Silencieuse, presqu’aphasique, l’opposition traditionnelle a disparu de la scène politique togolaise depuis les dernières élections municipales qui semblent renforcer l’implantation nationale du parti au pouvoir. Très divisée en son sein, avec une participation polémique et en rang dispersé aux élections locales, l’opposition inquiète sérieusement les populations togolaises de par son attitude attentiste pendant que la présidentielle 2020 avance à grands pas et que le régime RPT/UNIR lui, se prépare activement. Il est alors temps pour elle de se réveiller et d’explorer des pistes de conquête du pouvoir.
Un coup isolé n’arrête pas le combat, enseigne un adage populaire. Dans le même ordre d’idées, il est souvent déclaré que l’échec n’est qu’un succès remis. Alors, c’est bien logique de croire que la réalisation du projet d’alternance en 2020 est encore possible si et seulement si les partis d’opposition se lèvent tôt, et surtout, se prennent au sérieux dans le déroulement de leur agenda pour 2020.
Pour l’heure, l’inquiétude est grandissante et gagne constamment les cœurs du fait d’une opposition restée muette comme une carpe et, laissant le boulevard ou le terrain politique à son adversaire, le régime togolais qui s’y plaît parce qu’il n’en demandait pas mieux. Or, en moins de (09) mois de la tenue de la présidentielle prochaine, il urge que l’opposition soit au-devant de la scène politique. Il y va de son intérêt et de celui des peuples en quête du changement à la tête de l’État.
Chant du réveil
Il est presque entonné par Tikpi Atchadam dans son dernier discours de mobilisation pour une dynamique unitaire. « Le défi qui s’impose à nous est évident. Passer d’un pays à un autre, de la dictature à la démocratie, de la misère à la prospérité, il s’agit donc de rupture. Pendant que nous nous battons, voici l’horizon 2020, » a indiqué le leader du PNP avant de souligner que pour y arriver, l’opposition doit accomplir une tâche capitale, celle de déraciner la dictature togolaise. « Notre destin dépend de nous et de nous seuls, » avait-il rappelé.
En effet, c’est dire qu’aujourd’hui, il y a nécessité pour l’opposition de revisiter son agenda et de dérouler son plan pour 2020. Ce faisant, elle pourra à nouveau compter sur le dynamisme du peuple togolais, un peuple volontariste, combattif et décidé à conquérir l’alternance et le changement tant souhaités.
Mais alors, un nouvel état d’esprit doit guider les actions, loin des divisions, des oppositions et des querelles internes qui ont émaillé la période électorale entre ceux qui sont allés aux locales et ceux qui ne sont pas allés. « Une fois passée, c’est oublié » disaient certains. Maintenant : « Allons-y en tant que peuple conscient, proclamait Tikpi Atchadam. Regardons haut et devant, le regard fixé sur le pays vers lequel nous allons. Désormais, nous avons un grand parti politique auquel nous appartenons tous. Ce parti est T-O-G-O. Togo. Chacun des partis politiques, la société civile, les chefs traditionnels, les religieux, les leaders d’opinion, la diaspora, les artistes de la chanson, devrons penser à travailler dans un esprit de convergence d’actions, visant à déraciner la dictature ».
Devant l’échéance 2020 et du fait de l’envie commune de la classe politique de l’opposition de prendre le pouvoir l’an prochain et de mettre UNIR aussi dans le rang de l’opposition, aucune autre alternative n’est possible pour Jean-Pierre Fabre, Tikpi Atchadam, dame Brigitte Adjamagbo, Me Yaovi Agboyibo et les siens de conquérir le pouvoir en 2020 s’ils ne fassent pas abstraction de leurs divergences du passé. Ils ont intérêt à se remettre en selle et ensemble pour redéfinir les stratégies de lutte car, un nouvel échec en 2020 risque de compromettre dangereusement l’avenir politique de plusieurs d’entre eux. Alors, le temps presse, ils doivent aller au charbon.
Le sacrifice de soi…
Dans une récente parution, nous évoquions les cinq (05) erreurs majeures de l’opposition dont la faiblesse d’une diplomatie qui se traduit par le constat d’absence de leader ayant un carnet d’adresses bien fourni pour impliquer dans la lutte togolaise des personnalités politiques influentes du continent et d’ailleurs afin que celles-ci puissent impacter ou changer le cours de la situation politique en faveur du peuple. Puis en annexe, il est fait mention de l’éternelle crise de leadership au sein de l’opposition et l’absence d’une stratégie commune et rationnelle de conquête du pouvoir.
De ces différents constats et vu la difficile condition au Togo pour réaliser l’alternance, il importe de rendre plus visible la nécessité pour chaque membre de l’opposition d’accepter courageusement de se fondre dans la masse pour en sortir en son sein le profil idéal soutenu par l’ensemble pour cette mission de conquête du pouvoir en 2020. Cela s’appelle le don de soi, le sacrifice de soi. Car, c’est une vérité indéniable qu’aujourd’hui, chaque leader de parti d’opposition pris individuellement, connait bien son poids politique en termes d’audiences et d’électorat sur l’échiquier politique togolais.
Au risque de créer de vaines polémiques pour nourrir des frustrations et saboter l’union, l’on doit raison-garder pour ne pas citer de noms. Cependant, plusieurs profils peuvent se retrouver dans le rang de ceux qui, à l’étape actuelle de la lutte politique pour l’alternance, ne doivent, en aucun cas, faire acte de candidature parce qu’ils ne représentent que leur ombre. Toutefois, leur voix comptera, non seulement dans le choix du meilleur profil pour la présidentielle de 2020, mais aussi dans l’étude d’une stratégie commune de lutte. En conséquence, soutenir qu’une candidature unique de l’opposition ne peut pas être possible, c’est se laisser tristement vaincre par la fatalité. Parce que le mal de l’opposition, ce n’est pas qu’on ne peut pas aller à une candidature unique, mais qu’on ne veut pas.
C’est une absence de volonté nourrie par des agendas cachés. Et ainsi, c’est le peuple qui est floué. Or, aujourd’hui, le pays se retrouve à un tournant décisif de son histoire où chacun doit refuser de faire de la figuration afin de sauver le peuple. Ainsi donc, si l’on est conscient du changement, et que le profil de celui qui incarne sa réalisation se trouve ailleurs qu’au sein de l’opposition traditionnellement connue, alors, au nom de ce changement souhaité par tous, des sacrifices doivent être consentis pour y arriver. En 2016, Adama Barrow n’était pas le premier choix du peuple gambien en termes de figure emblématique de l’opposition, mais c’est lui qui a été investi par sept partis d’opposition pour être leur candidat unique à la présidentielle. Il a réalisé l’alternance face à Yahya Jammey.
Dans ce schéma, l’opposition togolaise ne doit plus s’enfermer dans un ego surdimensionné conduisant à une forme de sectarisme politique qui exclut tous ceux qui n’étaient pas au début de la lutte démocratique contre le régime Gnassingbé. Même le profil des hommes tombés en disgrâce avec ce régime peut intéresser dans la quête du changement. Car l’essentiel pour le Togo aujourd’hui, reste de trouver le profil idéal qui incarnera et réalisera la rupture. Après, la vieille opposition peut remonter par ses ambitions.
Au Sénégal en 2012, d’autres leaders ont soutenu la candidature de Macky Sall, l’ancien Premier ministre d’Abdoulaye Wade, entre 2004 et 2007. Celui-ci a réussi à faire plier son ancien mentor, le président Wade dont il était le directeur de campagne au scrutin présidentiel de 2007. C’est aussi bien la rupture que l’ouverture. Au Togo, du fait des paramètres existants avec un pouvoir gagné par la peur de l’inconnu et très réfractaire au changement, l’opposition a forcément besoin d’un homme de réseaux, homme des lobbies, l’homme de grands canaux diplomatiques pour réaliser l’alternance. Nier cela, c’est nier l’Holocauste. Que la providence illumine les esprits !
Source : La Manchette No.75 du 21 août 2019
27Avril.com