Le Programme d’investissements publics (PIP) est le projet récemment mis en branle par les autorités togolaises. Ce programme entend, selon l’exécutif, « contribuer à une croissance forte et à un déploiement accru des services sociaux de base au bénéfice des populations au moment où notre sous-région fait face à la menace du terrorisme et de l’extrémisme violent ».
Problème, malgré l’enthousiasme qu’il suscite, le PIP a le malheur de faire penser à d’autres programmes qui, connus sous divers sigles non moins alléchants, n’ont pas été à la hauteur des attentes des Togolais. Du Document complet de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP-C) à la Stratégie de croissance accélérée pour la promotion de l’emploi (SCAPE), en passant par le Programme d’urgence de développement communautaire (PUDC) ou encore le Plan national de développement (PND), l’Etat a failli à la mission qui devrait être la sienne : éradiquer la pauvreté. Mais celle-ci n’a jamais été aussi vive qu’aujourd’hui. Pas besoin donc d’avoir une boule de cristal pour prédire un avenir peu enviable à ce Programme d’investissements publics. Les Togolais devront passer à autre chose que d’en donner cher.
Les travaux d’élaboration du tout nouveau Programme d’investissements publics (PIP) ont été lancés le 31 janvier dernier par de Sandra Ablamba Johnson, ministre et secrétaire générale de la Présidence togolaise. « Il s’agit, conformément à la nouvelle dynamique, d’aligner systématiquement les projets du PIP avec les ambitions de la feuille de route ; de respecter le cadrage budgétaire dans l’inscription des besoins d’investissement au PIP ; d’augmenter le financement des investissements publics en recourant aux apports du secteur privé afin de soulager les finances publiques et d’éviter la répétition des mêmes investissements dans le PIP en renforçant la coordination entre les ministères. Il est également prévu dans ce sens l’élargissement du champ du PIP aux collectivités locales, aux entreprises publiques et aux partenariats publics-privés », a expliqué la Présidence de la République. Sandra Ablamba Johnson n’a pas manqué d’inviter secrétaires généraux, responsables de planification et des affaires financières des départements ministériels et des institutions de la République, à s’approprier le PIP 2023-2025 « en vue de disposer d’un programme d’investissements publics à même de contribuer à une croissance forte et à un déploiement accru des services sociaux de base au bénéfice des populations au moment où notre sous-région fait face à la menace du terrorisme et de l’extrémisme violent ».
La chronique d’un fiasco annoncé
Sandra Ablamba Johnson veut trouver dans ce nouveau programme le parachèvement de la feuille gouvernementale : « Notre challenge majeur à tous reste la mise en œuvre réussie de la feuille de route gouvernementale à travers un programme d’investissements publics induisant un impact significatif sur les conditions de vie des populations togolaises ». Mais doit-on se montrer aussi enthousiaste, ou plutôt, aussi naïf que la ministre ?
Que peut-on comprendre, en réalité, par « contribuer à une croissance forte et à un déploiement accru des services sociaux de base au bénéfice des populations au moment où notre sous-région fait face à la menace du terrorisme et de l’extrémisme violent », si ce n’est la chronique d’un énième gâchis ?
N’y allons pas par quatre chemins : ce Programme d’investissements publics n’est que le faux-nez de ces sigles pompeux comme le Document complet de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP-C), la Stratégie de croissance accélérée pour la promotion de l’emploi (SCAPE), le Programme d’urgence de développement communautaire (PUDC) et le Plan national de développement (PND), tous aussi éclatés au sol les uns que les autres, et qui n’ont en rien changé le quotidien des populations.
« L’incidence de la pauvreté est très élevée en milieu rural où trois ménages sur quatre sont pauvres contre deux sur cinq en milieu urbain. Les régions les plus touchées par la pauvreté sont la Région des Savanes (90,5%), la Région Centrale (77,7%) et celle de la Kara (75%). Par ailleurs, la pauvreté est fortement corrélée avec la sous-alimentation dans la mesure où 64,2% de la population pauvre est sous-alimentée », lisait-on dans le Document complet de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP-C), document censé se réaliser dans l’intervalle 2009-2011.
La Stratégie de croissance accélérée pour la promotion de l’emploi (SCAPE) pilotée sur la période 2013-2017, a été un échec digne d’une mauvaise pièce de théâtre.
Non contentes de jeter aux quatre vents des milliards qu’ont déjà engloutis ces projets qui n’en ont pas vraiment le nom depuis 2005, les autorités, sans cesse poussées par la démagogie, en ont inventé d’autres comme le PND qui, là encore, a fait plus de tintamarre qu’il n’a tiré de la pauvreté des milliers de citoyens toujours embourbés dans la gadoue de la précarité, de l’endettement et de la vie chère.
PIP synonyme d’un quinquennat de trop en vue?
Les apôtres du PND se piquaient pourtant de transformer structurellement l’économie togolaise pour « une croissance forte, durable, résiliente, inclusive, créatrice d’emplois décents pour tous et induisant l’amélioration du bien-être individuel », durant la période 2018-2022. Nous voici en 2022, et toujours pas de cités modernes dans les zones urbaines et semi-urbaines, pas plus qu’il n’y d’aménagement des secondaires annoncées. Malgré le tohu-bohu orchestré autour de ce machin, la majorité des Togolais continuent de vivre sous le seuil de la pauvreté, et la santé et l’éducation restent un luxe.
Malgré ce énième fiasco, nos marchands d’orviétan qui prétendent détenir l’antidote contre le mal-être des Togolais, feignent d’oublier que ce Programme d’investissements publics ne connaîtra pas un sort plus glorieux que celui des projets susmentionnés. Quand on n’a pas pu trouver la formule depuis 2005, ce ne sera pas dix-sept ans après qu’on va la trouver, surtout avec une gouvernance essentiellement basée sur le tout-politique. Moins qu’un projet à caractère social, le Programme d’investissements publics est symptomatique de la volonté mal dissimulée de Faure Gnassingbé et de sa bande de s’éterniser au pouvoir. Car à chaque fois qu’on sent leur fin de règne, nos dirigeants trouvent une feuille gouvernementale, histoire de rallonger un long règne pour le moins préjudiciable pour nombre de citoyens.
Sodoli Koudoagbo
Source : Le Correcteur
Source : icilome.com