Il n’est point de prisonniers politiques sans décision d’un magistrat. Dans une insensibilité sans humanité, on nous a annoncé la mort de cinq prisonniers politiques ces derniers mois. Aujourd’hui, nous apprenons la mort d’un autre prisonnier politique, Yakoubou Abdoul-Moutawakilou, peu de temps après sa libération. Sincères condoléances à sa famille.
Comment ne pas faire un lien entre ce décès et les actes de tortures ou traitements inhumains et dégradants que continuent de subir beaucoup de prisonniers d’opinion au Togo ? Ailleurs, le simple fait qu’une personne meurt en détention ou peu de temps après sa libération suffit à rendre suspect sa mort. Cela nécessite une autopsie sous le contrôle d’un magistrat en vue d’élucider les circonstances et les causes réelles se sa mort, surtout à une époque où les méthodes d’assassinat politique sont de moins en moins invasives pour ne laisser aucune trace d’origine criminelle, notamment par l’utilisation des substances capables de causer des maladies naturelles dont la victime mourra après un délai plus ou moins long.
Comment ne pas interpeller les magistrats sur la lourde responsabilité qui est la leur dans cette grande souffrance du peuple qui perdure ?
Ces interpellations ne sont plus uniquement celles de citoyens ordinaires révoltés par des pratiques iniques de la justice quotidienne, ni celles d’acteurs politiques ou de la société civile qui y sont farouchement opposés. Elles émanent désormais de hauts magistrats qui prennent conscience de la dérive dangereuse de la société togolaise et qui ne supportent plus le silence troublant la conscience. Oui, il y a au Togo des magistrats qui osent le risque de la vérité!
En s’adressant directement à ses collègues, le Président de la Cour suprême prend son courage à deux mains et les risques qui vont avec. Surtout dans un environnement où les hauts fonctionnaires subissent généralement la pression de faire allégeance au parti au pouvoir supposé leur avoir procuré un emploi. Le fait est suffisamment rare pour être salué et encouragé.
A la suite de cette déclaration, j’interpelle en retour le haut magistrat en sa qualité de Président du Conseil Supérieur de la Magistrature, l’organe en charge de la discipline des magistrats, à aller au-delà du constat des comportements professionnels peu orthodoxes de certains magistrats et à exercer ses prérogatives disciplinaires pour ramener l’ordre au sein de la justice. Cela encouragerait la grande majorité des magistrats qui fait consciencieusement son travail et qui est souvent considéré par le pouvoir comme un ennemi ou tout le moins un opposant, et ferait grand bien à la société dans son ensemble, bien au-delà des questions judiciaires. Sans cela, cette sortie serait considérée comme un jeu de rôle douteux dont les motivations seraient incompréhensibles.
Cette prise de position forte du Président de la Cour suprême est aussi indirectement une interpellation de l’opposition politique qui se perd trop souvent dans les méandres de ses contradictions, en laissant de côté ses responsabilités dont l’une des premières est de défendre ceux qui sont broyés par le système, notamment les prisonniers d’opinion.
J’exhorte une fois de plus mes collègues de l’opposition, à faire les bonnes lectures de la situation du peuple et à opérer les choix opportuns qui peuvent sortir la population de la souffrance et lui procurer un mieux-être.
Gamesu
Nathaniel Olympio
Président du Parti des Togolais.
Source : icilome.com