La semaine dernière à Kara, les ministres du gouvernement togolais se sont réunis en conseil. Au menu était inscrit entre autres, un projet de décret portant création d’un conseil consultatif foncier.
Selon le gouvernement, il s’agit d’une structure qui sera chargée de se plancher les l’épineuse question foncière et domaniale qui ronge dangereusement la société togolaise du Nord au Sud et de l’Est à l’Ouest. Ainsi, cet organe en voie d’être mis en place aura autorité à se prononcer sur des dossiers fonciers et à proposer des schémas de révolution des différends y afférent.
Il y’a lieu sur le principe, de féliciter les gouvernants pour cette audace qu’ils se sont enfin donnée de s’intéresser à ces questions, sources des litiges les plus farouches dans nos sociétés d’aujourd’hui.
Mais après avoir dit ceci, nous observons impuissants qu’il se pose en effet un problème sérieux dans l’approche des défis et difficultés qui se posent à notre pays.
En réalité, en quoi consistent les litiges fonciers dans notre pays?
Il s’agit entre autres, des doubles ou triples ventes de terrains, de faux documents administratifs que les gens se font confectionner pour s’approprier des lopins de terre, de trafics d’influence auprès de certains juges en charge des dossiers fonciers, de déguerpissement souvent forcé des communautés entières par de pseudos acquéreurs de terrains etc.
Toutes ces pratiques peu orthodoxes qui entament sérieusement le vivre ensemble peuvent aisément trouver des solutions très appropriées sans que l’on ait besoin de mettre en place un organe consultatif, certainement budgétivore alors qu’il ne possède en rien, la clé des solutions.
Pourquoi tout État dans ce monde dispose-t-il d’une justice ?
Nécessairement pour réguler le fonctionnement de la société, départager les citoyens sur la base des lois régissant la vie du pays et ainsi garantir la paix sociale et le vivre ensemble de ceux-ci. Alors, qu’est-ce qui explique que cette justice au Togo a du mal à évacuer convenablement les litiges d’ordre foncier et domanial?
Sans doute parce qu’elle subit nécessairement et immanquablement des pressions des gros pontes du pouvoir qui sont, très souvent, les grands acquéreurs de vastes terrains nécessitant le déguerpissement des communautés entières. Il est évident qu’en l’état actuel de la vie de notre pays, lorsqu’un prolétaire, sans “bras long” a un différend avec un haut placé du pouvoir ou de l’armée, son sort est d’emblée scellé d’avance avant même qu’il ne se retrouve devant le juge qui, lui aussi, se confond en courbettes à la vue de l’officiel ou même, à la seule lecture du nom de ce dernier dans un dossier donné.
Dans un tel contexte, la solution n’est certainement pas la mise en place un conseil consultatif, mais un travail efficient sur la justice elle-même qui, en toute légalité, est compétente pour connaitre de ces dossiers et trancher en se laissant exclusivement gouverner par la loi et la loi seule.
L’enjeu est par conséquent de travailler sur l’indépendance de la justice, sur son équité et son impartialité plutôt que de multiplier des organes qui ne sauront qu’allonger la démarche de résolution de ces types de conflits.
Quoi que l’on dise et quelles que soient les missions qui seront dévolues à un tel conseil, jamais il n’aura les prérogatives et encore moins la compétence régalienne pour trancher ces différends sans susciter de contestations légitimes. Dès l’instant où toute République se régule avec la justice, rien ne peut justifier une démarche qui viserait à contourner celle-ci dans la résolution de quelque différend que ce soit.
Par conséquent, si nos autorités tiennent absolument à l’efficacité dans leur gouvernance et à l’efficience des résultats, elles ont tout intérêt à garantir l’indépendance absolue de la justice. Ceci nécessitera forcément un engagement personnel et direct du chef de l’État en personne, le seul mandaté par le peuple pour se charger de ses besoins.
A lui donc de rappeler ses commis à l’ordre et de faire punir les magistrats véreux qui traitent les dossiers avec complaisance et favoritisme. Il y ira de l’avenir même du pays et de son bon devenir.
Luc Abaki
Source : icilome.com