Togo-Comportement répressif et le silence suspect du pouvoir : Réponses aux crimes crapuleux à Sotouboua

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«Le coupable est celui à qui le crime profite»

(Sénèque, artiste, dramaturge, homme d´état et philosophe)

Nous Togolais savons malheureusement depuis longtemps que les choses chez nous ne se passent pas comme il est de coutume dans les pays normaux. Malgré la dégradation de la situation politique dans un pays, comme c´est le cas au Togo, depuis des décennies, le souci des gouvernants devrait être le bien-être et la sécurité des populations. Mais ici, le régime Gnassingbé se comporte comme en territoire conquis, et plus grave encore, comme un gouvernement d´occupation pour qui les préoccupations des citoyens seraient le dernier des soucis. Les tristes évènements ou plutôt les derniers assassinats de Sotouboua, et la curieuse réaction des autorités locales, viennent nous rappeler que les Togolais ne sont pas au bout de leurs peines partout où ils se trouvent dans leur pays.

«Sotouboua, ville cosmopolite au cœur du pays, est une ville martyre pour ceux qui ne le savent pas. À Sotouboua, Kaniaboua et à Adjengré, l’impunité est totale. Pour un oui ou pour un non, on peut mourir. On y meurt pour la chefferie, pour le foncier, pour les rituels et surtout pour ses convictions politiques.» Voilà comment nos confrères de l´hebdomadaire togolais „La Dépêche“décrivaient la ville de Sotouboua dans leur parution du 21 février 2024, pour nous rappeler que le calvaire de cette cité multi-éthnique n´a pas commencé aujourd´hui. La résurgence des crimes rituels à Sotouboua fut l´occasion pour les Organisations de la Société Civile (OSC), de publier la semaine dernière une lettre ouverte à Faure Gnassingbé et à ses collaborateurs de l’Administration territoriale, de la Sécurité, de la Justice et des Droits de l’Homme, pour leur rafraîchir la mémoire en leur rappelant la macabre liste des assassinats à caractère rituel qui ont cours dans notre pays depuis au moins 2012. Par cette lettre ouverte, les OSC insistent sur le caractère sacré de la vie humaine, rappellent au gouvernement de Faure Gnassingbé son devoir, qui est celui de veiller à la sécurité des populations où qu´elles se trouvent partout sur le territoire. Et comme le président de la république et les ministres concernés avaient failli à leur devoir de veiller à la sécurité des citoyens, d´enquêter et de poursuivre les criminels, suite aux tristes évènements similaires dans le passé, les Organisations de la Société Civile accusent les autorités de notre pays, dans leur lettre ouverte, de refus d´assistance à personne en danger, de négligence et d´entrave à la justice. « …En août 2020, trois (03) mineurs avaient été assassinés dans les mêmes circonstances dans la ville de Blitta située à une dizaine de kilomètres au sud de Sotouboua. De la même manière, des pistes ont été brouillées avec la complicité de la télévision nationale (TVT) qui avait présenté un fou connu dans le milieu comme étant l’auteur de ces crimes rituels. Les autorités locales avaient été mises à contribution pour éviter l’autopsie des corps de ces mineurs, et cette affaire a été également étouffée par le bon vouloir de l’État et le silence complice et coupable de la justice.» Voilà un extrait de la déclaration des OSC qui en dit long sur les crimes rituels à répétition dans notre pays et surtout sur le silence suspect du gouvernement.

Pour rappel, ce phénomène de crimes rituels commença à sévir au sein des populations togolaises il y a plusieurs années. En 2012 une série d´assassinats à caractère rituel avait eu lieu dans plusieurs coins de la capitale togolaise. Jusqu´à aujourd´hui, les commanditaires de ces crimes, qui avaient coûté la vie à une douzaine de jeunes filles, n´ont jamais été démasqués. En 2020, comme déjà mentionné plus haut, trois enfants mineurs furent retrouvés assassinés et mutilés de la même manière à Blitta. En février 2024 une vieille femme de 80 ans, vivant dans la localité de Homa (GBEKPE) située à 63 kilomètres à l’Est de la ville d’Atakpamé a été tuée, sa tête coupée et emportée. Toujours dans le même mois de février 2024, un jeune conducteur de taxi-moto (Zémidjan), âgé d’une trentaine d’années, a été assassiné dans la localité d’Assrama à 50 kilomètres à l’Est de la ville de Notsè; le corps sans vie a été retrouvé amputé des organes. À ce macabre récapitulatif dressé par les OSC dans la lettre ouverte adressée à Faure Gnassingbé et à son gouvernement, viennent s´ajouter les actuels crimes perpétrés dans la ville de Sotoubou depuis au moins deux mois. Selon les informations que nous avons pu recueillir ici et là, dans la presse en ligne et auprès d´amis dans la region, la plupart des victimes seraient de sexe feminin et auraient été assassinées au champ ou à la rivière; et on compterait à ce jour sept (7) victimes, et le dernier assassinat aurait été perpétré  dans le village de Tabendè situé à environ 14 kilomètres à l´est de la ville de Sotouboua.

Dans tout pays normal, l´autorité politique dans une région, comme le préfet, est automatiquement le représentant du pouvoir central. Et il est tout à fait normal que les populations locales, comme aujourd´hui c´est le cas à Sotouboua, en cas de pépin, s´adressent à cette autorité-là pour exprimer leur indignation et attendre d´elle un soulagement quelconque, de quelque nature que ce soit. Dans le cas d´espèce, à Sotouboua, les assassinats avaient commencé depuis quelques semaines et aucune réaction d´indignation, de manifestation de solidarité, de promesse de faire la lumière, ou de prise de mesures de la part des autorités préfectorales, signifiant ainsi aux popluations endeuillées, qu´elles ne sont pas seules dans leur deuil et pendant ces moments difficiles. Et c´est naturellement que les populations de la ville endeuillée, se sentant seules et révoltées, se soient dirigées vers la préfecture pour rencontrer le locataire des lieux et lui exprimer leur colère. Car, même si c´est connu que le régime togolais a des allures dictatoriales et que la répression sanglante des populations civiles et l´impunité ne sont plus un secret pour personne, il y a des moments où personne n´a plus peur. Et c´était un de ces moments qui était arrivé à Sotouboua. Martyrisée en permanence, endeuillée et laissée seule, la jeunesse de cette localité n´avait plus de choix. Et notre préfet avait manqué de faire preuve de tact et de diplomatie pour calmer ces jeunes Togolais de Sotouboua. Au lieu de parlementer avec les manifestants pour trouver une solution à l´amiable, le représentant du pouvoir central n´avait trouvé mieux que de leur envoyer la soldatesque.

Ce comportement de blocage de nos autorités, depuis les crimes rituels de 2012 à Lomé et à certains endroits du pays, et aujourd´hui à Sotouboua, ce refus de coopérer et surtout cette volonté de tordre le cou aux enquêtes et finalement à la justice, pour que la lumière ne soit jamais faite sur les différents crimes crapuleux, ne donnent-ils pas raison aux Togolais et aux organisations de la société civile qui disent ne pas „comprendre l´indifférence, l´insouciance et l´insensibilité de l´état togolais vis-à-vis de la souffrance des victimes et des parents de celles-ci“? Le Préfet de Sotouboua et toutes les autres autorités politiques, qui pratiquent la politique de l´autruche, connaîssent-ils les criminels et cherchent-ils à les protéger, comme d´ailleurs les tueurs de 2012 qui sont restés impunis jusqu´à aujourd´hui? À qui profitent les crimes? Les OSC nous rappellent et précisent qu´il s´agit de crimes rituels, parce que les assassinats sont suivis d´amputation d´organes, se sont déroulés et se déroulent en des périodes de grandes turbulences politiques. Par exemple, en périodes d´élections. Nous sommes en Afrique, et la balle est désormais dans le camp des acteurs politiques, surtout dans le camp de ceux qui sont au pouvoir, car ce sont eux qui disposent de la force publique, des moyens et outils d´état adéquats pour mener les enquêtes et faire appréhender les auteurs et complices de ces tueries, et faire en sorte que cette barbarie d´un autre âge prenne fin.

Samari Tchadjobo

Allemagne

Source : icilome.com