En exil depuis une trentaine d’années et aujourd’hui agriculteur au Ghana où il met en œuvre ce qu’il appelle la ”révolution du gari” ou “révolution du manioc”, l’ancien ministre de la Sécurité et de l’Intérieur Alphonse Kokouvi Masseme est devenu non-voyant. Mais il n’en fait pas un drame. Bien au contraire, il accepte son handicap et se confie sans la moindre gêne.
« La vie nous réserve beaucoup de choses. Je n’avais jamais imaginé que je serais un jour malvoyant. Avant, quand je voyais les malvoyants, je me demandais comment ils arrivent à vivre dans le noir et aussi éprouver la joie de vivre, manger, rire…Mais depuis que cela m’est arrivé, jusqu’à présent, ça ne me préoccupe pas du tout. Je suis toujours actif, joyeux ; avec ma famille à la maison, je fais des blagues. Je leur ai dit un jour : écoutez, moi je suis malvoyant, mais je vois beaucoup plus de choses que vous», nous a déclaré Alphonse Kokouvi Masseme.
L’ex-ministre dans le gouvernement de la transition dirigé par Me Joseph Kokou Koffigoh parle d’une adaptation naturelle dans ce genre de situation et de développement d’un autre sens ou de renforcement de ceux existants : « Quand Dieu vous prend quelque chose, il vous donne une autre, développe un autre sens chez des gens. Quand on est malvoyant, on est plus voyant que les voyants. Pour l’agriculture par exemple, moi je connais tous mes champs dans la tête. Chaque fois que je suis devant vous et que je veux vous voir en mémoire, il me suffit de fermer les yeux, et automatiquement votre image m’apparait dans la tête, non plus comme un malvoyant, mais comme quelqu’un qui voit normalement ».
Masseme partage avec nous, à l’appui, cette anecdote : « La fois dernière, ma fille avait ramené d’Allemagne ses enfants qui sont des métis. Le plus petit avait 6 ou 7 mois. Elle m’a remis l’enfant, quand je l’ai mis sur ma poitrine, il a posé la tête contre moi. J’ai fermé les yeux, fait comme l’enfant me voyait et je l’ai décrit (ses traits physiques, Ndlr), les gens n’en revenaient pas. Et depuis qu’il a quitté, tous les jours, comment il pousse, comment il évolue, c’est dans ma tête ». A l’en croire, son état de malvoyant a « renforcé même [sa] mémoire » de sorte que s’il veut dicter des choses, il fait un fil et quand il commence, il termine. « Un jour, je voulais faire une déclaration. Quand je l’ai commencée, jusqu’à une à deux pages sans arrêt, mes interlocuteurs n’ont pas compris. Les phrases, je les avais fait succéder les unes après les autres, comme si j’étais dans un truc normal », a-t-il confié comme autre anecdote.
Par ces confidences sur son handicap, l’ancien ministre Alphonse Kokouvi Masseme ne voudrait point faire l’apologie de la malvoyance. «C’est juste pour vous dire qu’il faut accepter la situation telle qu’elle se présente à vous ». A l’en croire, son état de malvoyant ne l’empêche pas du tout d’être actif. La preuve, c’est l’activité agricole qu’il déploie à Ahiayiborkopé et qui lui a permis d’être distingué meilleur agriculteur de la région de Ketu-North en 2020. Il a même la conviction de faire plus d’activités dans son état de malvoyant qu’à l’époque quand il avait encore le plein usage de ses yeux. «Je ne suis pas un fataliste, je trouve les choses dans la normale des choses. C’est parce que Dieu a voulu que je reste surplace pour faire un certain nombre de choses encore qu’il m’a mis dans cet état. C’est très philosophique et personnel », philosophe-t-il.
Source: Letabloid.tg
Source : icilome.com