Sérail: ces nids de faussaires de Faure Gnassingbé

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Alors que l’affaire des 17 milliards qui éclabousse l’Office
togolais des recettes (OTR) depuis 2 août dernier n’en finit plus de
faire grand bruit, le Haut-commissariat à la Réconciliation et au
Renforcement de l’Unité Nationale (HCRRUN) montre à son tour des signes
de fébrilité qui ne présagent rien de serein
. Des signes qui
pourraient mettre sens dessus dessous un processus jusque-là conduit
dans la grande indifférence. Depuis que ses responsables et agents des
préfectures et tribunaux délivrent, sur la base de fausses informations,
des documents à des victimes moyennant paiement d’un pourcentage
variant entre 5 et 10% du montant de l’indemnité, le HCRRUN, chargé
d’œuvrer à la réconciliation nationale, à la paix civile et à la
stabilité politique, est devenu, par les temps qui courent, le repaire
même de fraudeurs patentés.

Lire aussi:Détournement de 17 milliards à l’OTR: les vrais voleurs courent toujours

Pendant ce temps, le procès des 5 agents de l’OTR condamnés en
assises à 7 ans de prison, pour avoir détourné 17 milliards après le
sabotage du logiciel Sydonia, cache mal les complicités et brigues
menées dans une institution plus corrompue qu’elle ne le laisse voir.
Comme pour légitimer le crime financier dont les vrais coupables restent
à désigner, la Justice a lors du procès refusé d’auditionner les sieurs
Moukpe Yawo Botchoniboyo ancien chef bureau de la douane Port de 2012 à
2014 au moment des faits, et Kodjo ADEDZE, commissaire des douanes et
droits indirects à l’époque. Des non-dits d’autant plus étonnants qu’ils
viennent d’une institution qui se pose en redresseur des torts
financiers.

Pourris de l’intérieur

Si l’Office togolais des recettes et l’institution confiée à Awa Nana
Daboya diffèrent l’un de l’autre de par leurs domaines d’intervention,
il est en revanche des points de similitude qui font paradoxalement
d’eux des clubs pas si différents qu’on le croirait.

Créé par la loi du 10 décembre 2012 votée à l’unanimité des
représentants du peuple, l’Office togolais des recettes a depuis lors
été investi d’une mission : celle de recouvrer les impôts, taxes et
droits de douanes pour le compte de l’Etat et des collectivités
territoriales. Il lui incombe, en sa qualité d’établissement public à
caractère administratif, doté d’une autonomie de gestion administrative
et financière, de produire des statistiques sur les recettes collectées.

Lire aussi:Détournement de fonds à la DTRF: ce qui s’est réellement passé

L’autre noble engagement dont le sacrosaint OTR a fait son cheval de
bataille est le combat contre la fraude, l’évasion fiscale et la
corruption. Voilà ce qui est écrit sur le papier, à tout le moins dans
l’organigramme de la société étatique elle-même. Avec la venue de cette
institution, plus d’un Togolais s’est dit que plus rien ne sera comme
avant.

Sauf qu’entre cet engagement et les responsables de l’OTR, il y a un
rendez-vous manqué. Et le simulacre de procès mis en scène à la justice
le 2 août dernier, procès dont Séwanou Mensah (caissier), Lémou Tcha
(informaticien), Amouzounou David (transitaire), Garba Awali (agent des
douanes) et Edah Kékéli (déclarant en douanes) n’ont été que les boucs
émissaires, atteste l’état pathologique où est plongé l’OTR.

Prêter un détournement de 17 milliards à cinq personnes qui ont
désavoué ce chef d’accusation, et reconnu n’avoir détourné que 8
millions de francs CFA chacun, laisse sur leur faim des milliers de
Togolais qui aimeraient en savoir long sur un aussi sulfureux dossier.
La suspicion de ceux-ci ne peut que prendre de l’ampleur, lorsque l’OTR
avait systématiquement refusé de communiquer des documents au juge
d’instruction. Cela montre clairement l’opacité savamment entretenue
autour de cette affaire. On croyait pourtant messieurs les responsables
de l’OTR plus blancs que neige, eux qui se piquaient jusque-là de partir
en guerre contre le non paiement d’impôts, et qui ferment à tout va les
boutiques de pauvres Togolais. Mais où sont donc passés les 17
milliards?

Lire aussi:Detournements de fonds CAN 2013: les coupables bientôt arrêtés

Les voilà eux-mêmes au pied du mur. Leur silence sent sa culpabilité à
vingt lieues. Et il n’en faut pas davantage pour apporter de l’eau au
moulin de ceux qui estiment qu’il y a anguille sous cette roche vantée
comme un modèle d’innovations et de modernisation des procédures et
outils de travail en matière de collecte des taxes et impôts. A quoi
donc sert ce modèle lorsque, malgré l’attirail dont l’Office est doté,
les criminels financiers continuent de plastronner impunément ? A quoi
bon une institution financière si des hommes tapis dans l’ombre
détournent au mépris du bon sens l’argent étatique ? C’est faire preuve
de malhonnêteté intellectuelle que de se livrer aux actes qu’on reproche
aux autres. Mais cela, Kokou Tchodiè et les siens ont tout l’air de
n’en point se soucier. Ce qui ajoute au ridicule de cette affaire est
que le SYDONIA WORLD, vanté comme gage de modernité et de facilité pour
les opérateurs économiques, est justement « l’outil innovant » qui a
subi le coup d’arrêt. Là encore, on se demande si cet outil a de quoi
rassurer.

L’office togolais des recettes et Haut-commissariat à la
Réconciliation et au Renforcement de l’Unité Nationale ont en commun
d’être nés, ou presque, à la même époque. Cinq (5) mois après la
création de l’OTR, le HCRRUN verra le jour par décret N°2013-040/PR du
24 mai 2013 modifié par le décret N°2014-103/PR du 03 avril 2014.

Il a pour mission de procéder à la mise en œuvre des recommandations
et du programme de réparation élaborés par la CVJR. La signature le 20
août 2006 de l’Accord Politique Global (APG) par les acteurs de la vie
sociopolitique du Togo avaient préconisé en ses points 2.2.2 et 2.4 la
mise en place d’une Commission chargée de faire la lumière sur les actes
de violence commis par le passé et une autre chargée d’apaiser les
victimes.

C’est fort de ces recommandations que le HCRRUN initie des actions de
nature à contribuer à l’instauration d’un climat social et politique
apaisé, nécessaire à la réconciliation nationale. Il promeut également
les valeurs de coexistence pacifique, la culture du dialogue et de
solidarité et la participation des citoyens à la vie collective fondée
sur l’acceptation des différences. Aussi veille-t-il à la réalisation
effective des objectifs visant la lutte contre l’impunité, la promotion
de la réconciliation, la paix et l’unité nationale, par toutes les
instances et tous les acteurs de la vie nationale.

Lire aussi:Détournements de fonds: de Sylvanus aux Gnassingbé, ce qui a changé

Toutes ces actions ne sauraient aboutir si le HCRRUN regorge en son
sein de brebis galeuses prêtes à tout pour dynamiter ce vers quoi
tendent les aspirations de tout un peuple, l’unité nationale effective.
Tout allait bien quant à la reprise depuis le 22 juillet dernier du
processus d’indemnisation des victimes de 2005, lorsque des hommes,
aussi éloignés d’être honnêtes que le ciel l’est de la terre, ont saisi
l’occasion pour saborder le processus. C’est par le biais d’un
communiqué que l’organe a annoncé avoir constaté des fraudes qui mettent
à mal le bon déroulement des opérations. De quel droit ces responsables
et agents des préfectures et tribunaux, censés agir dans la droite
ligne du processus, rament à contre-courant en faisant commerce d’aussi
délicats dossiers ? Pourquoi un paiement d’un pourcentage variant entre 5
et 10% du montant de l’indemnité?

Les agissements constatés aussi bien dans les rangs de l’OTR qu’au
sein du HCRRUN sont la preuve que ceux à qui sont confiés d’aussi nobles
tâches manquent de sens du devoir et n’ont qu’une seule envie, se
remplir la panse. C’est aussi la preuve que les deux institutions,
plutôt que de servir de rempart aux délits et crimes, sont devenues les
creusets mêmes où ces banditismes de haut niveau se donnent libre cours.

Source : Le Correcteur No.890 du 19 août 2019

Source : Togoweb.net