Kossi Aboka a annoncé mardi dernier qu’il mettrait ses indemnités de député du mois d’avril à la disposition du Plan national de développement (PND). Mais à l’analyse, il s’agit d’une fausse générosité lorsqu’on sait que le monsieur est un des cumulards de la République.
Aboka Kossi à la rescousse du Plan national de développement (PND). L’histoire nous a été servie le mardi 09 avril 2019. En marge de la cérémonie de lancement d’un concours qui récompense les acteurs de développement, l’homme a révélé son intention de mettre ses indemnités de député à la disposition du PND. Pas toutes ses indemnités, seulement celles du mois d’avril 2019. « Je fais cela pour donner l’exemple, pour appuyer ce plan de développement au grand bonheur des populations », a ânonné Kossi Aboka qui a souligné qu’il s’agissait de sa modeste contribution à la mise en œuvre de ce projet.
Un geste d’un homme au grand cœur et un acte patriotique. C’est normalement ce que devrait représenter cette donation du sieur Aboka. Malheureusement, les critiques à l’encontre du PND sont nombreuses et il est difficile d’affirmer que la population togolaise adhère à ce plan qui se transforme de jour en jour en un projet de campagne électorale pour 2020.
Cet aspect n’est pas ce qui importe le plus, car le geste de Kossi Aboka, député et maire non élu, mérite des commentaires. D’abord, une certaine confusion demeure autour des prérogatives de cet homme qui a fait de la démolition des immeubles construits dans les réserves administratives une activité de prédilection.
Dans une précédente parution, nous avons évoqué la logique de cumul de fonction dans lequel s’est vautré M. Aboka. Ce dernier est tantôt député et président de la Délégation spéciale de préfecture du Golfe. Pour faire simple, nous dirons que Kossi Aboka est député et maire. Deux postes électifs pour une seule personne.
Heureusement, nous avons été confortés dans cette dénonciation par la démission de 17 députés fraîchement « nommés » à l’issue des élections législatives boycottées du 20 décembre 2018. L’annonce a été faite lors de la séance plénière du 22 mars 2019 par la présidente de l’Assemblée nationale. Le motif est tout simple : incompatibilité de leurs fonctions avec celle du député. Parmi ces démissionnaires, des ministres, des directeurs généraux de sociétés ou d’agences ainsi que des personnes occupant des postes de responsabilité dans des services publics. Omar Agbangba (DG ANVT), Affoh Atcha-Dedji (DG Togocom), Stanislas Baba (Ministre, Haut conseiller pour la mer), Taïrou Bagbiegue (Ministre de l’Enseignement technique), Mazalo Katanga (DG ANADEB), Sélom Klassou (Premier Ministre), Nana Nanfame (DG NSCT), Victor Sossou (Consul de Slovaquie, DG MNS Group), Edem Tengue (DG Maersk-Togo), Bolidja Tiem (Chargé de planification à la CEET), Sani Yaya (Ministre de l’économie et des finances), se sont défaits de leur mandat de députés, entre autres.
Contre toute attente, et alors qu’aucune mesure exceptionnelle n’a été prise, Kossi Aboka s’est maintenu dans ses deux fonctions. Pourtant, le Code électoral dispose au chapitre III relatif aux incompatibilités et dans son article 211 : « Le mandat de député est incompatible avec l’exercice de toute fonction publique et de tout emploi salarié. (…) L’exercice de fonctions confiées par un Etat étranger ou une organisation internationale et rémunérées sur leurs fonds est incompatible avec le mandat de député ». La même disposition fait obligation à toute personne qui se retrouve dans cette situation d’être remplacée dans les huit jours suivant la décision de validation de son élection.
Il en découle ensuite qu’en encaissant les indemnités de député, Kossi Aboka le fait en toute illégitime. Car en réalité, il n’y en a pas droit. Sa décision de mettre ses indemnités de député du mois d’avril à la disposition du PND n’a rien d’extraordinaire. C’est pareil à un fonctionnaire qui, s’étant inscrit illégalement deux fois sur la liste des agents de l’Etat, décide de ne pas percevoir les salaires versés sur son deuxième compte ou de supprimer ce dernier. Il ne fait que rendre à l’Etat ce qu’il lui a dérobé.
Au finish, il semble évident que le député et maire Kossi Aboka a compris qu’il gagne indûment ces indemnités et donc qu’il est dans l’obligation, du moins morale, de les restituer. Après tout, c’est facile de donner un million ou deux quand on est sûr qu’à la fin du moins, on peut en gagner 10 ou 20 autres. Cela n’est pas donné à la majorité des Togolais qui mangent difficilement un repas équilibré avant la tombée de la nuit. Ce don de M. Aboka pour soutenir le PND est en fait une fausse générosité.
G.A.
Source : Liberté No.2900 du 12 avril 2019
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