Vincent Bolloré a été placé ce mardi en garde à vue à Paris dans une affaire de sous-facturation et de versements de pots-de-vin au Togo et en Guinée. A Lomé, plusieurs barrons ont reçu des avantages en nature et en espèce pour faciliter la concession du 3e quai en 2010 mais aussi garantir au groupe un monopole qui met à mal la contribution du Port Autonome de Lomé au budget de l’Etat.
Mai 2009. Une scène surréaliste se déroule à mille milles de Lomé. Dans un hôtel à Barcelone, Nicolas Sarkozy, président français et Faure Gnassingbé, homme fort de Lomé ont eu un bref échange. “Quand on aime la France, on protège ses intérêts” a lancé le locataire de l’Elysée au président togolais à qui il avait fait savoir par l’intermédiaire de Dominique Renaux, jadis ambassadeur de France au Togo que “Bolloré avait tout son soutien”.
Pendant ce temps, à Lomé, un homme savoure sans le savoir ses dernières heures de gloire. Jacques Dupuydauby. Nébuleux homme d’affaires franco-espagnol qui, depuis une décennie, à force de corruption XXL et de pots-de-vin à tout vent, roule comme un sphinx mafieux sous les tropiques. Le 29 Mai, sur les conseil de son mentor Charles Debbasch, conseiller à vie du président togolais, Dupuydauby s’enfuit de Lomé après avoir jeté dans l’océan les derniers reliquaires informatiques de Progossa, la nébuleuse qu’il dirige dans le pays. L’ANR (Agence nationale des renseignements) réussira à percher quelques disques durs et autres disquettes restés illisibles. Epilogue d’une aventure à mille rebondissements…
Togo et Guinée, même stratégie
Aussi bien en Guinée qu’au Togo, tout est parti d’un conflit d’intérêt qui oppose Bolloré à un concurrent international. Dans les deux pays, les chefs d’Etat ont fait usage de la force pour déloger et chasser l’adversaire en faveur du Breton. Elu un an plus tôt, c’est avec un abondant contingent de la gendarmerie que Alpha Condé fera déguerpir le groupe français Nécotrans. Exactement par la force, Faure Gnassingbé aura poussé Duuydauby à s’embarquer en urgence pour Ouagadougou avant de relier Paris.
Dans les deux cas, tous les comptes bancaires des sociétés concernées (Nécotrans pour la Guinée et Progossa pour le Togo) ont été bloqués et au mieux, le premier responsable a juste eu le temps d’emporter quelques cravates et pantoufles laissant des milliards depuis portés disparus à Conakry comme à Lomé. Rapidement et dans les deux pays, et mystérieusement, Bolloré Africa Logistics remplacera Progossa et Nécotrans. Havas qui est la branche de communication du groupe devient très actif et offre son génie à Faure Gnassingbé en 2010 pour sa réélection comme il le fera à Alpha Condé.
D’ailleurs au Togo, cette filière est dirigée par Patrick Bolouvi, demi-frère du président togolais. Président pays du groupe, Charles Gafan a voulu ainsi faire plaisir à Sabine Mensah, mère du président dont il connait l’influence sur le fils. Depuis, malgré quelques problèmes de gestion, le groupe tient bon et a réalisé le meilleur bénéfice de Bolloré Africa Logistics en Afrique en 2017. Grâce à un monopole déloyal et à quelques méthodes de voyou. Et pour ce faire, Bolloré peut compter sur Victoire Dogbé, directrice du cabinet du président et Solitoki Esso qui a rapproché Gafan de Faure Gnassingbé… contre quelques générosités.
Bolloré, la danse de la poussière
Au Togo comme dans d’autres pays du continent, le groupe Bolloré est une vache à lait pour les régimes peu démocratiques en place. En 2010 par exemple, il a pris en charge plusieurs dépenses liées à la campagne présidentielle en payant les factures d’hélicoptères à hauteur de 220 millions pour permettre à Faure Gnassingbé de se déplacer aisément dans les zones reculées du pays. Plusieurs sources concordantes proches de la direction du groupe font cas aussi de costumes et quelques gadgets de luxe comme “contribution à la campagne électorale”.
Le directeur local a visé quelques barons proches du président togolais notamment Solitoki Esso, Moussa Barqué (deux puissants conseillers à la présidence) et Ingrid Awadé avec qui les relations auront été trop vite refroidies. Des 300 milliards d’investissements promis par le groupe, il n’en est, 8 ans après la concession du 3e quai, qu’au tiers. Qui pis est, en s’imposant par le monopole et l’absence de concurrence artificiellement mise en place, Bolloré Africa Logistics détruit ses potentiels concurrents, faisant ainsi chuter les recettes fiscales de l’Etat togolais.
Pis encore, il empiète sérieusement sur certains domaines de l’Etat et réduit la contribution du Port au budget national qui est passé de plus de 50 milliards à 2 milliards. La différence repart pour le groupe en bénéfice au point où Radio France International a avancé dans une enquête la somme de 5 milliards d’euros pour la seule année 2017.
La garde à vue de Vincent Bolloré devrait faire la lumière sur le danger que constitue ce groupe pour l’Afrique. Au Bénin, par la même méthode, il avait obtenu la construction de la boucle ferroviaire avant d’être débouté par Patrice Talon, récemment.
Source : www.cameroonweb.com