« Puisque ces événements nous dépassent, feignons d’en être l’organisateur » – Jean Cocteau
Le peuple togolais reste mobilisé et résolu. Il veut sortir de la longue nuit de l’obscurantisme politique dans laquelle le régime cinquantenaire l’a plongé. Ce peuple exsangue, martyrisé reprend souffle et vie et prouve à la face du monde et du pouvoir dépassé que le goût de vivre ne s’est point affadi dans sa bouche. Après bientôt trois mois de combat acharnée contre l’hydre barbare de Lomé 2, il entrevoit la ligne d’arrivée. Ses victoires sont déjà très nombreuses. Il sait désormais les discerner et en faire le moteur de son autodétermination. La nuit a beau être longue, le jour viendra inéluctablement. Il convient à présent pour ses représentants de ne pas rater le coche en tombant dans les errements du passé qui ont invariablement frustré le peuple de sa victoire.
Le crépuscule des dieux de Lomé 2
Le régime togolais est ébranlé dans ses bases les plus profondes. Il faut en être conscient et élargir les brêches. Lomé 2 est vraiment aux abois et le montre par divers signes patents. La violence est l’arme ultime du faible. Le tropisme du régime togolais à recourir constamment à la force traduit un manque d’alternative et atteste d’une faiblesse intrinsèque compensée par ce qu’on croit faire le mieux : intimider, violenter, tuer et embastiller. Le terrorisme d’État comme arme de dissuasion se révèle de plus en plus inefficace. Le régime désorienté ne tient plus que par ses soutiens extérieurs, principalement la France. Il faut maintenir la pression pour lézarder plus encore les remparts et les murs de soutènement que sont l’armée et les investisseurs étrangers. C’est urgent de contrecarrer la capacité de nuisance de Faure et de ses sécurocrates acculés qui ne voient plus leur salut que dans la fuite en avant et l’instauration du chaos. Il faut écourter le chemin de la victoire du peuple. Le choix judicieux de la non-violence impose qu’on ose utiliser toute la panoplie disponible. Il devient impératif d’affronter le soutien le plus sûr du régime dictatorial togolais. Il est temps de prendre les armes du boycott et les orienter vers les intérêts français au Togo. Oui il est temps de hausser le ton. Les marches c’est bien. Les soutenir par un boycott actif des intérêts français au Togo pour écourter la lutte, c’est mieux.
Pour un dialogue exigeant
Dans sa quête d’oxygène et pour appâter l’opinion internationale, le pouvoir togolais a cru bon de proposer un dialogue du bout des lèvres. La grossière finalité étant de faire baisser la tension et la pression de la rue. Il est clair que Faure ne souhaite aucun dialogue et que sa seule réponse aux aspirations du peuple se trouve dans le mépris et la répression. Il sait son pouvoir illégitime et s’accroche de toutes ses forces à une légalité de plus en plus chancelante, constamment violée par la répression aveugle et illégale des manifestations pacifiques du peuple. Faure ne sait plus à quel saint se vouer. Le roi est nu. La forteresse est lézardée de toutes parts. Combien de divisions reste-t-il encore face au peuple déterminé ?
Il faut en être conscient. Le peuple a remporté la victoire. Il s’agit désormais de la concrétiser sur le tapis vert de la négociation. Cela oblige nécessairement tout mandataire du peuple à porter en son nom la réalité de ses aspirations. Y déroger ou tout simplement faiblir serait une trahison et exposerait plus que par le passé le coupable à la vindicte du peuple clairvoyant sur les vrais enjeux et sachant désormais identifier et nommer la source véritable de son malheur. Il convient pour les mandataires à tout dialogue d’être simplement « le point à l’allongée du bras » du peuple togolais.
Car, face à la faiblesse du pouvoir se dresse désormais une opposition unie et forte du poids de tout un peuple debout aux quatre coins du monde, soutenu par une sympathie universelle de plus en plus forte. Oui, la force est désormais en face du pouvoir et son incapacité à respecter ne serait-ce qu’un jour les mesures d’apaisement qu’il a lui-même édictées en dit long sur son désarroi et sa faiblesse consubstantielle. Hors la violence Faure se sent plus vulnérable que jamais.
Dialoguer ? Oui, mais aux conditions du peuple souverain
L’opposition togolaise coalisée détient les meilleurs atouts dans son jeu. Il convient de ne pas l’oublier au risque de réitérer les erreurs du passé. La supposée radicalité de Fabre est le reflet exact de cette nouvelle donne politique au Togo. Atchadam, Fabre ainsi que les autres membres de la coalition ne sont que les hérauts dociles de la voix du peuple. Ne dialoguer que des conditions du départ du régime cinquantenaire est un minimum pour qui connaît la réalité de la dictature togolaise. L’opposition coalisée connaît la chanson et la capacité manœuvrière du régime en place. Elle expérimente depuis 50 ans, à ses dépens, l’amer cocktail de mensonge, de duplicité et de violences de tous ordres servi par ce régime pour qui, dialoguer n’est qu’une autre façon de réclamer l’arrêt de la pression populaire et la promotion du statu quo en vue de la conservation du pouvoir à son seul bénéfice. Les mandataires du peuple doivent avoir conscience des enjeux et des dangers que recèle un énième dialogue avec le régime RPT/UNIR et faire leur cette formule de Francis Blanche : « Il vaut mieux penser le changement que changer le pansement ». Il est impérieux pour les acteurs de tout dialogue d’éviter le piège récurrent du saucissonnage des lots de réformes et une vision programmatique de moyen terme qui donnera du temps à la dictature, passé maître dans l’art du dilatoire. Une ferme approche holistique s’impose.
Dialoguer ? Oui, mais en position de force
Le piège est béant. Il faut l’éviter. La supposée main tendue à l’opposition sera bientôt suivie par la demande d’arrêt des marches alors même que le régime n’a pas arrêté sa violence et sa sale guerre contre le peuple aux mains nues. Nul doute que des pressions vont s’exercer en vue de circonvenir le peuple à travers ses représentants. Il faut résister héroïquement au nom des intérêts confisqués des fils de cette nation. Il faut résister au nom des martyrs anciens et récents. Résister pour les bastonnés de Sokodé, Bafilo et Mango. Résister pour les déplacés à la pitance incertaine, les femmes et enfants qui dorment en brousse, à la belle étoile et à la merci des bêtes sauvages. Adossés à la force même de la nation les opposants ont l’impérieux devoir de négocier pied à pied les conditions réelles de la refonte de la nation togolaise. Elles passent nécessairement par l’alternance au pouvoir et la mise en place immédiate des institutions de transition. Les conclusions des négociations devront être traduites en textes et institutions au fil de l’eau. Point de temps mort une fois la dictature écartée et le train de réformes amorcé. Méfions-nous des tentatives qui ne sauraient manquer de confier une quelconque réforme au régime ou à ses démembrements. Encore plus d’un accord gagé sur la bonne volonté d’une dictature relookée et de ce fait légitimée.
La force de l’opposition réside dans le peuple et sa diaspora. Il convient de soigner la composition des interlocuteurs du régime. Les mouvements patriotiques de la diaspora devraient participer à la négociation aux côtés des politiques et de la société civile. Jouer idéalement la carte de l’ACTD (Action Citoyenne pour un Togo Démocratique), du CVU (Collectif pour la Vérité des Urnes) ou de François Esso Boko entre autres, renforcerait les acteurs du dialogue en reflétant la diversité de leur implication dans le combat de libération nationale.
La victoire n’a jamais été aussi proche. Ne la ratons pas.
Jean-baptiste K.
27Avril.com