Togo, 19 Août 2017 – 19 Août 2018 : Douze mois de Révolte, de Répressions, de Résistance et d’Espoir

0
519

«Les calamités arrivées à leur comble enfantent souvent d’étonnantes révolutions.» (Euripide)

Togo, 19 Août 2017 – 19 Août 2018 : Douze mois de Révolte, de Répressions, de Résistance et d’Espoir

La dictature des Gnassingbé est devenue une épée de Damoclès qui plane dangereusement sur le Togo depuis un demi-siècle. Tous les efforts fournis par l’opposition pour s’en débarrasser sont venus achopper au jusqu’au-boutisme du pouvoir cinquantenaire. Si nous considérons les dix dernières années de la lutte, nous pouvons parler des organisations de l’opposition comme le FRAC, le CST ou le CAP 2015 dont les résultats s’étaient révélés à la fin comme des peaux de chagrin.

On en était là à contempler le paysage politique togolais où le peuple et l’opposition semblent donner des signes de résignation, et où le pouvoir semble silencieusement savourer les prémices d’un règne éternel, quand tout à coup le ciel s’assombrit à l’horizon d’un régime qui se croyait indétrônable. C’était l’avènement du Parti National Panafricain(PNP) et c’était surtout le soulèvement synchronisé dans cinq villes du Togo le 19 Août 2017, un soulèvement préparé de longue date par cette formation politique et dont le pouvoir avait sous-estimé l’ampleur.

Dans quelques jours, sinon dans quelques heures nous fêterons l’an 1 de cette date désormais historique, une date qui servit de déclic à un chamboulement politique dont les conséquences seront telles que rien ne sera plus comme avant sous les cieux togolais.

En 12 mois qu’est-ce qui a pu changer au Togo depuis le 19 Août 2017?

Quel chemin reste-t-il encore à parcourir pour un affranchissement total du peuple togolais?

Les acquis du 19 Août 2017

L’histoire du PNP ressemble à celle de cet élève ou étudiant, parce que mieux inspiré, n´est pas obligé de passer par les classes élémentaires, mais commence tout de suite à jouer dans la cour des grands. Qui peut aujourd’hui parler du Parti National Panafricain (PNP) sans évoquer le nom de son leader Tikpi Atchadam qui eut le mérite d’avoir cru en ses modestes capacités en commençant petitement sans imiter qui que ce fût. Le premier acquis majeur du 19 Août 2017 est à l’avantage de cette formation du cheval qui, bien que l’une des dernières arrivées sur la scène politique togolaise, est en passe de devenir l’un des partis politiques les plus importants de notre pays. Là où d’autres leaders ont dû passer des décennies en tournant en rond et en trimbalant des coquilles vides sans vraiment réussir à s’imposer, Tikpi Atchadam a su créer un parti politique, qui, en l’espace de trois ans, a pu faire d’une pierre deux coups. Le leader du PNP et ses amis ont tout d’abord réussi à faire trembler un régime de dictature cinquantenaire avant de s’imposer comme partenaires incontournables dans le paysage politique togolais.

La formation d´une coalition de l´opposition pour l’unicité d’action comme le proposait Tikpi Atchadam au lendemain de ce Samedi noir pour le régime, est une réalité depuis 12 mois. De mémoire de togolais aucune union de l’opposition n’avait tenu aussi longtemps autour d’un même objectif. Aujourd’hui on ne parle plus de modérés ou de radicaux comme ce fut le cas dans le passé. Apparemment, du moins jusqu’à aujourd’hui, la C14 est uniquement composée de leaders qui ont compris ce que veut le peuple, et qui se battent sans état d´âme pour un changement radical au sommet de l’état. La déconfiture du pays, due à une mauvaise gestion depuis un demi-siècle, est tellement avancée, qu’un engagement de tout chef de parti auprès du peuple doit être sans ambiguïté, c´est-à-dire sans « mais » ou « si ».

Comme on le voit, n’en déplaise aux détracteurs qui argumentent sans arguments valables qu’il s´agit d’une année politique blanche qui n’aurait rien apporté de positif, il y a beaucoup de raisons qui contribuent à alimenter l’espoir que les victimes de la répression barbare du pouvoir de dictature ne se seront pas sacrifiés inutilement.

Ce mouvement révolutionnaire conduit par le peuple depuis un an aura contribué à faire découvrir au monde les réalités du drame togolais, et surtout à faire voir la vraie nature du régime qui nous régente depuis un demi-siècle à tous ceux qui en doutaient encore. Surpris et désemparés par le réveil brusque du peuple supplicié, manquant d’arguments politiques et avides de répression, nos tortionnaires ont dû laisser tomber les masques d’agneau pour faire voir leurs visages de loups qu’ils sont en réalité.

L’empressement et l’intérêt de la Commnunauté Économique de L’Afrique de l´Ouest (CEDEAO) à aider les togolais à trouver une solution durable à leurs problèmes sont à mettre sur le compte de ce rejet populaire avec plus d’intensité depuis Août 2017 d’un régime qui a fait son temps. Malgré les dissensions inévitables dans tout regroupement humain, et malgré les réalités propres à chaque formation politique, nous pouvons saluer la cohésion de la coalition des 14 partis politiques, portée à bout de bras par le peuple et qui reste soudée pour la bataille ultime.

La mobilisation des populations togolaises pour veiller au grain en restant à l’écoute de leurs leaders, ne doit en aucun cas faiblir. Beaucoup a été fait depuis le réveil d’Août 2017, mais beaucoup reste encore à faire pour faire plier ce régime.

Ce qui reste à faire pour la victoire finale

Avant toute mise en oeuvre de la feuille de route proposée par les Chefs d’État de la CEDEAO, la pression devrait être intensifiée sur le pouvoir pour la libération de tous les prisonniers arrêtés lors des manifestations, ou kidnappés à domicile. Nous n’oublions pas les prisonniers de la société civile ou les défenseurs des droits de l’homme, injustement incarcérés que le régime refuse de libérer. Parmi ces prisonniers qui croupissent en prison, et qui servent de monnaie d’échange au régime Gnassingbé, beaucoup sont des militants du Parti National Panafricain (PNP).

Les sièges militaires sur les villes de Mango, Sokodé, Bafilo et sur Kparatao, village natal du leader du PNP, continuent malgré la promesse faite par le pouvoir de satisfaire aux mesures d’apaisement dont fait partie la levée des sièges militaires. À quoi ça servirait de chercher uniquement la rédaction et le vote de beaux textes de loi électorale, si au moment de voter, les électeurs de certaines contrées du Togo sont toujours sous la terreur militaire ou en prison?

L’interdiction tacite pour les partis de l’opposition de mener leurs activités politiques dans la Kozah et surtout à Kara constitue également un handicap qui devrait être posé sur la table des médiateurs ou du Comité de suivi de la CEDEAO. L’envoi au Togo d’une force d’interposition de l’organisation sous-régionale ne figure pas sur la feuille de route, certes, mais la coalition de l’opposition devrait travailler à son amélioration en insistant sur les mesures sécuritaires. Connaissant bien la mauvaise foi et le jusqu’au-boutisme du régime que nous combattons, toutes les mesures de précaution et de prudence doivent être prises pour éviter les pièges que posera inévitablement ce pouvoir jusqu’à son dernier souffle. La profanation des mosquées dans le nord de la capitale, commandée par des mains noires tapies dans l’ombre, est là pour nous rappeler que ceux à qui le chaos profiterait, ont plus d’un tour dans leur gibecière de malheurs.

Un anniversaire pas seulement pour le PNP, mais pour tous les démocrates togolais.

Nous sommes conscients du fait que l’histoire des manifestations du peuple dans sa globalité contre la dictature du pouvoir Gnassingbé n’a pas commencé le 19 Août 2017; mais l’honnêteté intellectuelle ou politique voudrait que l’on ait l’humilité de reconnaître à César ce qui lui appartient. Aucun leader ou observateur sérieux de la scène politique togolaise ne peut nier le fait que tout ce chamboulement politique depuis un an avec son corollaire de négociations et tractations sous-régionales ou même internationales pour résoudre la crise, ait réellement commencé avec le soulèvement populaire suivi de répressions initié par Tikpi Atchadam et ses amis du PNP, le 19 du huitième mois de l’année 2017. Personne ne demande que l’on déroule un tapis rouge à chaque apparition du leader du PNP, mais il y a comme un air de malhonnêteté quand on écoute des responsables de certains partis politiques de la coalition, pas des moindres, pour qui la date du 19 Août 2017 constitue un grand problème.

Avant le 19 Août 2017 c’était la résignation totale au sein du peuple, le manque de stratégie et de nouvelles idées au sein d’une opposition divisée entre radicaux et modérés, pendant que le pouvoir ne voyait qu’un boulevard devant lui pour son règne à vie. Et des voix s’élevaient de plus en plus pour appeler à l’émergence d’une nouvelle force alternative de l’opposition qui ferait la différence; et c’était justement à ce moment qu’apparurent Tikpi Atchadam et son PNP. Quel leader sérieux et politiquement honnête peut nier ces faits? Qui peut nous donner des arguments du contraire?

Qu’on le veuille ou non, comme le 27 avril 1960, le 13 Janvier 1963, le 05 Octobre 1990, le 19 Août 2017 repose désormais au Panthéon des dates saillantes de l’histoire de notre pays.

Que la fête soit belle, pas seulement pour les partisans du PNP, mais pour tous les démocrates togolais. Un anniversaire qui doit nous servir d’occasion de méditation et surtout de souvenirs et de prières pour tous les compatriotes qui ne sont plus parmi nous. Nous avons le devoir de faire en sorte que ceux qui sont privés de liberté, la retrouvent, et que ceux qui sont partis à jamais, fauchés par les balles de la dictature, ne soient pas morts pour rien.

Samari Tchadjobo
Allemagne

27Avril.com