Togo, Forces de défense et de sécurité au service d’un clan : Comprendre autrement la caporalisation volontaire

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L’article premier de la loi N°2007-010 du 1er mars 2007 portant statut général des personnels militaires des Forces Armées Togolaises (FAT) dispose « les Forces Armées Togolaises sont une armée nationale républicaine et apolitique. La mission des Forces Armées Togolaises est de préparer et d’assurer par la force des armes, la défense de la Patrie et des intérêts supérieurs de la Nation. Elles sont entièrement soumises à l’autorité politique constitutionnelle régulièrement établie. Elles exercent les missions conformément à la Constitution, aux lois et règlements en vigueur ». Pris comme tel, les Forces de défense ont des missions et un champ d’application bien défini qui ne souffrent d’aucune ambiguïté dans la défense de la Patrie.

A ces forces s’ajoutent celles de la Sécurité toutes aussi apolitiques et qui s’occupent davantage de la sécurité intérieure des personnes et des biens.

De tout temps, certains éléments de ces différents corps exercent dans la rigueur et le professionnalisme, leurs missions. Par contre, une bonne partie s’illustre davantage dans les exactions et l’affairisme.

Comprendre autrement la caporalisation volontaire des FDS

A l’instauration du couvre-feu relatif à la riposte contre la pandémie à Coronavirus le 1er avril dernier à ce jour, il s’est passé encore des choses qui inquiètent et qui révèlent un malaise au sein de la grande muette au Togo.

Aux premières heures du couvre-feu avec le Lieutenant-Colonel Okpaoul Yaovi à la tête de la Force Spéciale anti-pandémie, on a enregistré plusieurs blessés et des morts au point qu’on a dû déchoir le Commandant de cette force au profit du Colonel Kodjo Amana. Depuis lors, la situation s’est plus au moins calmée. Que s’est-il passé de Okpaoul à Amana?

Au petit matin du 04 mai, juste au lendemain de la prestation de serment de Faure Gnassingbé, on annonce l’assassinat du Colonel Madjoulba Bitala, chef corps du Premier Bataillon d’Intervention Rapide (BIR) dans son bureau au Camp à Agoè-Nyivé Sogbossito. Un fait d’une extrême gravité qui est resté sans suite à ce jour. Le Procureur de la République a avancé la piste de règlement de compte. Mais entre le défunt et qui ?

Dans la foulée, le confrère « Flambeau des Démocrates » dans sa parution du 28 mai informe que les locaux du ministre de la Défense ont été cambriolés. « D’après nos investigations, après coup, le cambrioleur a sollicité son beau-frère aux fins de lui vendre en ligne des meubles et ordinateurs. ( …) Des internautes ont acheté ces objets sans savoir qu’ils appartenaient au ministère de la Défense », lit-on.

La même source précise que le cambrioleur est un homme en uniforme et qu’il aurait été appréhendé ensuite par le Service central de recherche et d’investigations criminelles (SCRIC) de la Gendarmerie nationale ».

Les forces de Défense et de Sécurité sont caractérisées par la discipline. Mais des faits susmentionnés démontrent le contraire. Comment en est-on arrivé-là ?

Au temps de Eyadèma Gnassingbé, l’armée est tenue à bonne distance des affaires. Curieusement, sous son fils, plusieurs officiers sont devenus des hommes d’affaires prospères. Ils bénéficient de passe droit de sorte que peu à peu, ils s’éloignent de la défense de la Patrie. Pour eux, les affaires comptent plus que tout. Pour ce faire, il faut un certain Faure Gnassingbé pour faire perdurer ce laisser aller juteux

De cette situation naitraient des conflits entre militaires, policiers ou gendarmes parfois pour la sauvegarde de leurs propres intérêts ailleurs.

Certaines exactions et tueries seraient commises parfois pour affaiblir l’autorité d’un chef hiérarchique dans la chaine de commandement.

L’affairisme à outrance fortement implanté au sein de la corporation est favorisé par le profil « affairiste » du chef de l’Etat. Mais combien de temps va-t-il laisser perdurer cette situation qui a bien attendu, de fâcheuses répercussions sur la défense du Togo et la sécurité des Togolais ?

Nécessité d’un audit au ministère de la défense

Cela fait l’actualité sur le continent africain notamment au Niger. Le rapport d’un audit au ministère de la Défense du Niger entre 2014 et 2018 révèle des trous béants de 76 milliards FCFA. Des surfacturations mais aussi des dizaines de contrats qui n’ont pas été honorés : pas de livraison ni de service rendu, alors que les fournisseurs ont partiellement ou en totalité été payés.

À titre d’exemple, le marché destiné à l’achat d’un système de protection anti-missile pour l’avion présidentiel. Le contrat a été conclu en 2015. Plus de quatre millions d’euros ont été payés à la société signataire, un faux bon de livraison et un faux procès-verbal de réception ont été retrouvés, le dispositif, lui, n’a jamais été installé sur l’appareil.

Les enquêteurs dénoncent aussi des contrats passés pour la maintenance d’hélicoptères, ou encore une commande jugée inopportune de 154 camions.

Aucun politique ni responsable du secteur de la défense n’est nommément pointé du doigt. En revanche, les principaux bénéficiaires de la fraude sont des fournisseurs proches du pouvoir. Les deux plus importants sont Hima Aboubacar, dit « Petit Boubé », un milliardaire qui concentre à lui seul la majorité des dossiers visés. En seconde position figure Aboubacar Charfo, lui aussi épinglé pour surfacturation et matériel non livré.

Au Togo, un exercice similaire s’impose pour ramener les uns et les autres à leurs missions premières.

Dans le budget de 2018, les prévisions du ministère de la Défense sont passées de 8 milliards à 16 milliards FCFA. En 2020, pour un budget de 1466,2 milliards FCFA, 8,9% sont consacrés à la Défense et 2% à la Sécurité.

Faure Gnassingbé étant lui-même ministre de la Défense depuis 2007, quels suivi et contrôle sont faits dans l’exécution de ces budgets colossaux ?

A titre d’exemple, le Service de l’Intendance de l’Armée a été géré pendant plus de 17 ans par le Colonel Ouro-Bang’na Nassam avant d’être admis à la retraite et remplacé le 8 octobre 2017 par le Lieutenant-Colonel Bassayi Egbare devenu Colonel entre temps. Du long passage du Colonel Ouro Bang’na Nassam à son remplacement par le Colonel Bassayi, un audit du ministère de la Défense aurait pu être un gage de transparence.

La plupart des services sont dans la grande opacité comme la gestion même au sommet de l’Etat.

Les derniers faits qui suscitent des inquiétudes au sein même des différentes garnisons doivent décider le chef de l’Etat, chef Suprême des Armées et ministre de la Défense à changer de cap. Sa propre sécurité et celle de l’ensemble des Togolais en dépendent. Personne n’est épargné y compris les officiers.

Kokou Agbemebio

Source : Le Correcteur

Source : 27Avril.com