On l’a annoncé en début de semaine, la société Bolloré Africa Logistics, ensemble avec Getma, Necotrans et Manuport a été condamnée par la Cour commune de justice et d’arbitrage (CCJA) basée à Abidjan. Après la confirmation de cette énième condamnation, à quelle autre institution Me Wle-Mbanewar Bataka et son client Charles Gafan, PDG de la société Bolloré Africa Logistics pourront-ils s’adresser pour faire encore repousser l’évidence ?
Jugement n°994/2000 du 28 juillet 2000 ; arrêt 220/00 du 9 octobre 2000 rendu par Abdoulaye Yaya, mais contre lequel Me Bataka réussit à obtenir une ordonnance n°104 de sursis à exécution le 29 décembre 2000 ; 30 mai 2005, l’ordonnance sur requête n°36 rétracta celle n° 104 prise le 28 décembre 2000 et « Ordonne la libération du riz aux établissements C.I.C., Disons que la présence ordonnance sera notifiée en expéditions aux parties, à la diligence de Monsieur le Greffier en Chef de la Cour Suprême et sera classée au rang des minutes du Greffe, pour en être délivrée à qui de droit toutes expéditions nécessaires ».
Mais l’arrêt d’Abdoulaye Yaya n’a jamais été exécuté. 2ème round. Suite à une décision n°3583/2009 proposant que contre la cargaison de 5000 tonnes de riz, un franc symbolique soit remis à la société CIC et son représentant Cosmas Kpokpoya, la Cour d’Appel de Lomé rendit l’arrêt n°356/14 du 24 décembre 2014 qui, de façon résumée, stipule : « En conséquence, condamne la Société GETMA TOGO SA ensemble avec les intervenantes forcées: la Société MANUPORT TOGO SA et NECOTRANS TOGO SA au paiement des causes de cette saisie, ainsi qu’aux dommages-intérêts en découlant et évalués comme suit: 723.483.000 frs représentant les causes de la saisie; 611.647.335 frs représentant les intérêts au taux légal depuis 2000 ; 350.000.000 frs représentant les dommages et intérêts comprenant les pertes financières et le manque à gagner; Constate que la demande au titre de trouble commercial et toutes les autres sont portées pour la première fois en cause d’appel; Les déclare irrecevables; Les Condamne aux entiers dépens dont distraction au profit de Maîtres LARE Tokou et LATEVI Abram, Avocats à la Cour, aux offres de droit; Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement par la Cour d’Appel de Lomé, les jour, mois et an que dessus; Et ont signé le Président et le Greffier ».
Contre un pourvoi en cassation formulé par lesdites sociétés à travers Me Bataka, la Cour suprême s’est déclarée « incompétent pour statuer sur la requête fin de sursis à l’exécution de l’arrêt N°356/14 rendu le 24 décembre 2014 par la Cour d’Appel de Lomé ». Mais c’est à ce moment où des saisies étaient pratiquées en application de l’arrêt de la Cour d’Appel que l’ancien président du tribunal de Lomé, Nayo Awoulmère se plia aux vœux et entourloupes de Me Bataka et stoppa les saisies entreprises.
Il n’en fallait pas plus à Cosmas Kpokpoya pour faire appel de cette décision inique. C’est ainsi que l’arrêt n°242 du 27 juillet 2016 « Dit et juge que c’est en violation des dispositions des articles 49 de l’AURVE et 301 du code de procédure civile que le premier juge a retenu sa compétence ; annule en conséquence l’ordonnance entreprise pour violation de la loi ; déboute les intimées de toutes leurs demandes, fins et conclusions ; Dit et juge que l’arrêt n°356/14 du 24 décembre 2014 de la cour de céans a été régulièrement enregistré et revêtu de la formule exécutoire et constitue un titre exécutoire qui a valablement fondé les saisies attributions querellées qui doivent être déclarées bonnes et valides ; Condamne les intimées aux dépens dont distraction au profit des maîtres Lare Tokou et Latevi Abram ; Ainsi fait, jugé et prononcé par la chambre civile de la Cour d’Appel de Lomé, les jour, mois et an que dessus ; Et ont signé le Président et le Greffier ».
Non convaincu que lui et son client n’auront jamais gain de cause, l’avocat Bataka introduit un pourvoi en cassation. Encore. Et une fois encore, la Cour suprême prit l’ordonnance n°132/10 du 19 août 2016 qui dit : « Par ces motifs : Nous déclarons compétent pour statuer sur la présente requête à fin de sursis ;Ordonnons le rejet de la requête à fin de sursis à l’exécution de l’arrêt n°242/16 rendu le 27 juillet 2016 par la Cour d’Appel de Lomé ;Disons que la présente ordonnance sera notifiée en expédition aux parties, à la diligence de monsieur le Greffier en chef de la Cour Suprême, et sera classée au rang des minutes au Greffe pour en être délivrées à qui de droit, toutes expéditions nécessaires ».
Entre-temps, le groupe Bolloré racheta les sociétés Getma, Manuport et Necotrans. Avec donc tous leurs actifs et passifs. L’avocat fut missionné de défendre la cause de la société Bolloré Africa Logistics à la Cour commune de justice et d’arbitrage à Abidjan. La suite est connue. L’arrêt n°159/2018 rendu par la CCJA le 18 octobre 2018 contre lequel une tierce opposition jugée irrecevable a été formulée par Me Bataka prend toute sa dimension depuis qu’un huissier a notifié au conseil de Bolloré Africa Logistics les arrêts les déboutant. En rappel, la CCJA dit que : « Par ces motifs, Statuant publiquement, après en avoir délibéré; Casse l’arrêt n°242/2016 rendu le 27 juillet 2016 par la Cour d’Appel de Lomé; Evoquant et statuant au fond : Confirme partiellement l’ordonnance n°0003/16 rendue le 15 janvier 2016 par le Président du Tribunal de première instance de première classe de Lomé, en ce qu’il a retenu sa compétence en application de l’article 49 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution; L’infirme sur la contestation des saisies; Statuant à nouveau: Dit et juge que l’arrêt n°356/14 du 24 décembre 2014 de la Cour d’Appel de Lomé constitue un titre exécutoire régulier; Par conséquent, déclare bonnes et valides les saisies-attributions de créances pratiquées les 17 et 18 décembre 2015 ; Déboute les sociétés GETMA TOGO SA et MANUPORT TOGO SA de leurs demandes, fins et conclusions ; Les condamne aux dépens ».
S’il y avait encore une juridiction supérieure à la CCJA, on s’attendrait à voir encore et toujours le conseil de la société Bolloré Africa Logistics et Charles Gafan user de moyens pour retarder l’échéance de la sentence. Mais malheureusement, après la CCJA, il n’y a plus que…la CCJA.
Hasard de calendrier ou test de dame nature, c’est peu après le discours de bonne volonté du nouveau président de la Cour suprême qu’un dossier que lui-même a tranché en octobre 2000 le met au défi de joindre l’acte à la parole. Cosmas Kpokpoya et les ayants-droit de CIC (Comptoir international pour le commerce) veulent croire et ont des raisons de croire en Abdoulaye Yaya. Mais s’il est vrai que des juges ont trainé la dignité de la justice togolaise dans la boue, il est encore plus vrai qu’il y aura toujours d’autres juges prêts à laver cet affront. Les justiciables ne demandent qu’à redonner confiance en ce 3ème pouvoir.
Godson K.
Source : Liberté N°3464
Source : icilome.com