel souverain du Togo de capter le pouvoir en 2005 ? » se demande t-il avant d’ordonner « Soyons dans la prévention au lieu de chercher à jouer plus tard les sapeurs-pompiers ; il serait vraiment trop tard, car le Togo malgré les apparences trompeuses de calme qu’il présente est au bord de l’explosion », a indiqué l’ancien président du Haut Conseil pour la République.

La pluralité des approches peut-elle dégager, pour l’opposition démocratique, la panacée pour 2020? Rien n’est moins sur. Qu’à cela ne tienne, tous les observateurs s’entendent, aujourd’hui, sur l’engagement partiel et biaisé de ces représentations diplomatiques qui confirment à plus d’un titre qu’elles ne sont que le prolongement de leurs Etats respectifs qui ne défendent que leurs intérêts. Et la preuve du mutisme doublé de complicité passive du G5 face aux dérives complètement totalitaire du régime Togolais laisse perplexe tout esprit libre et épris de changement. À ce jour, tout semble dire que les soixante ans d’indépendance n’ont guère permis au Togo d’asseoir une vraie démocratie. Une démocratie aujourd’hui délaissée au milieu du fleuve. Celle hémiplégique que l’on s’est construite, contre vent et marrées est toujours à la croisée des chemins, perdue entre les exigences de la realpolitik, au détriment d’un peuple aux droits bafoués, mais contraint au silence. Jusqu’à quand?

Source : Fraternité No.333 du 15 octobre 2019

Vidéo : iVT/YT

27Avril.com