Togo-Claude Ameganvi rappelle les circonstances exactes de l’assassinat de Tavio Amorin

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26 juillet 1992-26 juillet 2022 : 30 ans que Tavio AMORIN est mort. Il y a 30 ans Tavio AMORIN rendait son dernier souffle ! Non, à la terreur d’Etat au Togo ! Non à l’impunité ! 60 ans, Ça suffit !

26 juillet 1992 : Il y a 30 ans, rendait son dernier souffle à l’Hôpital St Antoine de Paris, Tavio Ayawo Tobias AMORIN, Premier secrétaire du Parti socialiste panafricain (PSP), membre fondateur du Mouvement patriotique du 5 octobre (MO5), Secrétaire général du COD II, membre du Haut conseil de la République (HCR) issu de la Conférence nationale souveraine (juillet-août 1991), président de la Commission des Affaires politiques et des droits de l’Homme du HCR, président de la Commission spéciale chargée d’étudier et de présenter le nouveau projet de Constitution.

Victime d’un lâche attentat au quartier de Tokoin-Gbonvié à Lomé trois jours auparavant, le 23 juillet 1992, il avait été mitraillé à bout portant, sur ordre de Gnassingbé EYADEMA, alors au pouvoir au Togo, par un commando dont faisaient partie les policiers KAREWE Kossi et Yodolou BOUKPESSI. Leur forfait une fois commis, ceux-ci ont abandonné sur les lieux de l’attentat leurs cartes professionnelles d’agents de la Police et « un pistolet mitrailleur de calibre 9mm, un revolver Smith and Wesson 357 magnum, trois chargeurs de P.M., un chargeur de pistolet mitrailleur, des munitions, deux grenades, deux bouchons allumeurs et une paire de menottes », selon le communiqué du gouvernement KOFFIGOH d’alors daté du 24 juillet.

Grièvement blessé, Tavio est d’abord admis dans l’unité de soins intensifs du CHU-Tokoin d’où, évacué le samedi 25 juillet 1992 sur l’Hôpital St Antoine de Paris, il rend l’âme dès le lendemain matin de son admission, dimanche 26 juillet.

Tavio AMORIN et Sylvanus OLYMPIO : deux martyrs au même destin…

Quel tort avait donc commis Tavio AMORIN pour se voir infliger un si cruel sort ?

Celui d’avoir simplement rappelé les principes démocratiques qui ont guidé l’élaboration du nouveau projet de Constitution qu’il avait été chargé de présenter au nom du HCR lors de l’émission qu’il avait co-animée sur Radio-Lomé, le 22 juillet 1992, veille de cet attentat. Des principes découlant des lois encore en vigueur au Togo et en vertu desquels les cadres exerçant des fonctions d’autorité dans l’administration publique, tout comme les militaires qui sont soumis à la loi portant Statut des Forces armées togolaises, sans oublier les décisions de la Conférence nationale souveraine de juillet-août 1991 dont EYADEMA avait déclaré accepter les décisions, ne leur permettaient pas de briguer le suffrage des électeurs aux échéances électorales à venir. C’est pourquoi, au cours de cette émission, Tavio a marqué sa ferme opposition à toute idée que le projet de Constitution en cours de présentation puisse être modifié pour permettre à EYADEMA d’être candidat à l’élection présidentielle à venir.

29 ans et demi auparavant, le 13 janvier 1963, Sylvanus OLYMPIO, le leader nationaliste et premier président démocratiquement élu du Togo, avait été aussi lâchement assassiné, mitraillé à bout portant par Etienne EYADEMA, soldat fraichement démobilisé des troupes coloniales françaises, lors du premier coup d’Etat sanglant de l’Afrique indépendante.

Quel tort avait donc commis Sylvanus OLYMPIO pour se voir infliger un si cruel sort ?

Celui d’avoir simplement voulu, comme cela se faisait dans toutes les anciennes colonies anglaises, frapper une monnaie nationale comme attribut de souveraineté donnant économiquement son véritable contenu à la souveraineté politique conquise le 27 avril 1958 et proclamée deux ans plus tard, le 27 avril 1960. Cela, afin de soustraire le Togo de la tutelle économique de l’Etat français qui continuait à piller ses anciennes colonies d’Afrique à travers cette monnaie coloniale qu’est le franc CFA.

Et, c’est l’impunité garanti à Gnassingbé EYADEMA pour ce crime odieux qui lui a donné l’occasion d’organiser, le 14 avril 1967, un second coup d’Etat par lequel il s’est porté au pouvoir pour y régner, 38 ans durant jusqu’à sa disparition, le 5 février 2005 où son fils, Faure Essozimna, a organisé un nouveau coup d’Etat pour lui succéder, tous deux portant la responsabilité des atroces crimes d’Etat qui ont été commis depuis lors jusqu’à ce jour au Togo.

C’est ainsi qu’on a eu à enregistrer, outre les crimes individuels, les crimes de masse suivants : 300 à 400 morts lors du coup d’Etat de septembre (1986), 109 prisonniers assassinés au Camp d’Agombio (1987-90), plus de 10 citoyens innocents assassinés lors de la répression sanglante du soulèvement populaire du 5 octobre 1990, 28 citoyens innocents massacrés et noyés dans la Lagune de Bè les 10-11 avril 1991, plus de 450 civils et militaires tués lors putsch contre les institutions de la transition du 28 novembre 1991 au 3 décembre 1991, plus de 80 citoyens innocents tués à Sotouboua le 30 mai 1992.

Après Tavio, bien d’autres citoyens ont continué à être aussi massivement assassinés jusqu’aujourd’hui notamment : plus de 100 citoyens innocents tués à Fréau Jardin et au quartier Bè à Lomé fin janvier 1993 ; plus de 100 militaires considérés comme « démocrates » massacrés lors de l’épuration ethnique de l’armée togolaise, à Lomé, dans la nuit du 24 au 25 mars 1993 ; près d’une centaine de tués dans tout le Togo à l’occasion de l’élection présidentielle du 25 août 1993 dont 22 jeunes assassinés à la Gendarmerie d’Agbandi en août 1993 ; plus de 200 innocents sommairement exécutés suite à l’annonce d’une « attaque » d’assaillants sur Lomé du 5 au 8 janvier 1994 ; plusieurs centaines de civils et militaires sommairement exécutés dont les corps ont été rejetés sur les côtes togolaises, avant, pendant et après l’élection présidentielle du 21 juin 1998, selon Amnesty International ; plus de 300 citoyens innocents tués lors de la marche de soutien à Eyadéma au Palais présidentiel de Lomé II le 20 novembre 2004 ; plus de 400 à 500 citoyens assassinés en 2005, selon la Mission de vérification des faits de l’ONU, plus de 1 000 selon la LTDH, avant, pendant et après l’élection présidentielle qui a installé Faure EYADEMA-GNASSINGBE au pouvoir au décès de son père ; plus d’une vingtaine de citoyens tués lors de la répression sanglante des marches pacifiques appelées dans plusieurs villes du Togo par le Parti nationaliste panafricain (PNP) et la coalition C14 en 1997-1998, etc.

Terrorisme d’Etat et terrorisme djihadiste :

En cette année 2022, on parle beaucoup de terrorisme djihadiste au Togo et en Afrique de l’Ouest, un terrorisme que nous condamnons parce qu’il s’agit de l’assassinat gratuit, crapuleux de pauvres citoyens innocents vivant paisiblement dans leurs hameaux et villages, circulant innocemment sur les routes de leurs contrées, travaillant laborieusement dans leurs champs.

Mais, en cette même année 2022 qui est celle de la commémoration du 30e anniversaire de l’assassinat de Tavio AMORIN, comment pouvons-nous oublier cet autre terrorisme d’Etat qui a pris racine au Togo depuis ce fatidique 13 janvier 1963 où le premier président démocratiquement élu du pays : Sylvanus OLYMPIO, a été assassiné ?

Ce terrorisme d’Etat qui n’a cessé de rebondir régulièrement et périodiquement depuis bientôt 60 ans contre les innocents citoyens togolais, les tuant bestialement et gratuitement à des fins de maintien et de conservation du pouvoir par un même clan familial : celui de la dynastie dictatoriale GNASSINGBE-EYADEMA ! Ce terrorisme d’Etat qui, le 23 juillet 1992, a frappé au quartier Tokoin-Gbonvié à Lomé, le militant, le démocrate, le symbole de la jeunesse togolaise, le révolutionnaire et ami de Thomas SANKARA : Tavio AMORIN, fauché dans la fleur de l’âge alors qu’il n’avait que 34 ans !

Pourquoi ce terrorisme d’Etat a-t-il frappé à l’époque Tavio ? Pour que le pouvoir soit conservé à Gnassingbé EYADEMA.

Car, tout le tort de Tavio aux yeux d’EYADEMA, était d’avoir simplement rappelé au peuple togolais, comme nous l’avons vu plus haut, que les lois du Togo ne lui permettaient pas d’être candidat à l’élection présidentielle devant être organisée à la fin de la période de transition !

Ce simple rappel était, aux yeux d’EYADEMA, le gravissime crime pour lequel Tavio AMORIN méritait la mort en étant aussi sommairement exécuté par des assassins qui, bien que connus comme agents de la Police nationale, n’ont jamais été arrêtés, ni inquiétés mais ont plutôt bénéficié de la protection du dictateur togolais qui les a soustrait à la Justice togolaise !

Depuis 30 ans, l’assassinat de Tavio AMORIN est ainsi resté impuni jusqu’à ce jour : cela, c’est aussi du terrorisme d’Etat !

Mais, pourquoi donc avant et après Tavio, tous les martyrs du Togo sont-ils assassinés depuis 60 ans : pour que soit maintenu au Togo l’ordre politique et social injuste de la négation des droits les plus élémentaires des citoyens notamment :

Au plan politique et économique : les arrestations arbitraires, les exécutions extrajudiciaires notamment en détention, l’interdiction de la jouissance par les citoyens de leurs droits civils et politiques avec la proscription des marches pacifiques, du droit de grève, de la liberté d’association, des élections libres, transparentes et démocratiques, la corruption, l’aliénation de notre souveraineté nationale par les grandes puissances étrangères qui pillent impunément nos ressources et richesses, etc.

Au plan social : la préservation des intérêts d’une minorité pilleuse qui s’accapare les richesses de la nation, la vie chère, le chômage, la misère, la destruction de l’école de la santé.

Dans ce climat social délétère où on voit apparaître le phénomène djihadiste au Togo, on appelle les citoyens à une union nationale face au terrorisme. Mais, comment le terrorisme djihadiste peut-il faire oublier l’autre terrorisme, celui d’’Etat, qui assassine par dizaines, centaines, milliers, d’innocents citoyens depuis bientôt 60 ans ? Cela, nous ne pouvons pas l’accepter !

C’est pourquoi, en ce 30e anniversaire de commémoration de l’assassinat de Tavio Ayawo Tobias AMORIN, le Parti des travailleurs appelle le peuple travailleur togolais à se lever pour libérer le Togo du joug de l’arbitraire en exigeant :

• Justice pour Tavio AMORIN, Justice pour Sylvanus OLYMPIO et tous les martyrs qui ont versé leur sang sur la terre de nos aïeux !

• Non, au terrorisme djihadiste, Non au terrorisme d’Etat et à l’impunité au Togo !

• 60 ans, Ça Suffit : A bas la sanglante dynastie dictatoriale EYADEMA-GNASSINGBE !

Lomé, le 26 juillet 2022

Pour le Parti des travailleurs,

Le Secrétaire chargé de la coordination

Claude AMEGANVI

Source : icilome.com