Togo : Infrastructures, postes vacants, décrets… La justice militaire n’est qu’à l’étape embryonnaire

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Ce début d’année a été marqué par une information majeure, aussi bien dans l’opinion civile que dans les rangs des militaires. Le Général Abalo Félix Kadangha, ex-Chef d’Etat-Major général des Forces armées togolaises est mis aux arrêts. Sa détention préventive se poursuit. De jour en jour, les informations font état de l’imminence de sa comparution devant la justice. Pas celle des civils, mais bien la justice militaire. Dans le même sillage, des sources évoquent la probabilité d’un procès dans le cadre de l’assassinat du Lieutenant-Colonel Toussaint Bitala Madjoulba, Commandant du 1er BIR (Bataillon d’intervention rapide) retrouvé baignant dans son sang le lendemain de l’investiture de Faure Gnassingbé pour un 4ème mandat.

Que reproche-ton au Général Abalo Félix Kadangha ? Qui a tué Lieutenant-Colonel Toussain Bitala Madjoulba ? Que se passe-t-il sur le théâtre de guerre dans le nord du Togo ? La mise en place de la justice militaire permettra sans doute d’apporter des réponses à ces questionnements En attendant cette installation qui se préparerait depuis les hautes sphères de l’Etat, il sied de faire connaître aux lecteurs, les pans importants de la justice militaire en question.

Un processus longtemps à l’étape embryonnaire

Le 27 décembre 2022, en sa 9ème séance plénière de la 2ème session ordinaire de l’année 2022, l’Assemblée nationale a adopté le projet de loi portant modification de la loi N°2016-008 du 21 avril 2016 portant nouveau code de justice militaire au Togo. Le texte est revisité et une quarantaine d’articles ont été retouchés. Des dispositions désormais applicables aux militaires des forces armées togolaises et personnes assimilées, aux personnels de la réserve opérationnelle et aux prisonniers de guerre. Tout ceci sous l’administration du ministre de la Défense, conformément à l’article 3 de la loi adoptée.

Mais pour que cette justice militaire soit effective, il faut préalablement mettre en place les tribunaux et cours militaires ainsi que les magistrats. « Les juridictions militaires sont : – le tribunal militaire ; – la Cour d’appel militaire. Les juridictions militaires comprennent : – les organes de poursuite ; – les organes de jugement ; – le greffe militaire », article 4 et 5.

Dans les cas de l’arrestation du Général Kadangha et du décès tragique du Commandant du 1er BIR, le Lieutenant-Colonel Madjoulba, la personne habilité à parler est le procureur militaire qui, aux termes de l’article 18, « est le chef du parquet militaire près le tribunal militaire dont il assure l’administration et la discipline ». « Le Procureur militaire et ses substituts sont des magistrats militaires. Ils sont nommés par décret en conseil des ministres sur proposition conjointe du garde des sceaux, ministre de la Justice et du ministre chargé de la Défense, après avis du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) », lit-on à l’article 19. Depuis 2016, ce poste n’a jamais été pourvu.

Il en est de même des postes des magistrats des tribunaux et cours militaires, sans oublier celui du juge d’instruction prévu à l’article 20 : « Les fonctions de juge d’instruction sont exercées par des magistrats militaires. Les juges d’instruction militaires sont nommés par décret en conseil des ministres sur proposition du ministre chargé de la Défense, après avis du Conseil supérieur de la magistrature (CSM). Le juge d’instruction militaire procède à tous actes utiles à la manifestation de la vérité dans les affaires dont il est saisi conformément aux dispositions du code de procédure pénale. Il statue par ordonnance en toute matière, d’office ou sur demande ».

Le tribunal militaire

Autre chose intéressante dans la loi portant Code de la justice militaire, c’est la composition du tribunal (article 27) qui tient compte du grade du prévenu ou de l’accusé au moment des faits poursuivis. Pour le jugement des affaires correctionnelles, le tribunal siégeant est composé, outre le magistrat du tribunal, d’assesseurs militaires dont un (01) officier subalterne et un (01) homme du rang du même grade que le prévenu, si l’accusé est un militaire du rang. Si le prévenu est un officier supérieur, les assesseurs militaires sont deux (02) officiers supérieurs dont un au moins du même grade que le prévenu. Les assesseurs sont des officiers généraux dont un au moins du même grade que le prévenu, si ce dernier est un officier général.

En matières criminelles, le tribunal est composé du magistrat du tribunal de grande instance du deuxième grade en plus de deux (02) magistrats professionnels dont au moins un est militaire, de deux (02) officiers subalternes, deux (02) sous-officiers, deux (02) hommes du rang du même grade que l’accusé si ce dernier un militaire du rang. Le tribunal est composé du président du tribunal militaire ou du magistrat de la Cour d’Appel du premier grade, de deux (02) magistrats professionnels dont un au moins est militaire, de six (06) officiers généraux dont au moins deux (02) en activité et ayant pour l’un d’entre eux le même grade que celui de l’accusé, si ce dernier est un officier général.

Ce qu’il faut aussi retenir de la loi sur la justice militaire, c’est que « les audiences sont publiques, à peine de nullité. A l’exception des gardes et du détachement chargé de rendre les honneurs militaires, l’assistance est librement admise sans armes », précise l’article 91. En d’autres termes, le public peut assister au procès très attendu du Général. Toutefois, il est indiqué que « si la publicité des débats est de nature à porter gravement atteinte à la sécurité nationale, à l’ordre public ou aux bonnes mœurs, le tribunal militaire peut ordonner que ceux-ci aient lieu à huis clos. Le tribunal peut, en outre, interdire le compte-rendu de tout ou partie des débats. Cette interdiction est de droit si le huis clos a été ordonné. Elle ne s’applique pas au jugement qui est toujours rendu publiquement ». Article 92.

Enfin, quelles peines encourent les militaires jugés coupables de faits à eux reprochés ? Selon l’article 131 de la nouvelle loi, les peines prononcées par les juridictions militaires obéissent aux principes généraux et aux règles de droit commun. Mais l’article 133 énumère des peines complémentaires prévues par le code de justice militaire. Il s’agit de la destitution et de la perte totale ou partielle de grade. Des peines qui « ne sont applicables qu’aux militaires et aux personnels des corps paramilitaires relevant du ministère chargé de la sécurité », précise l’article 136.

Sur le site internet de l’Assemblée nationale, il est indiqué que l’adoption de la loi portant Code de justice militaire « vient renforcer l’arsenal juridique national en matière juridictionnelle » et « crée des conditions favorables pour un fonctionnement rationnel, efficient et efficace des juridictions militaires ». On espère simplement que la justice militaire ne va pas suivre les déboires de la justice civile.

G.A.

Source: Liberté / libertetogo.info

Source : 27Avril.com