Les frontières togolaises sont fermées depuis plus d’un an, mais dans la pratique, elles sont restées ouvertes aux passagers contre des espèces sonnantes et trébuchantes. Dans le même sillage, les produits de grande consommation comme le gari, le maïs et le haricot s’exportent avec la complicité des forces de défense et de sécurité qui au lieu de protéger les frontières, entretiennent ces trafics et s’enrichissent.
La scène paraît à la fois ahurissante, choquante et insupportable en cette période de cherté de la vie. Des dizaines de gros sacs de gari traversant les frontières en direction du Bénin voisin, zone de transit avant le Nigeria, destination finale. Il y a quelques jours, des sources en provenance de la localité d’Agoué qui fait office de frontière entre le Togo et le Bénin ont alerté. « Nous crions que le gari coûte de plus en plus cher dans notre pays. Mais chaque jour, ce sont des dizaines de sacs de gari que les étrangers convoient vers leur pays à partir du Togo. J’ai suffoqué en voyant à Agouégan, Agokpamé, Agoué (localités de la frontière Togo-Bénin, Ndlr) des tonnes de gari quitter le pays comme ça. C’est écœurant, triste et impitoyable », rapporte la source qui précise que les produits sont évacués par voie fluviale.
Ce qui est anormal dans ce trafic, c’est que tout se passe au nez et à la barbe des forces de défense déployées pour protéger les frontières poreuses. « Les soldats sont là, mais ne bougent pas le petit doigt. Ce qui importe pour eux, c’est de percevoir un montant sur chaque sac de gari, se remplir les poches et se taire », s’indigne la source. « Si le gouvernement avait empêché l’écoulement des produits locaux hors de nos frontières, nous ne connaîtrions pas cette situation de flambée des prix sur le marché. C’est parce que le gari est exporté clandestinement que son prix augmente de jour en jour. Le bol de gari à 1500 FCFA, c’est du jamais vu », décrie notre interlocuteur qui indique qu’à Agouégan dans le Bénin, il y a de nombreux magasins pour le stockage de ces produits avant le départ pour le Nigeria.
La partie visible de l’Iceberg
Ces dizaines de sacs de gari convoyés hors du Togo par la localité frontalière d’Agoué ne sont qu’une infime partie de ce trafic qui s’opère à ciel ouvert. La corruption de nos frères qui ont choisi de faire le métier des armes n’est plus à prouver. Sur les routes, ils rançonnent. Aux frontières, c’est pareil. Depuis plus d’une année, les frontières terrestres du Togo sont officiellement fermées pour, dit-on, une meilleure riposte contre la propagation de la pandémie de Covid-19. Il est vrai que cette fermeture a diminué le flux de personnes traversant les frontières, mais elle a fait grimper le trafic, au profit des forces de défense et de sécurité.
A Lomé, le lieu le mieux indiqué pour vivre ce trafic en tout genre est la grille qui sépare le pays du Ghana. Matin, midi, soir et dans la nuit profonde, ce sont des milliers de personnes qui traversent, bagages en mains ou marchandises sous les bras. Tricycles, motos et marchandises passent par les grilles où des passages ont été prévus par les militaires. Ces derniers appuyés par des civils organisent la traversée. Les marchandises sont stockées dans les rues à une dizaine de mètres de la grille et quand le signal est donné, passagers, transporteurs et commerçants passent. Et ce n’est pas une œuvre humanitaire, loin de là. Chaque passager ou marchandise passe par la case « argent ». « Avant, on pouvait traverser la grille et payer quelques pièces d’argent, mais avec la fermeture des frontières, la traversée coûte plus chère. Ça me coûte les yeux de la tête, mais je suis obligé de payer parce que mon travail en dépend. Ces soldats ne font que s’enrichir », déclare un mécanicien.
Et c’est vrai, dans cette situation qui inflige des souffrances amères aux populations, les forces de défense et de sécurité se frottent les mains. La grande interrogation est relative à la destination finale de tout ou partie de ces fonds collectés auprès des populations. Des sources estiment que le gouvernement en profite aussi.
G.A
Source : Liberté N°3314 du Lundi 28 Juin 2021
Source : 27Avril.com