Togo : La « priorité » du prochain gouvernement

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Quel 4e mandat de Faure Gnassingbé ? Les Togolais avisés se sont une fois au moins posé cette question, en termes de couleurs sous lesquelles ce quinquennat 2020-2025 sera placé ou d’actions devant le meubler, au regard de la vacuité des précédents. L’opinion attend encore la formation du prochain gouvernement pour s’en faire une idée. Mais déjà, il y a un secteur qui s’impose comme une priorité ou plutôt devrait s’imposer telle pour l’équipe attendue…

Toujours pas de gouvernement trois mois après l’élection présidentielle du 22 février 2020. Une première depuis des décennies au Togo. On croyait que la prestation de serment de Faure Gnassingbé le 3 mai dernier allait accélérer les choses. Mais là aussi, voilà vingt-cinq (25) jours de passés. Les Togolais ne connaissent d’ailleurs pas le Premier ministre devant conduire la nouvelle équipe attendue. Komi Selom Klassou est toujours en place et, manifestement, n’est pas près de s’en aller. Annoncé démissionnaire la semaine passée, l’information a été très vite démentie. Il faut donc être dans le secret du « Messi » pour savoir qui il va nommer à la Primature, quand il le fera et encore à quel moment le Premier ministre formera son gouvernement. D’aucuns annoncent déjà un gouvernement d’union ou plutôt d’apaisement, avec des entrées d’opposants pour leur permettre aussi de « manger un peu quoi ».

Les différents mandats du « Prince » ont toujours été placés sous des sceaux bien définis. Le premier (2005-2010) a été (prétendument) mis sous celui de la réconciliation, le second de relance économique et le troisième du social. Chacun peut aisément apprécier le bilan au finish. Même si les couleurs ont été entre-temps annoncées par le « Prince» lui-même dans une tribune sur un média international dont la quintessence faisait état de poursuite des acquis (sic) sur la lancée du 3e, on attend donc de voir sous quel vocable (sic) le quinquennat 2020-2025 sera placé. Le programme de gouvernement à présenter par le prochain Premier ministre permettra d’en savoir davantage. Mais déjà, un secteur s’impose ou plutôt devrait s’imposer comme la priorité de la prochaine équipe et de l’exécutif tout entier, c’est celui de la santé.

La santé est un secteur essentiel au Togo et demandait déjà à être érigé en priorité, du moins mis en bonne place. La situation n’est pas du tout fameuse, avec des infrastructures datant de Mathusalem. Elles ne sont d’ailleurs pas en nombre suffisant. Dans certains coins du pays, il n’existe même pas de case de santé. Que dire des équipements ? Ceux existants sont vétustes et ne répondent plus aux besoins. Les agents de santé, réunis au sein du Syndicat national des praticiens hospitaliers (SYNPHOT) ont toujours exprimé les besoins. Au-delà des communiqués, déclarations, interpellations de vive voix sur les radios, ils ont parfois été obligés d’observer des arrêts de travail juste pour attirer l’attention des gouvernants sur leurs besoins. La vétusté ou l’inexistence des équipements a parfois entraîné des décès dans les structures de santé. Même le CHU Sylvanus Olympio, l’hôpital de référence au Togo, manque de certains équipements modernes essentiels, pourtant disponibles dans les structures privées.

En termes de ressources humaines, la situation n’est pas meilleure. Il y a un manque manifeste de personnels, notamment dans les spécialités. Le tableau présenté par des études de structures de la société civile ces derniers temps n’est pas rose. Pour certaines spécialités, les médecins sont à peine dix (10) ou cinq (05) pour tout le Togo. Et généralement, ces rares spécialistes préfèrent aller offrir leurs services ailleurs.

Il y avait donc déjà un fort besoin de s’occuper du secteur de la santé, négligé depuis la nuit des temps. Pour des maladies bénignes, on meurt facilement. La situation a fait donner au CHU SO le qualificatif de mouroir. Le régime Faure Gnassingbé n’a jamais fait de ce secteur sa priorité. Les budgets à lui concédés sont dérisoires et n’ont jamais atteint les 10 % au moins du budget national, comme requis par des directives communautaires. Pendant ce temps, des secteurs non essentiels se voient accorder des sommes folles, à l’instar de la Présidence pour la sécurité d’un seul individu, ou encore le développement à la base pour des actions de propagande. Mais la crise du coronavirus est venue remettre au goût du jour ce besoin plus qu’urgent.

L’indisponibilité d’infrastructures adéquates ou la fragilité du système sanitaire a été à l’origine des tâtonnements au début de la crise et continue de l’être face à certaines prises de décisions. Contrairement aux déclarations de gouvernants disant le Togo prêt à gérer les cas de coronavirus avant son entrée dans le pays, rien n’était véritablement fait. Dans un premier temps, ce n’était qu’un petit centre d’isolement qui était installé au CHU Campus. Mais très vite, sa capacité a été dépassée et il a fallu en créer de toute urgence. En l’absence d’hôpitaux spécialisés, c’est le CHR Lomé Commune qui a été transformé en centre d’hospitalisation pour la prise en charge des malades de la Covid-19. On se rappelle d’ailleurs la précipitation avec laquelle il avait été vidé du personnel et des malades pour faire place aux patients de coronavirus…

A son tour, ce centre a été vite débordée. Devant l’inexistence de centres de plus grande capacité à transformer pour prendre en charge les patients qui commençaient à être nombreux, le gouvernement s’est vu dans l’obligation de réquisitionner des hôtels pour leur isolement. Contrairement à certains pays où des hôpitaux ont été construits en l’espace de quelques jours ou des espaces transformés en lieux d’isolement et de traitement avec les équipements idoines. Aujourd’hui il est clair que la carence d’infrastructures sanitaires pour l’hospitalisation des malades du coronavirus est à l’origine de la tergiversation du Togo à explorer la piste de dépistage massif et systématique qui a participé à une meilleure riposte contre la maladie sous d’autres cieux.

Le bon sens voudrait que le pouvoir en place tire leçon de la crise sanitaire actuelle et engage des actions salutaires en matière de santé. Il y a un besoin urgent de construire des hôpitaux et les équiper. En Côte d’Ivoire, en à peine dix ans au pouvoir, ce que Alassane Ouattara a réalisé dans le domaine de la santé est incomparable. Il est mis à son actif la construction d’une demi-dizaine de CHU, la construction ou réhabilitation de plein d’autres structures sanitaires, leur équipement avec des structures modernes. Au Togo, Faure Gnassingbé, n’a pas offert un seul CHU aux populations en quinze ans de régence. L’une des rares structures sanitaires d’ampleur dont il a doté le pays, c’est le CHR Lomé Commune. Le fameux hôpital dit de référence, Saint-Pérégrin, n’est pas encore sorti de terre. Lancés officiellement depuis le 15 février 2019 et censés durer un an, les travaux piétinent. Aux dernières nouvelles,selon le site republiquetogolaise.com, il devrait être prêt fin juillet prochain.

Avec la crise du coronavirus, le Togo a appris à acquérir des dizaines de respirateurs – l’information officielle évoque 250 – en l’espace de quelques semaines et jours face à l’urgence du besoin engendré par le coronavirus. Il va falloir faire autant de sacrifices et équiper les structures de santé existantes. C’est Faure Gnassingbé lui-même qui a en tout cas à y gagner…

Des primes sont, enfin, concédées aux agents de la santé, dans le cadre de la lutte contre le coronavirus. Elles varient de3500 à 100.000 francs CFA, selon les tâches prises en compte par chaque membre du personnel soignant. Les techniciens des laboratoires, de la prévention et contrôle des infections, de la surveillance aux points d’entrée et de l’intervention rapide par exemple toucheront une prime journalière de 8.000 francs CFA, les chauffeurs 3.000 francs CFA, la coordination sectorielle niveau central, régional et district mensuellement de 100.000, entre autres. Il s’agit d’encourager le personnel soignant pour ses efforts dans la riposte contre la Covid-19. C’est un geste honorable de la part du gouvernement. Mais il va falloir aller au-delà de ce geste conjoncturel et rehausser les salaires des personnels soignants qui sont misérables au Togo. Et très souvent, la faiblesse des rémunérations pousse la plupart des médecins à aller se faire valoir sous d’autres cieux…

Tino Kossi

Source : Liberté Togo

Source : 27Avril.com