Vendredi passé, les Togolais avaient tous leurs regards tournés vers l’Assemblée nationale où devraient se tenir les premiers débats autour du projet de loi portant révision de la Constitution du 14 octobre 1992. Même s’il ne croyait pas en la bonne foi de Faure Gnassingbé, le peuple espérait le voir instruire les députés du RPT/UNIR pour faire bouger un tant soit peu les lignes, et ainsi clouer le bec aux sceptiques. Mais c’est une séance à vite oublier. Le Prince aura une fois de plus confirmé ses envies de s’accrocher au pouvoir, du moins faire encore deux mandats.
Refus des amendements et du retour à la Constitution de 1992
La Commission des lois constitutionnelles s’est réunie le vendredi passé, avec au menu le débat à fond autour du projet de loi portant révision des articles 52, 59 et 60 de la Constitution de 1992 introduit par le gouvernement. Pour les besoins de la cause, la coalition de l’opposition a sursis au meeting qu’elle devrait animer ce jour, afin de permettre à ses leaders dont la plupart sont députés, d’aller mener les discussions. Mais c’était du temps perdu. Les députés RPT/UNIR n’ont pas fait bouger les lignes.
Retour à la Constitution de 1992, voilà l’exigence fondamentale du peuple togolais. Et pour s’y conformer, les élus de l’opposition ont fait des amendements, quarante-huit (48) au total dont le fondamental concerne l’article 59 et la nuance : « En aucun cas, nul ne peut faire plus de deux mandats ». Ces amendements sont d’ailleurs autorisés par les convenances parlementaires. Faut-il le rappeler, ce sont seulement trois (03) articles que le gouvernement a voulu modifier. Mais les députés du pouvoir et les commissaires du gouvernement présents ont balayé du revers de la main les amendements, au mépris des aspirations du peuple togolais qui voudrait aussi goûter à l’alternance. Devant leur obscurantisme résolu, les députés de l’opposition, y compris ceux de l’Union des forces de l’opposition (UFC) et de Sursaut-Togo, ont simplement vidé la salle.
Loin de les faire revenir à la raison, ce retrait a plutôt galvanisé les élus du RPT/UNIR à foncer dans leur dessein obscur. Ils ont simplement voté le projet du gouvernement en l’état, annonçant ainsi ce qu’il en sera des réformes envisagées.
Faure confirme sa boulimie du pouvoir
On le savait déjà très friand du pouvoir, même si tout au début de son règne, il avait fait semblant de ne pas en raffoler. Il n’a pas hésité à candidater à un 3e mandat en avril 2015, après avoir refusé d’exécuter les réformes. Le premier projet introduit par le gouvernement fut rejeté, à la surprise générale, par les députés du pouvoir le 30 juin 2014 après que l’opposition parlementaire avait refusé de lui accorder les passe-droits demandés. Le Prince n’a pas changé d’état d’esprit trois (03) ans après. Sans doute sur consignes, les élus du pouvoir sont restés opaques à la nuance essentielle de l’article 59, « En aucun cas, nul ne peut faire plus de deux mandats » qui contient tout l’enjeu. Faure Gnassingbé est bien conscient de l’effet de cet alinéa. La grande conséquence sera qu’il ne pourra plus prétendre briguer la magistrature suprême en 2020, d’où cet obscurantisme.
A l’allure où vont les choses, le projet de révision constitutionnelle ne saurait être voté directement en plénière par l’Assemblée nationale, le RPT/UNIR ne pouvant pas réunir la majorité des 4/5e nécessaire pour ce faire. Par contre, il rassemble les 2/3 des sièges et pourrait adopter le texte puis le soumettre au référendum, conformément à l’article 144 de la Constitution : « L’initiative de la révision de la Constitution appartient concurremment au président de la République sur proposition du Premier ministre et à un cinquième au moins des députés composant l’Assemblée nationale. Le projet ou la proposition de révision est considéré comme adopté s’il est voté à la majorité des quatre cinquièmes des députés composant l’Assemblée nationale. A défaut de cette majorité, le projet ou la proposition de révision adoptée à la majorité des deux tiers des députés composant l’Assemblée nationale est soumis au référendum ». Et ainsi, que le projet à soumettre à l’appréciation du peuple soit adopté ou pas, le Prince pourra jouer la prolongation au pouvoir.
Faure couillonne Marcel de Souza (aussi)
Depuis la signature de l’Accord politique global (APG), Faure Gnassingbé aura couillonné tout le monde. Des promesses d’exécution des réformes constitutionnelles et institutionnelles, il en a fait à foison à différents interlocuteurs : opposants, diplomates accrédités au Togo, hommes religieux, homologues africains, etc. Il avait même poussé certains de ses pairs africains dont Alassane Ouattara à mettre en gage leur notoriété pour rassurer l’opposition de leur mise en œuvre. Mais il n’a jamais tenu parole. La dernière victime de sa duplicité n’est autre que le président de la Commission de la CEDEAO, Marcel de Souza.
« (…) C’est un mandat de 5 ans renouvelable une seule fois, et nul ne doit faire plus de deux mandats. Il faut aussi un scrutin à deux tours ». Ces propos du président de la Commission de la CEDEAO sur les ondes de RFI sont loin d’être fortuits. Ils sont visiblement fondés sur les assurances à lui données par Faure Gnassingbé, son beau-frère. Faut-il le rappeler, Marcel de Souza était dans le milieu de la semaine dernière au Togo en médiation tacite au nom de la CEDEAO et a rencontré les acteurs politiques, dans le but de décrisper la crise. En clair, le Prince aurait assuré l’envoyé de l’institution communautaire que cette nuance allait figurer dans le projet de révision constitutionnelle à introduire à l’Assemblée nationale. Mais il n’a pas tenu parole. Duplicité, vous avez dit ?
La rue pour faire entendre raison à Faure
« Ca suffit, rendez-nous notre constitution », c’est le nouveau mot d’ordre de la coalition de l’opposition constituée par le CAP 2015, le Groupe des 6, le PNP, Santé du Peuple et le CAR, à travers un communiqué daté du vendredi 15 septembre dernier pour les marches des 20 et 21 septembre.
Togolaises et Togolais des villes et campagnes du Togo et de l’étranger, organisations de défense des droits de l’homme, associations de presse, syndicats et associations de la société civile, travailleurs des secteurs public et privé, artistes, élèves, étudiants, revendeuses des marchés, taximen, zémidjans, tous sont une fois de plus conviés à sortir ces mercredi 20 et jeudi 21 septembre, munis de drapelets togolais, pour fondamentalement « exiger le retour à la Constitution originelle du 14 Octobre 1992, la révision du cadre électoral et l’instauration du droit de vote des togolais de l’étranger », mais aussi dénoncer la répression barbare de la manifestation pacifique publique des 19 et 20 août 2017 ayant fait des morts et de nombreux blessés, exiger une enquête indépendante pour situer les responsabilités et traduire en justice les auteurs et commanditaires de ces violences, la libération immédiate et sans conditions de tous les prisonniers politiques, notamment les personnes arrêtées lors des manifestations pacifiques publiques des 19 et 20 août 2017 et condamnées à de lourdes peines de prison, l’arrêt immédiat des persécutions, des arrestations, des poursuites et des violences à l’encontre des militants et dirigeants du PNP, ainsi que des entraves à l’exercice du droit constitutionnel de manifestation.
Ces prochaines manifestations sonnent comme l’assaut final, après que Faure Gnassingbé aura abusé de la patience de tous et confirmé son envie de s’éterniser au pouvoir.
Tino Kossi
Source : Liberté
27Avril.com