Le gros problème du Togo n’est pas nécessairement la cupidité de ceux qui ont pris en otage ce pays et les larbins qui tournent autour d’eux. Mais c’est cette ignoble forme d’égoïsme, de manque de vision, et de méchanceté qu’on remarque chez ces gens. Méchanceté contre les autres Togolais.
Je viens de lire cette déclaration de Séna Alipui, député nommé au Parlement monocolore du RPT-UNIR sous les couleurs de l’UFC-UNIR, à propos de l’affaire de détournement de 500 milliards par Adjakly Père et Fils révélée par Ferdinand Ayité : « Je ne vois rien de sérieux, rien de tangible, rien de documenté, je vois plutôt un règlement de compte… Au niveau de l’Assemblée ou à mon niveau, je n’ai pas matière à convoquer un ministre pour cette affaire-là. »
500 milliards détournés c’est une béante entaille qu’on fait dans ce morne et tétraplégique corps malade qu’est le Togo. Même 1 million CFA détournés est énorme pour ce Togo où tout manque au citoyen lambda. 1 million, c’est au moins dix lits installés dans le plus grand hôpital de Lomé où les patients préfèrent dormir à même le sol que de s’allonger sur ce qu’on leur présente comme lit. C’est quelques feuilles de tôle posées sur quelque lycée perdu dans les misères du Nord du Togo. 1 million de CFA, c’est un commerce offert à une dizaine de femmes pour nourrir leurs familles.
Et ici on parle de 500 milliards : c’est-à-dire une multiplication à l’infini de 1 million de CFA. Le millième de cet argent eût pu servir à construire ou une école, ou un hôpital, ou un centre de recherche, ou une bibliothèque où n’importe quel Togolais, dont des gens de la famille de Sena Alipui, pourrait s’instruire ou se soigner.
Sena Alipui aurait pu penser que même si lui aujourd’hui mange à sa faim par sa mendicité dans les cuisines de la dictature, des membres de sa famille aujourd’hui, ses enfants demain, des enfants de ses enfants un jour, peuvent avoir besoin d’une école ou d’un hôpital.
Mais non. Dans ce pays, quand on peut se payer un coiffeur capable de nous tracer trois raies dans la coiffure tel un DJ de village et s’acheter régulièrement ses boîtes de Caro White pour se blanchir la peau, eh bien, tout tourne bien dans le meilleur des mondes d’aujourd’hui et de demain. On ne se contente pas de se goinfrer. On se goinfre en s’assurant que tous les autres se noient aujourd’hui, demain, et pour toujours.
David Kpelly
Source : 27Avril.com