La floraison exponentielle des églises dites charismatiques s’accompagne d’une multiplication d’actes délictueux, souvent connus par les tribunaux. Ainsi, il n’est pas rare que des « hommes de Dieu » se retrouvent devant le juge, accusés de délits voire de crimes, à des années lumières de l’enseignement qu’ils sont censés professer ou du comportement exemplaire attendu de leur statut.
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C’est ce que confirme le Procureur de la République qui cite plusieurs affaires actuellement pendantes devant les instances judiciaires.
Ingénieuses arnaques!
Le caractère vénal et la recherche de profits sont les principales caractéristiques de ces nouvelles églises, à en croire leurs détracteurs. «Pourquoi invite –t- on selon vous, les individus à venir aux séminaires de prières avec insistance sur la délivrance, la richesse, la guérison, bref tout ce qui est incitatif?» s’interroge par exemple Victorine ATI, juriste. A l’en croire, « c’est un appât pour gruger ceux qui s’y rendront et qui à coup sûr paieront des quêtes, des dîmes voire des objets dits bénis».
Selon elle, « les églises font plus de ravages économiques que les structures illégales de placement d’argent». «Elles poussent comme des champions et à chaque occasion amassent d’argent sans pour autant verser des intérêts comme les structures illégales de placement d’argent» expliquet-elle. De fait, certains responsables de ces églises sont prêts à tout pour gagner de l’argent, y compris par des moyens illégaux et des actes délictueux.
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Ainsi, outre le viol, les « pasteurs » sont cités également dans des affaires d’escroquerie par exemple. « Les agissements de certains prétendus pasteurs sont l’expression même de la notion d’escroquerie » commente un magistrat. De fait, à l’aide de manœuvres frauduleuses destinées à abuser de la crédulité de leurs fidèles et de leur état de fragilité, ils se font remettre indûment une somme, des biens ou valeurs au préjudice de ceux-ci.
Les manœuvres incriminées sont d’autant plus efficaces qu’elles sont réalisées sous le couvert de Dieu. C’est ainsi que Mme Emilia Mensah, commerçante, s’est fait ruiner par deux pasteurs véreux qui, prétextant des séances de prière, d’adoration et des dons pour les pauvres, organisées pour la prospérité de son commerce et pour retrouver un compagnon, étant une mère seule élevant ses quatre enfants, lui ont soutiré plusieurs dizaine millions de francs CFA.
« J’étais catholique avant, sans être pour autant assidue à la messe. Un jour, un monsieur m’appela au téléphone. Après s’être présenté comme pasteur, il m’informa avoir eu une vision dans laquelle mon nom et mes contacts sont apparus. Et que dans la vision, il a vu que je devais négocier l’achat des marchandises le lendemain. Il me suggéra d’en prendre le maximum parce qu’il est convaincu que celles-ci auront beaucoup de succès et que je les écoulerai facilement. Il m’a donné des détails de ma vie qui m’ont surpris. Un peu convaincue, je fis un prêt chez une amie et acheta plus de marchandises que prévues. Et effectivement quelques jours après, un Béninois est venu m’acheter quasiment tout le stock. C’est ainsi que naquirent les relations entre moi et ce pasteur qui, plus tard, me présenta un autre, venu de Cotonou. Il faut dire que j’avais l’impression qu’ils faisaient des miracles puisque tout ce qu’ils disaient se réalisait. Petit à petit, ils me demandaient des sommes de plus en plus importantes pour faire des prières et des dons à Dieu. J’ai commencé à m’endetter parce que mes affaires ne marchaient plus. Ils me rassuraient que le Seigneur me faisait traverser ces épreuves pour éprouver ma foi. Même le compagnon qu’ils m’ont présenté « sur instructions divines » vivait à mes crochets.
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Un jour, criblée de dettes, je fus interpellée sur plainte de mes créanciers. Là, les deux pasteurs disparurent, de même que mon compagnon qui n’ont même pas demandé de mes nouvelles. Un jour, je me suis rendue auprès du juge par rapport au solde de ma dette dont j’avais payé une partie. J’y croise les deux pasteurs menottés. Quand je me suis renseigné, j’ai appris qu’une dame a porté plainte contre eux pour escroquerie. Et son histoire était exactement la même que la mienne. J’ai aussi porté plainte. En fait,
c’est une bande organisée de Togolais et de Béninois qui arnaquaient des commerçantes et dans mon cas ; c’est l’une de mes cousines germaines qui les a aidés en leur fournissant tous les renseignements en contrepartie de 1.500.000 FCFA » nous révèle-t-elle.
Encore plus ingénieuse, est l’arnaque mise en place par ce pasteur, très médiatisé qui n’a pas voulu répondre à nos questions mais dont nous taisons le nom. Très proche d’une famille dont il était le « guide spirituel », il annonça aux héritiers à la mort subite de leurs deux parents que leur maison familiale était hantée. Qu’il fallait des séances de prières spécifiques et des dons dont il factura le montant à plusieurs millions. Mais surtout, il prétendit que la maison devrait nécessairement être revendue et que dans sa vision, le « Seigneur » a exigé que cela le soit à une modique somme .
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Au risque sinon que la malédiction continue à planer sur les enfants. Ainsi, la maison d’une valeur d’environ 150 millions fut vendue à 1 million FCFA , selon « la volonté de Jésus-Christ ». « Le Seigneur assure que vous en recevrez grâce et compensation » a assuré le pasteur aux héritiers. Sauf qu’un concours de circonstances fit découvrir à ces derniers que l’acquéreur n’était qu’un prête-nom et que le véritable acheteur de la maison, était… le pasteur.
La vente fut donc dénoncée et après plusieurs mois de bataille juridicomystiques, notre homme de Dieu finira par accepter le remboursement des 1 millions …et des intérêts. Au total, ce fut 1.350.000 FCFA qu’il empochera.
Pas si miraculeux que ça!
L’un des points d’orgue des campagnes populaires de prières ou le clou du spectacle dans plusieurs églises dites charismatiques, est la « production de miracles. » : des paralysés qui marchent à nouveau, des aveugles recouvrant leur vue, des diabétiques dont la maladie disparaissent etc… ; tout cela grâce à la pose de main du pasteur ou à ses prières. « Les pasteurs les plus populaires et les plus suivis sont ceux qui réalisent des miracles, preuve de dons de Dieu » explique Komlan Tossou, un fidèle.
Qui oublie d’ajouter que la promesse de guérison draine surtout une grande foule, et donc une bonne quête. Sauf que les prétendus miracles ne sont souvent que de fumeux montages. C’est ainsi qu’en janvier 2014, la gendarmerie a mis fin aux grandes séances de prières et de guérisons qui devaient s’étaler sur plusieurs jours au Palais des Congrès de la ville de Kara. Initié par le pasteur de l’église dite de la « Maison d’Excellence », cet évènement pompeusement appelé « croisade » devait être l’occasion de guérisons pour toutes sortes de maux. En réalité, il s’agissait de faux miracles.
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Pour ce faire, le pasteur et son équipe, dont 5 Togolais et 2 Nigérians avaient recruté des jeunes de Somdina-Haut, qui ont simulé des maladies afin d’être « miraculeusement guéris » durant les 3 jours de prières. « Chacun des recrus, dont un individu sain qui a été plâtré, a reçu une somme de 20.000 FCFA » avait confié un officier de gendarmerie.
Le montage a été vite éventé par les forces de l’ordre et tous croupissent aujourd’hui derrière les barreaux. « Je voulais attirer un grand nombre de fidèles pour mon Eglise « avait expliqué le pasteur. Cet épisode ne décourage pas pour autant les « faiseurs de miracles « qui continuent leur forfait.
Ainsi, un assistant médical en poste au CHU de Campus, présumé complice de faux témoignages de guérison que nous avons réussi à joindre en nous faisant passer pour pasteur, soucieux de la réussite de notre première séance de prédication dans la ville de Kara nous confia : « J’ai eu déjà à travailler dans la région avec au moins trois pasteurs dont un expatrié. Transférez-moi juste 200.000FCFA et vous aurez les comédiens. » Plusieurs profils et options nous sont proposés, sans rire : « Un aveugle, une femme souffrante soit du fibrome ou de la stérilité et un handicapé moteur. Quant aux scénarii je m’en charge et tout le reste vous sera expliqué à votre arrivée » nous assure-til.
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Il nous suggérera que les lieux les plus indiqués sont Kara-ville et PyaBas qui seraient, selon lui, favorables à une campagne biblique.
Impunité?
Selon des sources policières, le nombre de dossiers délictueux impliquant des pasteurs véreux et connus par la justice, serait largement en de ça de la réalité. « Beaucoup de compatriotes, pour différentes considérations, choisissent de ne pas les poursuivre, même s’ils ont subi des préjudices » indique-t-on au Commissariat Central de la ville de Lomé. C’est que confirme Rouki, une musulmane récemment convertie qui aurait été victime d’une tentative de viol par un pasteur dans le quartier de Kégué Zogbédi et qui n’en a jamais parlé avant notre rencontre. Elle dit craindre les supposés pouvoirs spirituels du pasteur qui lui jetterait un sort, en guise représailles si elle portait plainte.
Pour cette commerçante rencontrée à Agoué et victime d’une escroquerie commise par un pasteur pour un préjudice de près de trois millions de F CFA, « ce serait un blasphème d’amener un homme de Dieu en justice « Elle a donc choisi la voie amiable. Hommes de Dieu ou non, s’ils sont reconnus coupables d’escroquerie ou d’abus de confiance, ces pasteurs encourent une peine de six mois à trois ans d’emprisonnement et d’une amende de 20.000 à 100.000 FCFA.
En cas d’attentat à la pudeur, ils risquent un à cinq ans de prison s’il est commis sur une personne de plus de 14 ans, voire de cinq à dix ans de réclusion s’il est accompagné de violences exercées par plusieurs, ou s’il est résulté des violences une maladie ou incapacité de travail excédant six semaines.
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Si la victime est âgée de moins de 14 ans, la peine est d’un à cinq ans ; et de cinq à dix ans si l’attentat a été commis avec violence ou sous menace. Quant au viol, il est puni de cinq à dix ans de réclusion ; peine portée à vingt dans certaines situations.
Focus Infos No 128
Source : Togoweb.net