Togo-Dr Christian Spieker : « Aujourd´hui on a des leaders qui courent tantôt vers le parti au pouvoir, tantôt vers l´opposition »

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La difficulté dans laquelle se trouve aujourd´hui l´opposition togolaise face au régime en place réside dans l´inconstance des leaders politiques qui font des va-et-vient entre opposition et parti au pouvoir depuis 1990. C´est un manque de conviction. L´homme politique togolais n´est pas constant dans ce qu´il défend ou qu´il juge bon ou mauvais pour le pays et pour son peuple. C´est comme de la girouette qui change fréquemment et prend la direction du vent. Les vrais hommes politiques qui sont constants dans leur conviction et idéologie politique étaient ceux qui se sont affrontés et ont défendu farouchement leur position dans la lutte avant l´indépendance : chaque camp défendait jusqu´au bout sa conviction et idéologie, mauvaises ou bonnes pour le pays. Au moins ils avaient ce mérite de constance. Chacun avait une position claire qu´il défendait. On connaît la position de Sylvanus Olympio pour l´indépendance et l´unification du Togo et celle de Nicolas Grunitzky pro-français, pour faire entrer le Togo dans l´union française. Après eux, il n´y a plus de leaders politiques aussi clairs et constants dans leur position que ceux-là. Restez constants dans ce que vous défendez même si ce que vous défendez est mauvais, ainsi vous serez reconnus comme tels et aurez le mérite de la constance.

Aujourd´hui on a des leaders qui courent tantôt vers le parti au pouvoir, tantôt vers l´opposition ou vice versa ou même flirtent avec les deux camps en même temps au gré de la direction du vent comme de la girouette. Comment le peuple peut-il se retrouver avec ce type de leaders pour avoir de l´alternance? Ce n´est pas possible. Ce n´est pas parce que le régime est fort qu´on ne parvient pas à avoir de l´alternance mais parce que les hommes politiques de l´opposition fonctionnent comme une girouette qui change selon la direction du vent. En politique il faut être constant avec des convictions claires et inébranlables même dans la souffrance et la douleur. C´est cette conviction qui manque aux leaders politiques et ce régime arrive toujours à les avoir car il connaît le point faible de chacun des hommes politiques de l´opposition.

À mon avis si un leader politique a fait un temps dans un bord politique (parti au pouvoir ou opposition), si à un moment donné, la politique de ce bord politique ne lui conviendrait plus, au lieu de virer dans un autre camp pour défendre les idées contraires de ce qu´il défendait auparavant,  il ferait mieux de prendre sa retraite d´homme politique pour ne pas embrouiller les Togolais dans sa contradiction. Avec des gens pareils, moi, je ne peux pas travailler.

L´homme de conviction n´abandonne pas d´un jour au lendemain sa conviction pour défendre une autre. En politique on défend une cause, une conviction. Ça ne se limite pas seulement à l´alternance. Et après l´alternance on fera quoi ? On continuera avec les mêmes méthodes d´avant ou bien deviendra-t-on un homme neuf?

Au Togo, je ne sais pas s´il y a des hommes politiques de conviction, sinon on n´en serait pas là où on en est aujourd´hui avec l´impasse politique depuis des décennies. On ne sait pas qui est qui et qui défend quoi comme conviction. Ils vont là où le vent les amène. Eux-mêmes n´ont pas de direction. Partant de cela, le peuple togolais ne peut jamais se retrouver. Il faut être constant dans ce qu´on défend. C´est ça qui fait la crédibilité d´un homme politique et renforce la confiance entre le leader et ses sympathisants et au-delà de cela, le peuple.

Quand on prend le fil des choses ou des événements politiques au Togo depuis 1967, ceux qui ont travaillé avec le régime RPT et qui l´ont défendu jusqu´à la fin de leur vie sont peu nombreux. Après 1990, ère de multipartisme, bon nombre d´eux se sont retrouvés dans l´opposition par opportunisme en créant un parti politique tout en restant toujours alliés du parti RPT, leur abreuvoir. Par contre, certains qui sont restés dans RPT/UNIR sont constants dans leur conviction et ont assumé leur choix du parti RPT/UNIR.  Ceux-là méritent au moins de la constance dans leur choix qu´ils assument clairement. D´autres ont fait semblant en créant un parti politique pour rentrer dans l´opposition tout en étant avec ce régime. C´est là la difficulté que l´opposition rencontre car il n´y avait pas de sincérité et de franchise.

 Le cas le plus flagrant et illustratif est celui d´Edem Kodjo (paix à son âme et paix aussi au Togo) qui a été le levier du RPT mais l´a quitté pour créer son parti politique après l´avènement de la démocratie tout en continuant par flirter avec le régime. En 1994 il devrait se rallier à Agboyibor pour constituer une majorité parlementaire afin de contraindre Eyadema Gnassingbé à nommer Yawovi Agboyibor comme Premier ministre parce que son parti a recueilli plus de voix aux élections législatives mais malheureusement Edem Kodjo a refusé et s´est rallié à Eyadema qui voulait le nommer Premier ministre pour affaiblir l´opposition et ce dernier a accepté au lieu de dire non au Président Eyadema et proposer Agboyibor à sa place. Peut-on appeler ceux-là comme Edem Kodjo, opposants qui veulent du bien pour le pays ? Je ne crois pas du tout. D´autres aussi se sont illustrés par leur inconstance. Ils ont travaillé pendant longtemps dans le régime et l´ont défendu farouchement jusqu´à un passé récent.  Ils se retrouvent dans l´opposition pour véhiculer les idées de l´opposition comme si rien n´était mais sont toujours proches du régime. Ce sont les opposants de circonstance. Avec ces gens-là on ne peut jamais vaincre ce régime et avoir de l´alternance. Dieu ne nous ouvre pas la porte de l´alternance car on n´est pas sincère dans la lutte. On ne défend pas l´intérêt du peuple avec sincérité. On le trompe.

Certains Togolais n´ont jamais travaillé avec RPT/UNIR et après l´avènement du multipartisme, ont seulement milité dans les partis d´opposition pendant des années et puis doucement ils ont viré aussi vers RPT/UNIR. J´appelle cela de l´inconstance politique. Certains sont dans l´opposition depuis la création de multipartisme et ne l´ont jamais quitté pour aller dans RPT/UNIR. Ce sont ces gens-là qu´on peut appeler des opposants politiques ou hommes de conviction. Mais, les gens qui ont travaillé d´abord dans le régime et après deviennent opposants ou bien des gens qui étaient d´abord opposants et qui rejoignent le RPT/UNIR, ces deux catégories d´hommes politiques ne sont pas de vrais hommes politiques ou opposants mais des girouettes ou touristes politiques qui changent au gré des événements politiques comme le vent. À un moment donné, ils changent de route ou de direction car ils n´ont pas de conviction. Pensez-vous qu´on pourra s´en sortir avec ce type d´hommes politiques? Moi, je n´y crois pas. Moi, je suis toujours direct et franc dans mes propos et je le resterai. C´est mon héritage de culture allemande. C´est l´héritage le plus précieux pour moi.

En politique il faut de la conviction. Sans la conviction et constance dans votre direction choisie on ne vous fera jamais confiance.

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Source : icilome.com