Une fois encore, on dialogue au Togo. Des négociations politiques supposées sortir le pays de l’ornière. Des délégués des partis politiques font la navette entre Lomé et Accra, pour trouver une issue à ce qu’il est convenu d’appeler « crise politique au Togo ». Il est question de créer les conditions pour l’alternance démocratique au Togo. La thérapeutique à administrer consiste à opérer des réformes, sur le plan des normes et celui des institutions de la République. En gros, les mandataires des partis politiques tentent de s’accorder sur la manière de faire des élections le mécanisme idoine pour que fonctionne l’appareil d’Etat, suivant les principes et les règles de la démocratie.
Nous souscrivons à la démarche du dialogue politique, tout comme nous reconnaissons la bonne volonté du médiateur ghanéen, qui fait tout pour aider ses cousins du Togo. Le Ghana est une référence en Afrique en matière de gouvernance démocratique… Mais pour avoir passé des années à étudier le mal togolais, je tiens une fois encore à interpeller notre conscience collective. Sommes-nous vraiment en train de nous attaquer au réel problème qui mine le jeu politique sur la Terre de nos Aïeux et qui a fait que les réformes n’aient jamais été opérées… depuis la constitution de 1992?
Le nœud gordien du problème politique au Togo concerne l’instrumentalisation de l’ethnie kabyè… Oui, il est temps d’appeler chat un chat ! Il existe au sein de l’Etat du Togo un puissant lobby kabyè (ethnie du feu général Eyadema) et qui détient la réalité du pouvoir. Installé par le général et perpétué au fil des décennies de la gestion publique sans partage, ce lobby a des tentacules au sein de toutes les institutions. Il possède son renseignement, ses filons économiques et financiers, ses circuits diplomatiques et d’autres tentacules qui le rendent incontournable dans toutes les affaires d’Etat. Le lobby kabyè a montré ses réelles capacités après la mort du général. Il a déjoué et changé plusieurs décisions de Faure Gnassingbé : y compris des nominations ministérielles et au sein des forces de défense et de sécurité. Il en impose au sein de la direction du parti UNIR… Ce groupe est convaincu que tout changement politique au Togo remettrait en cause les privilèges acquis par les citoyens issus de l’ethnie kabyè. Depuis la crise socio-politique du début des années 90, il s’est organisé et s’est donné les moyens pour asseoir son hégémonie et empêcher tout changement.
Ces choses sont connues de beaucoup de Togolais. Les hommes et femmes qui animent le lobby de domination kabyè sont connus. Aujourd’hui, ils sont à l’œuvre pour empêcher que les discussions politiques en cours n’aboutissent pas, afin de préserver leur férule sur l’appareil d’Etat.
Pendant qu’on guérit les symptômes de la maladie par le dialogue politique, il faut bien trouver le moyen d’engager des discussions (parallèles) avec les meneurs de cet Etat dans l’Etat. Pendant longtemps, j’ai personnellement pensé que des leaders religieux pourraient jouer ce rôle efficacement. Mais puisque les initiatives courageuses et patriotiques trainent à émerger, je suis obligé de reposer le problème et interpeller toute l’opinion nationale. Faisons appel à notre intelligence de Togolais et pour rompre avec les fausses solutions qui continuent à faire de nous, les derniers de la classe de la démocratie en Afrique.
Pour l’amour de la patrie, il faut sauter le verrou de la gestion ethnique au Togo, pour donner une chance, à l’édification de l’Etat de droit démocratique. Cet effort serait vital pour notre avenir commun ; et il est urgent ! C’est la seule voie qui s’impose, pendant que certains dirigeants de parti nous entrainent dans un théâtre ubuesque pour nous faire accroire, qu’il suffit d’aller partager le pouvoir au gouvernement (avec ou sans le gérant du pouvoir usurpé au peuple réel). Qu’il vous souvienne qu’il n’y a rien de nouveau sous ce soleil : les obstacles évidents de « l’Etat patrimonialisé » ne leur permettront guère de réussir là où depuis 1994, des partis politiques comme l’UTD, le CAR, l’UFC et la CDPA ont piteusement échoué !
Dany Ayida ( Freetown, le 28 Mars 2018, pour échapper à la damnation du ressortissant du petit pays où les gens ne savent pas faire la politique).
Source : www.icilome.com