Togo : La CNAP, un non-évènement. Nécessité d’une recomposition de la vraie opposition pour des états généraux.

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«La chose a pour nom Concertation Nationale entre Acteurs Politiques (CNAP). Une sorte de dialogue permanent qu’un ministre, l’omnipotent Payadowa Boukpessi, conduit avec l’inique pâture d’attirer dans son piège une opposition tombée en rebus. Ladite concertation serait destinée à plancher sur l’organisation prochaine d’élections régionales. Elections régionales? Qui ne sait pas, au Togo, qu’elles sont vouées aux mêmes errements que les précédentes grâce à un découpage insidieux?…»

Voilà comment notre ami Kodjo Épou décrivait, il n’y a pas longtemps, cette nouvelle trouvaille du régime Gnassingbé qui consiste à narguer une certaine opposition togolaise pour continuer sa fuite en avant. Un nouveau dialogue avec le pouvoir Gnassingbé? Serait tenté de se demander tout Togolais renseigné sur les méthodes de voyous de ce régime qui n’a aucun respect pour les citoyens qu’il prétend diriger. Après le dernier coup de force électoral de février 2020, avec surtout les nombreuses violations des droits de l’homme, avec la persécution sauvage de l’opposition, tout citoyen sérieux ne parierait pas un seul cent qu’il puisse encore se trouver des leaders de partis de la vraie opposition pour répondre à l’appel du pouvoir Gnassingbé dont la mauvaise foi n’est plus à démontrer.

La formation politique de l’opposition dont tout le monde parle et critique la participation est bien sûr le parti politique de Jean-Pierre Fabre, l’Alliance Nationale pour la Changement (l’ANC). Même les réserves observées par les fédérations de la diaspora du parti orange ne dissuadèrent pas le staff dirigeant de l’ANC à revoir sa position: « Nous sommes surpris qu’après l’épisode 2017-2018, l’ANC puisse encore accorder la moindre crédibilité au régime RPT/Unir au point de vouloir engager des discussions avec ce dernier. Combien de discussions, dialogues et autres concertations nous faut-il avant de comprendre une fois pour de bon, que nous faisons face à une dictature qui ne s’en ira que sous la pression d’une mobilisation massive des citoyens ?», se demandent les fédérations internationales. Et de poursuivre :«Nous pensons que dans les conditions actuelles de démobilisation et d’atomisation de l’opposition, toute discussion avec le régime doit être proscrite».

Comme mentionné plus haut, la préparation des prochaines élections régionales, l’amélioration du cadre électoral englobant, entre autres, une recomposition de la CENI et des CELI, figurent au menu des discussions. Le critère de participation imposé par les tenants de la dictature et qui stipule que tout participant doit avoir pris part à l’une des trois dernières échéances électorales, est discriminatoire, et vise pour le régime à choisir son opposition. Pourquoi alors avec un tel comportement anti-démocratique de toujours du régime Gnassingbé, un parti comme l’ANC, qui fut, il n’y a pas longtemps, chef de file de l’opposition togolaise, accepte d’y aller? Nous avons l’impression, en discutant avec certains responsables du parti orange, que la formation politique de Jean-Pierre Fabre a désormais choisi de faire cavalier seul en allant discuter avec le régime et en optant pour une stratégie électoraliste, en sachant pertinemment que beaucoup de leaders politiques sont en exil et que plusieurs dizaines de militants de partis politiques, sont en prison; et qu’il y a beaucoup de problèmes à régler avant toute éventuelle discussion avec le pouvoir Gnassingbé qui est ce diable, avec lequel pour dîner on devrait se munir d’une longue cuillère. Les responsables de l’ANC ont-ils pris sur eux la responsabilité de cautionner le statu quo au sein de l’opposition, de considérer sa division comme irrémédiable?

Nous savons qu’au sortir de février 2020, c’est-à-dire au lendemain des élections présidentielles, le score humiliant accordé à l’ANC, et surtout le fait que Agbéyomé Kodjo et sa DMK fussent le véritable vainqueur du scrutin si on était dans un pays normal, avaient mis les responsables de la formation orange dans un état dépressif. Et beaucoup d’observateurs de la scène politique togolaise avaient peint ce comportement de l’ANC vis-à-vis de la DMK et du reste de l’opposition comme une manifestation de jaloux qui ne supporteraient pas que quelqu’un d’autre leur ravisse la vedette, en oubliant qu’il s’agit du Togo et non d’une victoire d’un leader quel qu’il soit. Un des premiers responsables de l’ANC, en l’occurence M. Éric Dupuy, dans une interview accordée mercredi le 23 juin, insiste sur le fait que son parti ne regrette pas sa participation au fameux dialogue avec le pouvoir; et revient sur les rumeurs concernant un éventuel départ de sa formation politique des assisses. D’après ses propos une lettre écrite au Ministre Boukpessi ne signifie en aucun cas un départ. Cette façon de faire de l’ANC qui laisse la place aux supputations montre bien le caractère inconfortable de la situation qui est aujourd’hui celle des responsables du parti orange qui se croient obligés de se justifier. Maintenant que tout le monde sait que rien de sérieux, qui pourrait sauver le Togo, ne sortirait de ces assises de trop; maintenant que tout le monde est situé sur le fait que le régime Gnassingbé est dans son rôle en cherchant à attirer l’opposition dans son jeu, et qu’une petite frange de cette opposition, avec à sa tête l’ANC, a accepté de mordre à l’hameçon pour des desseins purement égoïstes; maintenant que faire en partant du fait que la situation actuelle avec le comportement des uns et des autres ne change absolument rien au fait que l’opposition togolaise est aujourd’hui en lambeaux?

Gilbert Bawara, l’un des cerveaux du mal togolais nous avait prévenus qu’il n’y aurait plus de 19 août. Et pour qu’il n’y ait plus de soulèvement populaire, il faut, dans leur entendement, combattre le mal dès la racine. En d’autres termes, il faut utiliser la force brute contraire aux dispositions constitutionnelles pour interdire toute activité des partis politiques, il faut arrêter sans raison de simples militants ou responsables de partis politiques, engager la chasse à l’homme contre le ou les leaders, et être sûrs que le ou les partis jugés dangereux, sont mis hors d’état de nuire. C’est le cas du Parti National Panafricain (PNP), formation politique qui fut à l’origine du 19 août 2017. Salifou Tikpi Atchadam, le leader du parti au cheval avait dû s’exiler; son village et sa région d’origine goûtèrent également à la folie meurtrière des ennemis jurés de la librté et de la démocratie. Plusieurs dizaines de ses militants et responsables de section croupissent en prison depuis plus d’un an sans raison valable. Pour avoir osé revendiquer la victoire aux élections présidentilelles de février 2020 Agbéyomé Kodjo, après moult traccasseries, avait dû prendre le chemin de l’exil, de même que Monseigneur Fanoko Kpodzro. Des responsables de partis politiques dont Djimon Oré sont en prison pour avoir fait leur travail d’opposants en critiquant ce qui ne va pas.
Il est indéniable que les combattants togolais de la liberté que nous sommes ne peuvent s’accommoder de cette situation qui prévaut au sein de l’opposition togolaise. Cette image de division que renvoie aujourd’hui la classe politique de l’opposition, c’est justement ce que veulent nos voleurs et nos assassins patentés et une nouvelle union des forces vives contestataires leur fait peur. Et cette union est possible, il suffit de vouloir et se faire confiance entre partenaires qui se respectent et qui n’ont qu’un but commun à atteindre. Nous pensons que la tâche incombe aujourd’hui aux responsables sérieux de la société civile pour reprendre la main, pas pour se substituer aux partis politiques, mais pour constituer cette force par laquelle un nouveau départ d’une vraie opposition retrouvée, débarrassée de plaisantins, pourrait voir le jour. Il y a quelques jours, Me Zeus Ajavon avait dû taper du poing sur la table pour exprimer sa colère, dénoncer et regretter ce qui se passe aujourd’hui au sein de l’opposition togolaise. Et si une telle personnalité aussi importante de la société civile sort de son silence, c’est qu’elle sait de quoi elle parle. N’avait-il pas dans un passé récent dirigé de main de maître le Collectif Sauvons le Togo (CST), un collectif, plus tard plombé comme beaucoup d’autres, par les manigances et infiltrations de nos adversaires de toujours? Nous pensons à Me Zeus Ajavon pour recomposer l’opposition togolaise, la rendre de nouveau homogène, convoquer des états généraux où le linge sale pourrait se laver, édicter un code de conduite et repartir sur de nouvelles bases. Ne dit-on pas que l’union fait la force? À plusieurs il serait difficile au régime que nous combattons de tordre le cou à la liberté d’expression, de réunion et de manifester contenue dans la constitution togolaise.

Samari Tchadjobo
Allemagne

Source : 27Avril.com