Dans le système togolais de la Santé, plus rien ne va. Dans les formations sanitaires, c’est une véritable descente aux enfers. Face à son échec dans sa politique à garantir un soin de qualité et une santé pour tous, l’Etat semble trouver une alternative en optant pour la contractualisation du secteur de la santé dans le cadre d’un partenariat public-privé (PPP) annoncé par le gouvernement il y a plusieurs mois.
L’approche contractuelle, cette formule miraculeuse sortie du « précieux » laboratoire du Pr. Moustapha Mijiyawa, ministre en charge de la Santé peine à prendre. Puisque selon les experts, cette initiative qui a connu des échecs, notamment au Canada, est un pari risqué. Le cadre institutionnel et juridique qui constitue l’axe central de cette réforme de gestion contractuelle basée sur le PPP fait défaut. Selon une source médicale, cette approche n’est pas la solution.
Il a indiqué qu’au CHU-SO par exemple, tout est à refaire. A l’en croire, l’Etat qui consacre peu de ressources financières au secteur de la Santé, avec la privatisation de certaines structures sanitaires pourrait s’en désengager. Le budget qu’il alloue à la Santé ne dépasse toujours pas les 5% au lieu des 15% recommandés. Et pourtant, dans son optimisme béant, le ministre Mijiyawa veut y croire.
« Cette approche a pour but de permettre au centre de Santé de dégager plus de bénéfice et d’investir dans un fonctionnement optimum, l’objectif étant la satisfaction de la population », a-t-il indiqué en décembre 2016 quelques mois après le dévoilement de cette initiative. Mais des inquiétudes se font jour et des critiques fusent de partout.C’est le cas au cours d’un échange avec les experts qui a eu lieu cette semaine.
Du 07 au 08 février dernier, un séminaire sous régional initié par l’International des Services Publics (ISP) et la Fédération Nationale des Syndicats des Services Publics du Togo a regroupé à Lomé des journalistes et des acteurs syndicaux et de la société civile du Togo, du Burkina Faso, du Mali, du Sénégal, du Benin, du Tchad, du Cameroun, de la RD Congo, du Nigeria, du Niger, de la Guinée Conakry. Et c’était autour du Thème « Partenariat Public privé et le Droit à la santé ». L’objectif de la rencontre « était d’offrir un cadre de discussion sur les principales questions liées au concept de Partenariat public privé dans l’offre des soins de santé publique ». Essentiellement, il était question de renforcer les capacités des participants sur le contenu, les avantages et les inconvénients du PPP, identifier de manière concrète leur rôle et responsabilité et comprendre davantage ce processus en cours d’élaboration dans le secteur de la santé au Togo.
A la fin des deux jours des travaux, les participants ont livré une déclaration. « Ils considèrent la santé publique comme un secteur essentiel majeur qui devrait bénéficier d’une place de choix dans les politiques publiques nationales ainsi que dans toute programmation du développement durable. Ils notent avec tristesse que le secteur de la santé est relégué en arrière-plan des priorités nationales au vu de la régression continue de sa part dans le budget national togolais, avec son lot de conséquences telles la vétusté des infrastructures hospitalières, le sous-équipement, la mauvaise affection des ressources humaines et financières, le caractère véreux de certains agents de santé, etc. », ont-ils déclaré.
« Prenant en compte le secteur spécifique de la santé et des droits qui s’y rattachent, d’une part, ainsi que la nature plurifactorielle des causes d’un système de santé défaillant, d’autre part », les participants à la rencontre de Lomé ont exprimé de vives inquiétudes. « La forme de contractualisation dont il est question, notamment le PPP saurait-elle garantir l’offre et l’accès aux soins de qualité auxquels tous les citoyens togolais ont droit ? Qu’est-ce qui expliquerait la non implication de tous les partenaires sociaux, de la société civile et des usagers dans la conduite du processus de contractualisation en cours ? ».
A cet effet, les participants à l’atelier « expriment de vives inquiétudes sur la pertinence, l’efficacité, l’efficience et l’opportunité même d’une telle approche pour le Togo, demandent au gouvernement d’ouvrir une large consultation avec toutes les parties prenantes, notamment les syndicats, les organisations de la société civile et surtout les usagers en vue d’un processus inclusif, participatif et transparent, demandent d’organiser dans les meilleurs délais une assise nationale sur ce processus de contractualisation en PPP ».
En effet, le gouvernement n’a pas lancé un appel d’offre à soumission dans la phase pilote le PPP qui revêt une délégation du service. Ce qui ravive les inquiétudes. Pour Felix Couchoro enseignant-chercheur qui a présenté une communication au cours de cet atelier, la société civile et les syndicats ainsi que les médias doivent s’impliquer dans ce processus et veiller à ce que ce ne soit pas « les hommes du pouvoir public qui créent des sociétés écrans pour intervenir » et gagner le marché.
En tout cas, au cours de cet atelier, l’initiative du gouvernement qui est perçue comme une démission de l’Etat face au secteur de la santé a essuyé de vives critiques de la part des participants. Le représentant le ministère de la Santé à cette rencontre, Dr Malou Koboyo, qui a fait une communication sur « Problèmes et perspectives au Togo : contractualisation en cours dans le secteur de la Santé au Togo » en a encaissé sérieusement des coups.
www.icilome.com