Les vendredi 27 et samedi 28 novembre dernier, deux responsables de la Dynamique Mgr Kpodzro (DMK) ont été mis aux arrêts. Ceci, pour «tentative d’atteinte à la sûreté de l’État». D’abord, Gérard Djossou, chargé des Droits de l’Homme, puis Brigitte Kafui Adjamagbo, la Coordinatrice générale de ce regroupement de partis politiques et d’organisations de la société civile. Un énième chef d’accusation à l’encontre des acteurs de l’opposition qui remet sur le tapis, un débat toujours d’actualité. Celui de la crédibilité du Procureur de la République.
Lomé, un pouvoir aux méthodes rétrogrades
Le pouvoir de Lomé n’est visiblement pas prêt d’arrêter sa folle course de musellement des libertés publiques au Togo. En effet, la marche pacifique projetée sur le samedi 28 novembre dernier à Lomé, a plutôt donné lieu à des arrestations arbitraires dans les rangs de la Dynamique Monseigneur Kpodzro (DMK), initiatrice de la manifestation. Une procession prévue pour réclamer, entre autres, la vérité des urnes sur la présidentielle du 22 février 2020, l’arrêt des persécutions judiciaires contre Agbéyomé Kodjo qui, pour la DMK, est le vrai vainqueur du scrutin du 22 février 2020, la libération des prisonniers politiques, l’arrêt du harcèlement des journalistes critiques, puis la publication du rapport d’audit commandité par le gouvernement togolais dans le Pétrolegate. Malheureusement, le gouvernement ne s’est pas seulement contenté de l’interdiction ferme opposée à cette manifestation pourtant pacifique. Il s’est plutôt lancé, sans vergogne, dans une sorte de persécution aux allures de cabale contre des responsables de la DMK qui ne fait que porter haut la voix de l’indignation d’un peuple muselé, déprimé qui n’aspire qu’à la démocratie et à une bonne gouvernance au Togo.
Le pouvoir de Lomé, pour donner corps à sa forfaiture, fait du Procureur de la République, Essolissam Poyodi, son bras opérationnel. Ce dernier, fidèle à sa méthode, colle aux deux opposants au régime cinquantenaire de Lomé, le fameux chef d’accusation qui lui est visiblement usager. Celui de «tentative d’atteinte à la sûreté de l’État». Ceci, argumente-t-il dans un communiqué lu à la télévision nationale, partant des «documents compromettants» dont disposeraient Brigitte Kafui Adjamagbo-Johnson et Gérard Djossou, après perquisition de leurs domiciles.
Et pour une des rares fois, ce qui semble être un mensonge d’État cousu de tissus blancs soulève une véritable levée de boucliers au sein de l’opinion nationale et internationale. En dépit de leurs diversités d’opinion, leurs différends et caractère hétéroclite, les partis politiques, mêmes des plus fidèles compagnons de ces dernières années du régime Rpt-Unir à l’instar de l’Union des forces de changement (Ufc), organisations de la société civile, médias, leaders d’opinion, activistes…tous dénoncent, avec la dernière rigueur, cette couleuvre indigeste que les apparatchiks du pouvoir de Lomé tentent, vaille que vaille, de faire avaler à un peuple togolais mâture et en lutte permanent pour la démocratie et le changement.
La double face du Procureur
Si Lomé est déjà connu, jusqu’alors, de ses viles et abjectes méthodes de répression et de musellement de son opposition démocratique, l’intrigue réside en sa manipulation permanente, aux fins politiques, d’un commis de l’Etat qui, sans la moindre gêne, accepte de jouer le jeu en endossant, des années déjà, cette funeste responsabilité.
En effet, aussi paradoxal que cela puisse paraître, le Procureur de la République, Essolissam Poyodi, généralement connu très amorphe et nonchalant lorsqu’il s’agit des dossiers d’assassinats des togolais, de détournements des deniers publics orchestrés par des délinquants économiques bien connus mais qui courent toujours les rues du pays, réagit avec une célérité impressionnante, lorsqu’il s’agit de museler les acteurs politiques, notamment de l’opposition démocratique.
L’on a encore en souvenance nombre de ces dossiers sombres à son actif dont ceux de l’incendie des marchés de Lomé et de Kara en 2013 qui l’ont fait inculpé, plusieurs acteurs de l’opposition avant que les plus chanceux ne voient, leur charge levée, pour certains comme Mensan Agbéyomé Kodzo, et pour d’autres comme Jean-Pierre Fabre, leur contrôle judiciaire levé, à la faveur de l’accord politique de 2018. L’on ne passera pas sous silence la récente affaire dite de «Tiger Révolution». Sur la simple base des t-shirts, amulettes, couteaux rouillés, dabas et autres bâtons, Essolissam Poyodi, comme de petits pains qu’il distribuait aux enfants, a également accusé un groupe de jeunes de porter atteinte à la sécurité de l’État. Des agissements qui ont amené plusieurs observateurs à le qualifier de «Procureur des coups d’État».
Au Tribunal de sa conscience
Somme toute, ce qualificatif est une drôle façon, pour ces derniers, d’ironiser sur le sort de ce dernier curieusement décrit, outre un professionnel chevronné, comme un fervent chrétien qui passe le plus clair de son temps entre cultes, veillées de prière et d’adoration, actes de pénitence, aumône et autres actions de charité. «Le frère Poyodi me fait pitié. Je le connais trop bien. C’est un homme qui craint Dieu. J’avoue que je ne voudrais pas être à sa place actuellement. Je suis persuadé que tout ce qui se fait par lui, en son nom, ne vient pas de lui», confie un frère d’église du Procureur qui se morfond sur son triste sort. «Je me demande pourquoi le frère Poyodi ne démissionne-t-il pas. J’ai l’impression que les hommes politiques veulent salir sa réputation pour arriver à leurs fins politiques. Et ce n’est pas bien pour le chrétien qu’il est et que nous respectons bien», dira un autre, abasourdi.
Qu’à cela ne tienne, c’est un constat que cette posture d’homme de Dieu qui aime le bien et la justice, contraste monstrueusement avec son dévouement et sa soumission très zélée à un régime qui, lui, viole et tue.
Le contraste l’est encore plus au regard de ses qualités intrinsèques et professionnelles pourtant très appréciées par ses proches et collaborateurs. D’où justement la question de savoir entre Dieu, la conscience professionnelle et le bardage de ses compétences au service d’un pouvoir avide d’hégémonie et prêt à tout, lequel choisit le «Diacre» Poyodi qui est plus que jamais convoqué au Tribunal de sa conscience.
Le contentieux électoral reste entier
L’arrestation de deux responsables de la DMK relance, de plus belles, la question de la crédibilité de la dernière présidentielle contestée à ce jour par Brigitte Kafui Adjamagbo et ses camarades de lutte. Se référant aux propos du Premier ministre Victoire Tomégah-Dogbé qui déclarait sur RFI que la page du 22 février est désormais tournée et que les contestataires devraient désormais se soumettre, l’on en vient à se demander objectivement si cette victoire apparente ne reste-t-elle pas au travers de la gorge de Lomé.
Une question encore plus pertinente lorsqu’on se souvient que dans les mêmes conditions, le parti ANC de Jean-Pierre Fabre avait contesté, 5 ans durant, les résultats de la présidentielle de 2010 sans nullement être inquiété à ce point. C’est à croire donc que la présidentielle de 2020 malgré le voile blanc qu’on tente de la faire couvrir, restera teintée d’un mystère énigmatique que seul le régime de Lomé et ses dignitaires sauront mieux expliquer.
Source : Fraternité
Source : 27Avril.com