Révolution Togolaise, Le Tour de Garde : Le Temps de la Cohérence

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« nous dansons tous au son d’une musique mystérieuse, jouée à distance par un flûtiste invisible ».
– Albert Einstein

Comme prévu, la dictature est sortie renforcée pour continuer avec une sophistication et une férocité renouvelées le naufrage du peuple.

Révolution Togolaise, Le Tour de Garde : Le Temps de la Cohérence

Faure et ses complices mènent à nouveau la danse macabre du naufrage du peuple togolais. La C14 suit et s’adapte comme si la victoire face à une dictature pouvait échoir à des réactionnaires. L’histoire s’occupera en son temps des responsabilités individuelles s’il y a lieu. Au-delà des choix stratégiques désastreux et des concessions excessives consenties par la C14, l’effacement du vrai leader de la lutte M. Atchadam a vidé la lutte des questions de fond que porte le Parti National Panafricain (PNP). La machine idéologique tourne à vide et cela le peuple l’a confusément perçu. Il sait que le sort du Togo dépasse le cadre étroit des frontières héritées de la colonisation. Il voit bien que le régime togolais est au mieux un gardien de comptoir dont le véritable propriétaire est à Paris. Il sait que Faure Gnassingbé et ses séides ne tirent aucune légitimité du peuple et ne sentent donc pas comptables devant lui. Le régime ne peut que persister dans son être. La violence d’État, le crime, le meurtre et même le génocide sont inscrits dans son ADN. Le peuple sait qu’il vit dans des structures administratives étrangères et hostiles. Le pouvoir togolais est « conscient » de son rôle de renégat et de félon. Le Togo est un comptoir colonial où l’exercice de la pleine souveraineté nationale au profit de ses fils est interdit. Le gardien ne peut se comporter qu’en valet au service de son maître.

Adresser la question de la liberté du peuple, de son bien-être et surtout de son avenir au régime de Lomé 2 c’est au mieux se tromper d’interlocuteur. Pour Faure et son régime c’est le règne de l’irresponsabilité. Le tropisme à violenter, à tuer, à violer les lois, à piller devient normal tant qu’on a l’imprimatur du maître. Et jusqu’au retentissant scandale Bolloré de la concession du port de Lomé qu’un ministre de la République juge « ne pas concerner le Togo ». « Je ne vois pas le rapport » nous aurait dit M. Gnassingbé lui même. Il y a une logique profonde à une telle désinvolture d’État et c’est bien à ce niveau qu’il faut porter le glaive de la contestation. La C14 et les associations de la société civile doivent se porter partie civile au nom des intérêts du peuple. Parallèlement M. Fabre, candidat à l’élection de 2010 devrait saisir le conseil constitutionnel en annulation de l’élection de M. Faure Gnassingbé pour financement illégal de campagne présidentielle et détournement de fonds publics. L’instruction française fait état du règlement partiel de la facture des prestations de Havas par… la présidence de la République et non par le candidat Faure Gnassingbé. Sans oublier, si ce n’est déjà fait, le dépôt d’une plainte contre M. Gnassingbé pour coup d’État et attentat à la sûreté de l’État perpétrés en 2005. La responsabilité du massacre de près de 1000 togolais à cette époque devrait également être située.

Il faut accentuer la pression sur le régime de Lomé 2. Ces aspects essentiels de la question togolaise sont bien présents dans la cohérence du discours du leader du PNP. M. Atchadam porte explicitement les linéaments du type de rupture qu’il vise pour (re)fonder une vraie nation togolaise viable dans un ensemble régional harmonisé. L’ambition est l’alternative qui va bien plus loin que la simple alternance et débouche nécessairement sur une refondation de la nation togolaise. Plus que l’errance de la C14 dans un dialogue stérile et piégeur, c’est l’évacuation de ces éléments essentiels du discours de l’opposition qui nourrit la démobilisation. C’est donc à ce niveau de pertinence que doit s’opérer la soudure avec l’élan étouffé du peuple togolais. Il attend. Il espère que ces leaders puissent, à l’instar de M. Atchadam, lui parler à nouveau au cœur et pas seulement à son ventre et à sa tête.

Remobiliser ? Pourquoi Faire ?

Les différents partis engagés dans la lutte pour l’alternance ont entrepris de remobiliser le peuple. La question du débouché de la mobilisation surgit d’emblée. S’agit-il d’une remobilisation pour une nouvelle marche dans les structures imposées de l’après 19 août 2017 ? Si tel est le cas, même si le peuple consentait à refaire confiance, la mobilisation retomberait immédiatement faute de réceptacle adéquat et de stratégie efficace. Le syndrome de Dékon est encore vivace dans les mémoires. En clair, la C14 gagnerait à densifier la lutte en proposant des voies nouvelles de contestation de la dictature des Gnassingbé. Le choix de la non-violence reste pertinent. Il faut la crédibiliser en visant des cibles claires pour des actions multiformes. La C14 doit pointer les vrais blocages sans avoir constamment l’œil rivé sur le plan de carrière. Le problème du Togo c’est la France et ses visées néo-colonialistes. Le problème du Togo c’est la prédation et l’embrigadement rendus possibles par une armée prétorienne. Le problème du Togo c’est aussi et surtout l’incapacité des leaders à désigner les vrais ennemis du peuple et à leur faire face. L’homme politique souffrirait-il du syndrome de Stockholm qui le conduit à la crainte révérencielle de son agresseur perpétuel ? On peut le comprendre, mais on ne saurait l’accepter durablement du moment que le peuple a décidé de reprendre son destin en main. Il faut passer par le consentement cathartique de l’affrontement qui seul libère les armes du combat. Aussi devient-il urgent de passer le relais à la société civile ou s’y adosser plus massivement. Telle me paraît être la voie du succès de la révolution togolaise. Aucun peuple ne s’est jamais libéré en comptant sur l’aide ou la condescendance d’un autre, fut-il aussi puissant que la France ou le Nigeria. Les pays dits développés, objets d’autant de fascination se sont construits et maintenus non par l’aide mais par la violence, la prédation et la guerre. Le C14 doit empoigner la lutte dans ses aspects les plus âpres et/ou passer le relais. Elle n’est ni crédible, ni efficace et devient même un danger pour le peuple en avançant masquée. Nulle victoire ne se trouve au bout de l’hypocrisie et de la duplicité. Il faut éviter au peuple le sort des abattoirs dont le boucher, fantomatique, est d’autant plus efficace qu’il est tapi dans l’ombre commode de la dictature sanguinaire des Gnassingbé.

Pour une Assemblée Constituante au Togo

M. Gnassingbé n’a aucun désir de lâcher le « trône » présidentiel. Il a fait le choix de la manipulation et de la violence comme mode de gestion et de conservation du pouvoir. La perspective d’une guerre ne l’émeut guère. Messieurs Tchao et Trimua nous avaient prévenus. Cette détermination guerrière est toujours d’actualité. L’habileté manœuvrière du régime a réussi à faire glisser les enjeux de la démission du chef de l’État et du retour de la constitution de 1992 vers la nécessité des réformes, des élections législatives et référendaire et sans doute une élection présidentielle anticipée sous la seule conduite de la dictature. Il faut sortir du piège des réformes en morceaux et du calendrier du RPT / UNIR. Le machiavélisme du pouvoir tend à marginaliser l’opposition et à « ringardiser » son chef de file. Quitte à les faire apparaître comme les obstacles à la réalisation des réformes. Le piège, soutenu par les éléments de langage imposés aux acteurs politiques, est efficace. Il fonctionne parce que la C14 manque de proactivité et d’anticipation. L’opposition doit prendre l’initiative de la convocation d’une assemblée constituante qui prendra en compte tous les aspects des réformes. Face au blocage d’un dialogue mort-né, une constituante apparaît comme la voie la plus efficace de résolution de la crise. La C14 fait ainsi une proposition de sortie de crise par le haut en conjuguant tout à la fois les vertus du dialogue, de la négociation et de l’inclusivité des toutes les forces vives de la nation. Avec l’avantage net de la mise en place d’un gouvernement de transition, chargé de la mise en place des institutions décidées par les constituants. Ce gouvernement, doté de larges pouvoirs, sera chargé de l’organisation des élections sans les acteurs de la transition. La constituante s’attachera enfin à refonder la nation, à définir le type de régime adapté à la nation, à créer et à mettre en place les institutions de gestion et de régulation sui generis de la vie sociale, à mettre en cohérence le génie propre du peuple togolais. Beaucoup d’initiatives sont en cours. Des projets de fédération, de confédération, d’organisations administratives recouvrant les aires géographiques régionales, claniques et tribaux pourront trouver à s’exprimer, à s’évaluer, à se confronter et à participer au creuset de la nation refondée autour d’une constitution nouvelle. L’occasion pour le Togo de quitter les habits juridiques d’emprunt qui craquent de toutes parts.

Jean-Baptiste K.
18 mai 2018

27Avril.com