Togo : De la nécessité des Voies Ferrées Modernes pour le Développement d’une Véritable Économie Minière

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Togo : De la nécessité des Voies Ferrées Modernes pour le Développement d’une Véritable Économie Minière

Avec le soutien financier de la Banque Mondiale, le Togo s’est lancé depuis 2016 dans le Projet de développement et de gouvernance minière (PDGM), censé faire l’état des lieux et booster le secteur des mines. Initiative louable de par les ressources dont dispose le pays, mais qui, du fait d’une gouvernance approximative, tarde à apporter de la valeur ajoutée tant espérée. Mais ce projet pourrait-il s’achever sans que les bases véritables de facilitation des moyens de transport des minerais ne soient trouvées et posées ? La route demeurera-t-elle le seul moyen de convoyage des matières premières ou d’enlèvement des produits manufacturés vers d’autres cieux ? Les recettes certaines à court, moyen et long terme du fait du « ferraillage » du Togo ne boosteraient-elles pas le budget si les autorités faisaient ce saut qualitatif non pas par des discours, mais par des actes qui feraient date ? Que d’activités se développeraient autour des futures gares du Togo.

« Le train sifflera trois fois » était le titre d’un vieux film Western dont la jeunesse d’antan avait rafollé. Au Togo, le train a cessé de siffler depuis des lustres et bien malins les enfants de la jeune génération qui peuvent décrire ce qu’est un wagon d’un train. Malheureusement, il ne reste dans le pays que deux amas de fer appelés locomotives n’ayant aucun respect pour l’environnement en matière de pollution via les gaz d’échappement, et des « wagons de clinker » qui traversent la capitale à la vitesse du caméléon, en direction de l’usine de l’autre côté de la frontière ghanéenne. Trop peu instructif pour être enseigné dans les écoles.

L’ITIE a depuis, fait le constat

Le besoin d’installation des voies ferrées s’est fait sentir dans au moins deux rapports de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE).

En 2014, l’ITIE constatait au sujet du transport de minerai : « Il existe deux sociétés qui disposent du droit d’utiliser les chemins de fer pour le transport de produits miniers au Togo, à savoir : Togo rail dont l’accord signé entre ladite société et l’Etat prévoit le paiement par la société d’une redevance de 7,5% du chiffre d’affaires. Toutefois, depuis 2009, la société ne paie plus ladite redevance et ce, suite à la déchéance du droit d’exclusivité puisque l’Etat a concédé une partie à la société MM Mining. Transport de minerai de fer par la société MM Mining : la convention minière entre MM Mining et l’Etat Togolais prévoit que la société procédera à l’exploitation technique et commerciale des services de transport ferroviaire du réseau des chemins de fer (axes Lomé-Blitar et Lomé-Kpalimé). Toutefois, aucune disposition régissant les redevances ou paiements n’a été prévue. A ce jour, la société n’utilise pas les rails pour le transport du minerai de fer et ne paie pas en conséquence de redevances… Selon la DGMG, la convention signée avec la société ne prévoit pas de transactions de troc ou la fourniture de travaux d’infrastructures ».

En 2015 au sujet du projet de manganèse de Nayega, le rapport 2015 de l’ITIE dit que « le projet comprend 5 permis de recherche couvrant une superficie d’environ 928 km2 accordées à la société Générale des Mines (SGM Sarl), filiale du groupe Ferrex depuis octobre 2011. Conformément à la déclaration de la société, publiée le 21 mai 2015 sur le site du London Stock Exchange, la société a finalisé son étude de faisabilité en définissant l’existence de réserves de minerai avec une proposition d’exportation de 250 000 tonnes de manganèse par an. D’après la DGMG, la signature de la convention est conditionnée par la renégociation de la convention à grande échelle attribuée en 2008 à MM Mining de l’exploitation de gisement de fer et de métaux connexes. La renégociation menée par le ministère des mines, en partenariat avec les équipes de la banque africaine de développement vise à limiter le permis attribué MM mining à l’exploitation du fer pour pouvoir attribuer l’exploitation des autres métaux à SGM ».

Des ressources qui exigent une voie ferrée

Une estimation grossière permet de se rendre compte que des gisements de minerais sont disséminés sur toute l’étendue du territoire national. Manganèse de Nayega à Dapaong, Fer et phosphates à Bassar, dolomite d’Awandjélo dans la Kozah, marbre de Pagala à Blitta, pour ne citer que ces minerais. Même si les phosphates de Tabligbo et Vogan font l’objet d’un transport par voie ferrée, leur énumération vaut le détour, surtout que les phosphates carbonatés, objet de convoitise de tous ordres ne sont pas encore exploités.

A l’heure où tous les pays cherchent à accroître les ressources pour répondre aux besoins de leurs populations, il est difficilement compréhensible pour les citoyens que l’Etat togolais ne soit pas encore arrivé à trouver et nouer des partenariats gagnant-gagnant dans le domaine ferroviaire. Or, la valeur ajoutée et les chaînes de valeur y sont garanties.

Selon un Ingénieur géologue, le Togo tirerait des dividendes certaines en installant une usine d’acier dans la région des Savanes. Pour la simple raison que l’acier étant un dérivé de la fusion du manganèse et du fer, le fer de Bandjeli pourrait plus facilement rejoindre le manganèse de Nayega pour une transformation sur place avant enlèvement d’un acier « made in Togo » destiné à l’exportation. Le choix de ette région tient du fait de la présence du fleuve Oti qui servira au lavage des métaux extraits. Le pays gagnerait en termes d’emplois créés et de développement de la région des Savanes.

L’exploitation des phosphates de Bassar va nécessiter un convoyage par voie ferrée, de même que le fer qui devra rejoindre une usine de transformation dans les Savanes. A Awandjelo, l’usine de ciment gagnerait à faire voyager ses produits finis par voie ferrée. Les marbres de Pagala, de par leur poids et volumes, seraient acheminés de façon plus sécurisée via les chemins de fer. Sans compter les autres atouts du chemin de fer.

Si l’urgence de la voie ferrée devient inévitable, c’est au vu des énormes quantités que renferme le sous-sol togolais et l’avantage certain qu’il y a à creuser sérieusement cette voie de transport. Il suffit, pour ce faire, de consulter les archives de la Direction des mines et de la géologie pour s’en convaincre.

En économie, les trois voies de financement du budget d’un pays sont les emprunts –qui sont loin d’être la voie idéale-, les recettes fiscales –qui ne suivent pas les prévisons des autorités-, et…les ressources naturelles. En l’état actuel, la dernière source reste la plus porteuse d’avenir pour l’économie togolaise. Pour peu que les autorités se décident à effectuer le saut qualitatif. Que d’opportunités d’emplois s’offriront aux jeunes chômeurs !

Transport de marchandises et de personnes

Des voies ferrées en direction des zones minières sont synonymes de facilitation d’activités commerciales le long de ces voies. Les marchandises et produits vivriers sont plus faciles à transporter avec des risques amoindris d’accidents et de pertes. Aux abords de toutes les gares qui seront installées, se développeront des pôles d’activités qui redonneront vie aux villes et hameaux de l’hinterland. Sans compter les déplacements de personnes par cette voie. Car, des wagons miniers, de marchandises et de transport de personnes, le pays en disposerait. Toutes choses qui donneront un coup d’accélérateur à l’économie togolaise.

Préservation des voies chèrement refaites

Pour avoir effectué un voyage d’étude à Bassar, plus précisément dans la localité de Bandjeli, il est loisible de constater que la voie menant de Sokodé à Bassar est dans un état second de dégradation. Mais celle conduisant à Bandjeli l’est dans un état premier. Quelques restes de goudron sur de la latérite à perte de vue. Signe des effets du passage des camions de l’entreprise MM Mining, il y a encore quelques années. Visiblement, tout ce que cette entreprise avait donné ou réalisé de la main droite a été repris par la main gauche. Parce que la réfection de ces deux voies se fera à coups de milliards, en espérant que les ayants-droit ne prélèveront pas leur « dîme » en termes de retrocommission. Le tronçon Kabou-Bassar a été interdit de passage aux camions de cette entreprise, même si certains chauffeurs ont parfois bravé l’interdiction certaines nuits. Juste parce que ce passage a été refait et on tient à le préserver des charges excessives.

Dans la région des Savanes, les routes ont repris des couleurs depuis peu. Même constat sur le tronçon Tsévié-Tabligbo. Sur la voie Lomé-Vogan, les travaux sont en cours, après le scandale demeuré « impuni » des ministres.

Dans toutes les localités sus-citées, il existe des activités minières dont les produits –matières premières ou produits manufacturés- sont et doivent être transportés. Les autorités se permettront-elles de dégrader ces voies sans prospecter la piste des partenariats-public-privé (PPP) susceptibles d’apporter réponse à cette carence qui fait du Togo une particularité régionale ?

Faure Gnassingbé penserait à faire transformer sur place le manganèse et le fer pour obtenir de l’acier, selon certaines sources proches du Palais de la Marina. Si cette information est vérifiée, on devra alors penser à formaliser les PPP pour attirer de potentiels investisseurs. Avec la certitude que les rails ne se dégradent pas aussi rapidement que le goudron. Bon à prendre.

Godson K.

Source : Liberté

27Avril.com