Depuis quelques mois, de plus en plus de militaires sont visibles dans les rues de Lomé et de certaines villes de l’intérieur du pays. Pour reprendre la main sur les manifestations de la Coalition des 14 partis de l’opposition au front depuis le 19 août 2017, le pouvoir de Lomé a décidé de faire appel à la Grande muette pour mutiler toute velléité de manifestation par la rue. La question est de savoir jusqu’où tiendront les Forces armées togolaises ?
Les partisans de la Coalition des 14 partis sont appelés, une fois encore, à descendre dans la rue ce 06, puis les 07 et 09 juin sur tout le territoire national. Mais la question est de savoir si le pouvoir va laisser faire. En effet, depuis l’engagement moral donné par la Coalition dans le cadre du dialogue de surseoir aux manifestations de rue le temps des pourparlers prévus depuis février pour 10 jours, le pouvoir a trouvé un argument pour restreindre les manifestations de rue. Pour ce faire, vu que les policiers qui sont postés au point de démarrage des manifestations ne font plus peur aux partisans de l’opposition, les « sécurocrates » du régime de Faure Gnassingbé ont décidé de passer à une étape supérieure en réquisitionnant des milliers de soldats pour se préparer à toute éventualité.
L’armée à la rescousse
Nuit et jour, ils sillonnent les rues de Lomé. Ils sont des milliers de soldats bâton ou arme en main à être positionné à plusieurs coins stratégiques non seulement de Lomé mais aussi dans plusieurs villes où les appels à manifester de l’opposition reçoivent un écho favorable depuis août 2017. L’armée est appelée à venir à la rescousse du régime. Cette situation qui prévaut depuis quelques mois dans le pays, en serait pour beaucoup d’après les observateurs, dans le relâchement enregistré ces derniers temps au niveau de la mobilisation populaire appelée par la coalition des 14 partis de l’opposition. En effet les séries de marches de protestation organisées dans le pays ces derniers jours, ne tiennent plus leurs promesses d’antan. Lors des dernières manifestations par exemple, la mobilisation était largement en deçà de la moyenne, pour ne pas dire confidentielle et la fureur de résister à la soldatesque, n’est plus la même.
Tout porte à croire, que la nouvelle trouvaille du pouvoir est de maintenir en respect des partisans de la coalition aux velléités trop incisives, en instaurant la psychose de la peur du militaire dans le pays. Dans les pays à culture démocratique, la Police et l’armée sont au service de la République et ne doivent en aucun cas porter atteinte aux droits des citoyens dans l’exercice de leurs fonctions. L’armée ne doit se mêler du maintien de l’ordre public que dans les cas exceptionnels c’est-à-dire lorsqu’elle est appelée en renfort. Dans ce sens, elle ne pourrait venir en renfort à la Police que quand cette dernière se trouve débordée. Ainsi, l’armée peut participer à la protection des personnes et de leurs biens dans les seules conditions exceptionnelles prévues par la loi.
L’Armée sera politique jusqu’à quand ?
Au Togo, les forces armées se sont substituées aux forces de police et de gendarmerie dans l’administration de la sécurité que tout citoyen doit attendre de l’Etat. Police et gendarmerie sont devenues ainsi des forces supplétives voire absentes dans la gestion de la sécurité intérieure qui leur est traditionnellement dévolue. « Il est inadmissible que l’Armée soit encore déployée au Togo pour réprimer les manifestations », peut-on lire dans un rapport de l’ONG Amnesty International datant de février 2017. L’histoire du Togo a édifié que l’armée joue un rôle prépondérant dans la politique. Les plus convaincus pensent que l’Armée joue le premier rôle. Pour ces derniers, l’armée togolaise constitue une garde prétorienne qui serait en charge de la protection du régime.
Ces derniers jours, c’est des hommes en armes dont la fatigue se lie sur les visages qu’on rencontre dans certains quartiers de Lomé. Si pour le moment, ils tiennent, bon gré mal gré, le coup face à la pression de la hiérarchie, l’on se demande jusqu’à quand tiendra cette armée ? La question reste posée.
Source : Fraternité No.272 du 06 juin 2018
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