Togo-Gouvernance du secteur éducatif : Besoin urgent de l’usage de la pédagogie…

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De tous les secteurs de la vie sociale de notre pays, celui de l’enseignement semble être le plus mouvant. Et c’est à raison. Le primaire, le secondaire de l’enseignement général comme technique et même professionnel, sont entre les mains d’une seule personne, le professeur agrégé de droit, Dodzi Kokoroko, cumulativement avec la présidence de l’université de Lomé.

Si une telle confiance est investie en sa personne par les plus hautes autorités du pays, sans doute que le test de ses qualités, de ses atouts et de ses compétences a été positif sinon très concluant.

Cela dit l’on observe, effectivement que dès la prise de fonction du nouveau gouvernement, les notes circulaires les plus régulières et les plus répandues sortent de ce secteur, signées notamment des mains du maître des lieux.

Cela se comprend aisément, car le domaine de l’éducation est celui qui, non seulement absorbe le plus grand nombre des fonctionnaires de l’administration publique, mais aussi sert la cause la plus noble, à savoir, l’éducation des milliers d’élèves et étudiants qui servent de pépinière de l’élite intellectuelle togolaise.

Très logiquement, l’on peut comprendre volontiers, qu’il puisse aussi recenser les plus grands problèmes liés aux conditions de vie et de travail des enseignants, mais surtout aussi, à la gestion de cette masse compact d’apprenants dont l’effectif ne cesse de s’amplifier d’année en année. A l’heure actuelle, entre autres soucis que les réseaux sociaux, les parents d’élèves et les enseignants eux-mêmes n’arrêtent de ressortir, l’on peut citer les questions liées à la situation des enseignants volontaires communément appelé les E.V. qui se comptent par milliers, alors qu’ils ne sont pas pris en compte par le budget de l’Etat.

Ensuite viennent celles d’un certain nombre d’engagements pris par l’Etat au cours des séances de dialogues avec les différents syndicats des enseignants qui n’ont pas encore connu de suite favorable.

En sus de ces sujets qui enrhument le monde éducatif togolais, se posent aussi des problèmes ayant trait aux rapports que les enseignants entretiennent avec les apprenants.

Si l’on peut, à l’heure actuelle, se féliciter de la présence de plusieurs enseignants studieux, consciencieux qui sont réellement voués à la tâche pour infuser un savoir efficient aux apprenants malgré l’ingratitude d’un tel métier, il y’a également lieu de s’inquiéter de ce qu’il existe aussi des brebis galeuses qui se retrouvent dans le corps enseignant beaucoup plus par nécessité de survie que par vocation ou passion.

Leur cas, associé à celui des enseignants volontaires qui n’ont reçu aucune formation particulière qui affuterait leurs compétences d’enseignants, constituent déjà un vrai cocktail de soucis majeurs qui impactent négativement les rendements de l’enseignement dans notre pays.

Au-delà de ces éléments suffisamment préoccupants ainsi évoqués, il se susurre aussi que certains directeurs d’école, de collège ou de lycée ainsi que certains enseignants se rendent coupables de harcèlements des filles et de certains abus sur les élèves, dans les établissements scolaires. Vrai ou faux ? Les éléments concordants de culpabilité ne sont pas encore établis, mais il est aisé de dire qu’il ne peut jamais avoir de fumée sans feu.

Au regard de tous ces dossiers évoqués, il est évident que même par magie ou par alchimie, l’Etat ne saurait disposer de moyens conséquents pour y apporter des réponses dans l’immédiat qui permettraient d’optimiser l’exercice du métier d’enseignant dans notre pays tout en lui garantissant un environnement idéal.

Alors que faire concrètement pour à la fois rassurer le corps enseignant, veiller à l’assainissement de climat de travail et ainsi espérer des résultats qui puissent être à la hauteur des attentes des gouvernants par rapport à ce secteur vital en lien avec la perspective de forge des citoyens dignes de demain ?

Il est évident que les notes circulaires donnant des injonctions aux concernées ne suffiront pas, tout comme les sanctions qui sont prises de temps à autre à l’encontre de certains acteurs du monde éducatif pour des délits ou fautes professionnelles.

Il en est de même des échanges périodiques que le ministre a avec les responsables des syndicats d’enseignants dans le cadre du fameux dialogue permanent institué à cet effet.

C’est précisément ici que se trouve l’objet de cet article, le recours à une démarche pédagogique à l’endroit de tous les acteurs du monde éducatif.

En réalité cet appel à la pédagogie ne devrait pas avoir sa raison d’être dans ce secteur qui incarne par essence ce concept et dont le ministre lui-même en est sorti. Mais il se trouve paradoxalement que dans la gouvernance actuelle du monde de l’éducation, comme dans bien d’autres d’ailleurs, cette démarche qui consiste convaincre et à persuader par une approche purement humaine, a progressivement glissé pour laisser place à un désir farouche de vaincre par le bâton et la sanction.

Le recours au bâton et à la sanction peut effectivement donner de résultats, du fait de son caractère contraignant et étouffant, mais à quel prix ? Au seul prix de la peur, de la résignation, de la frustration, de la révolte qui par essence, ne sont pas des ressentis compatibles avec l’équilibre psychologique indispensable dans la vie d’un enseignant dont la responsabilité est d’infuser pédagogiquement, de la connaissance aux apprenants, afin d’en faire des citoyens compétents de demain.

Alors quelle aurait dû être l’action des responsables de ce ministère pour contenir le corps et ainsi assoir une gouvernance qui tienne réellement ?

D’abord partager incontestablement la nouvelle vision qui anime le gouvernement en ce qui concerne l’éducation dans notre pays. Cette vision dont le ministre est supposé être porteur doit nécessairement être infusée à l’ensemble des acteurs du secteur par des contacts directs dont les modalités devront être définies en amont.

Il est certes vrai que le contexte de la pandémie de Covid limite sérieusement les occasions de rencontres entre humains, mais l’enjeu d’assoir le secteur éducatif sur des piliers solides impose nécessairement un partage de la vision du gouvernement avec ceux qui, logiquement, sont chargés de sa mise en œuvre sur le terrain.

A ces genres de rencontres qui peuvent s’organiser par région, le ministre qui a le devoir de se montrer empathique, aura l’heureuse occasion de partager avec les enseignants, leurs différentes préoccupations et ainsi leur démontrer que si celles-ci ne sont pas encore prises en compte, ce n’est certainement pas la volonté qui manque, mais bien les moyens.

Cette seule manière de procéder a quelque chose de soulageant et constitue en même temps une vraie catharsis qui guérit et rassure, mais mieux encore, inscrit les acteurs eux-mêmes dans une dynamique d’appropriation de vision et de la mission qui est dévolue au ministre.

Si après toute cette démarche, certains enseignants dévient du pacte tacite ainsi signé entre eux et celui qui est censé défendre leur cause auprès des décideurs, ce dernier est alors en droit de frapper en connaissance de cause, conformément à la loi et au règlement en vigueur. Autrement, sans un travail préalable en amont de partage de la vision et de la mission avec les principaux concernés, le ministre aura du mal à se faire adouber par le corps enseignants qu’il a l’impérieux devoir de convertir en complices avant de pouvoir se frayer la voie du succès tout en jouissant d’une présomption positive de ceux-ci sur sa personne.

Dans un tel contexte, c’est encore le secteur lui-même qui, à coup sûr, va en pâtir au grand désarroi des apprenants et leurs parents dont l’investissement sur leurs enfants ne donne point de fruits probants à cause des conflits permanents qui minent ce secteur essentiel de la vie sociale de tout pays.

Mais pire encore, les énormes sacrifices que consent le gouvernement pour maintenir le monde de l’éducation en vie seront presque vains, d’autant plus que l’énergie positive qui doit servir de stimulent pour chaque enseignant fait cruellement défaut. Il y’a nécessairement lieu de la créer à tout prix.

Luc ABAK

Source : icilome.com