Ce qui se passe au Togo depuis plusieurs décennies en termes de mauvaise gouvernance politique, faite de massives violations des droits humains, de corruption endémique, de détournements presqu’à ciel ouvert des deniers publics, laisse toute personne, en possession de toutes ses facultés mentales, sans voix. Le calvaire des Togolais, commencé sous la dictature de Éyadéma Gnassingbé, a continué et s’est accentué sous le fils Faure Gnassingbé, qui a pris la relève dans le sang, en 2005. Toutes tentatives des citoyens togolais pour se libérer, et humaniser le pouvoir politique pour le bien de tous, sont vouées à l’échec; la stratégie de la terreur et de la peur étant l’arme de prédilection des régimes de dictature sans légitimié aucune, comme le régime Gnassingbé au Togo. Aujourd’hui, plus d’un demi-siècle d’une gouvernance prédatrice sur tous les plans, de père en fils, le bout du tunnel pour les Togolais, semble être un lointain rêve. Oui, par la volonté de Faure Gnassingbé qui se croit le seul détenteur du titre foncier du Togo, l’humiliation des Togolaises et des Togolais risque de continuer encore pour longtemps.
En effet, le quotidien «Liberté», avant tout le monde, dans sa parution du 11 septembre 2023, avait averti du coup de force que Faure Faure Gnassingbé s’apprêtait de nouveau à faire aux Togolais, pour rester au pouvoir au moins jusqu’en 2030. Ce jour-là, tous les numéros du journal furent ramassés manu-militari aux différents lieux de vente. «Le successeur de Gnassingbé Eyadéma a un rêve: rester indéfiniment au pouvoir. Pour y parvenir, il a un plan secret qu’il déroule: réussir une prochaine modification constitutionnelle et introduire le Septennat dans la Constitution togolaise. Il n’a pas enterré ce vieux projet. Il veut bien évidemment s’inspirer du Centrafricain FaustinArchange Touadéra qui était récemment à Lomé. Lui, a déjà fait valider une nouvelle Constitution chez lui avec des recettes Wagneropoutiniennes. Certains élus togolais sont mis dans le secret. L’enjeu des prochaines législatives de 2024 est de taille. Les opposants et la société civile sont prévenus…» Voilà notamment ce qu’écrivait « Liberté », il y a six mois de cela.
Dans tout pays où il existe une dictature comme celle que nous connaissons au Togo, il existe également une opposition qui se bat pour mettre fin à une telle gouvernance anti-démocratique. Et nous serions malhonnêtes si nous ne reconnaissions pas les efforts fournis par l’opposition togolaise depuis le début des années ’90. Une opposition qui a vécu des hauts et des bas, selon le rythme des diverses répressions perpétrées par le régime d’en face. Mais aujourd’hui le constat amer est là. Malgré les sacrifices et les plusieurs milliers de morts de Togolais, le régime RPT-UNIR, incarné par Faure Gnassingbé, n’est pas prêt à laisser respirer ses concitoyens. Faure Gnassingbé cherche à s’éterniser au pouvoir. Et pour cela, comptant sur une armée tribale et sur un entourage égoïste et méchant, le jeune doyen de la sous-région veut perpétrer un coup de force constitutionnel, pour faire introduire le septennat et le système parlementaire. « Article 37: Le Président de la République est élu sans débat par le Parlement en séance conjointe de ses membres. L’élection du Président de la République a lieu au scrutin secret à la majorité absolue. Après le troisième tour de scrutin, est élue la personne qui réunit sur son nom le plus grand nombre de voix…Article 39: Le Président de la République est élu pour sept ans. Il n’est rééligible qu’une fois.» Voilà un extrait du projet de la nouvelle Constitution que Faure Gnassingbé veut imposer aux Togolais. Certes, le Titre XIII de la Constitution togolaise en son article 144 dispose: «L’initiative de la révision de la Constitution appartient concurremment au président de la République et à un cinquième au moins des députés composant l’Assemblée nationale. Le projet ou la proposition de révision est considéré comme adopté s’il est voté à la majorité des quatre cinquièmes des députés composant l’Assemblée nationale. À défaut de cette majorité, le projet ou la proposition de révision adoptée à la majorité des deux tiers des députés composant l’Assemblée nationale est soumis au référendum…»
Même si pour l’initiative de la révision constitutionnelle, la constitution elle-même donne à Faure Gnassingbé cette prérogative comme on le voit, en dehors du fait que le mandat des députés actuels soit expiré depuis le 31 décembre 2023, et que nous soyions en pleine campagne pour les élections législatives, rien, absolument rien n’oblige le président de fait de notre pays à faire engager une telle procédure par une assemblée nationale, de surcroît fantoche. Ce n’est donc rien qu’une provocation du peuple togolais par un chef d’état irresponsable, qui n’est au pouvoir que pour la jouissance pure et simple de celui-ci, sans aucune bonne intention pour une quelconque recherche de l’unité de la nation, ou du bonheur du peuple. Un supposé président de la République qui reste réfractaire à l’évolution démocratique dans les pays qui nous entourent. Pour Faure Gnassingbé, les Togolais ne méritent pas la démocratie, ils ne méritent pas le bonheur. Tout ce qui compte pour lui, c’est son destin personnel; rester éternellement au pouvoir et y mourrir comme son géniteur, même s’il faut pour cela que son armée tribale, sur laquelle il compte, massacre des Togolais qui se mettront sur son chemin. C’est comme ça que nous pouvons expliquer ce comportement antipatriotique, insultant et humiliant pour le peuple togolais de la part de celui qui prétend être son dirigeant. Les Togolais laisseront-ils faire? C’est la grande question qui devrait être aujourd’hui sur toutes les lèvres de citoyens togolais intelligents et aimant leur pays.
Et quand une telle situation grave se présente, où la nation est en danger, tout le monde pense à l’opposition togolaise qui, depuis quelques années, depuis le soulèvement populaire initié par le Parti National Panafricain en 2017 et 2018, avec la suite que tout le monde connait, une suite faite d’assassinats, d’emprisonnements et de départs en exil, surtout de Salifou Tikpi Atchadam; depuis les élections présidentielles de février 2020, suivies de la persécution de Monseigneur Kpodzro et de Messan Agbéyomé Kodjo, tous deux aujourd’hui disparus, l’opposition togolaise est divisée par des querelles inutiles, qui ne profitent qu’au régime de dictature. Pire, des tenors d’hier semblent être devenus l’ombre d’eux-mêmes, chacun prêchant pour sa chapelle. Même la révoltante crise de l’électricité, faite de coupures régulières à Lomé, dans ses environs et à l’intérieur du pays, n’a pas pu faire bouger nos opposants, qui ne jurent que par des élections législatives et régionales, dont nous doutons de l’impact sur le pouvoir de nuisance du régime Gnassingbé. En dehors de Nathaniel Olympio, le leader du Parti des Togolais, qui de temps en temps, dénonce les effets néfastes de la dictature sur le quotidien des Togolais, en donnant son point de vue dans la presse et en proposant des solutions pour en finir, en dehors des associations de la société civile, de quelques intellectuels et de quelques citoyens de la diaspora qui dénoncent en proposant des pistes de solution, la lutte pour la libération du Togo semble être réléguée au second plan chez beaucoup de formations politiques dites de l’opposition. Aujourd’hui encore, avec l’information sur le nouveau charcutage de la constitution togolaise par Faure Gnassingbé et son entourage pour y introduire le septennat, c’est encore les associations de la societé civile qui ont donné le ton en publiant une déclaration pour dénoncer et appeler tout le monde à la résistance: «…les Organisations de la Société Civile invitent les populations togolaises, les partis politiques, les universitaires, les syndicats, et toutes les composantes de la nation togolaise à dire NON à la présidence à vie que nourrit Monsieur Faure Gnassingbé.» Et c’est apparemment à la suite de cette sortie des OSC que le parti politique ANC (Alliance Nationale pour le Changement) a tenu une conférence de presse vendredi 15 mars 2024 pour se prononcer sur le sujet. Monsieur Jean-Pierre Fabre, le président de la formation orange, n’y était pas allé de main morte pour fustiger le comportement irresponsable de Faure Gnassingbé et de son régime qui, selon ses termes, prendraient les Togolais pour des imbéciles et des sous-hommes.«…on acceptera jamais ce qu’ils sont entrain de faire là…Ce régime est un régime militaire à façade civile. Un régime militaire clanique, tribal à façade civile. Un régime adossé à l’armée…Non, non, ils n’auront jamais l’accord des Togolais…Nous avons en face de nous des gens qui manquent de dignité. Monsieur Faure Gnassingbé ne respecte pas les Togolais.»
Après avoir écouté de telles phrases, empreintes d’une telle colère de la part du premier responsable de l’ANC, on ne peut espérer que des actions concrètes suivent, pour que les Togolais, dont il a juré que Faure Gnassingbé et son régime n’auront jamais l’accord pour leur forfaiture, puissent être organisés pour dire non au régime Gnassingbé et le remettre à sa place. Nous espérons que la colère de Monsieur Fabre est sincère, et qu’il a décidé, vu la gravité de la situation, d’oublier le passé, pour reprendre langue avec d’autres partis sérieux de l’opposition, pour réorganiser la lutte. Les jours à venir situeront les sceptiques sur ce point. Et il est clair qu’aucune formation politique, aussi structurée soit-elle, ne peut prétendre jouer au cavalier seul. Le régime de dictature Gnassingbé ne craint qu’une chose: le fait que les principaux partis de l’opposition arrivent à parler d’une voix. Alors, en termes de crédibilité, l’ANC, comme tous les autres partis de l’opposition, ne se trouvent-ils pas désormais à la croisée des chemins?
Samari Tchadjobo
Allemagne
Source : 27Avril.com