« Si vous ne vous levez pas pour quelque chose, vous tomberez pour n’importe quoi » (Malcolm X)
Un officier supérieur de l’armée togolaise a été sauvagement assassiné dans son bureau à l’intérieur d’un des camps militaires les plus sécurisés du Togo. Plus qu’un fait divers, cet odieux assassinat revêt une dimension politique indéniable.
Le Colonel Madjoulba a été retrouvé dans une mare de sang au lendemain de la prestation de serment du chef de l’État à laquelle il avait assisté. Tué par balle selon le procureur, il aurait été égorgé par-dessus le marché. Au-delà de l’effroi soulevé par cette exécution extrajudiciaire, ce qui frappe dans ce crime odieux, c’est son mode opératoire. Un simple relèvement de ses fonctions, une mutation ou même une suspension aurait suffi à éloigner un collaborateur en rupture de ban sans qu’il soit nécessaire de recourir au crime. On perçoit nettement la fragilité d’un régime aux abois. L’expression de sa sauvagerie ritualisée nous dit qu’il est à bout de souffle. Aussi devons-nous lire dans la mort de cet officier supérieur la profondeur de la désaffection du régime au sein même de son rempart réputé le plus sûr : l’armée.
Que des hommes de rang qui partagent la souffrance du peuple désirent le changement dans leur écrasante majorité ne fait aucun doute. L’assassinat du Colonel Madjoulba nous confirme que cette aspiration est partagée par la caste privilégiée des officiers supérieurs au cœur du régime. Il pose la question de la survie même de la dictature. Cette révélation testamentaire mérite que le peuple s’y intéresse à la suite des frères du Doufelgou. Le Col. Madjoulba est des nôtres. Longtemps soutien inconditionnel du régime, il a vécu en fort contre les faibles, il n’en est pas moins mort faible, assassiné par les forts, pour avoir partagé l’aspiration des faibles.
Le Col. Madjoulba est mort pour avoir fait le choix du peuple qu’il aurait sans doute fini par rejoindre. Pour Lomé 2, c’est un crime de lèse-majesté qui se lave dans le sang. La contrition de Madjoulba le condamnait en le faisant sortir du rang des forts. Il en connaissait le risque. Il l’a couru. Son option préférentielle pour le peuple lui a coûté la vie. Les vocations tardives n’ont pas moins de mérite. Il serait malséant de persister à le prendre pour un ennemi de la nation. Il ne mérite pas ce déshonneur posthume. Il est mort comme meurent les petits et les pauvres des mains du dictateur. Il est mort faible, de la faiblesse d’un amour naissant pour un peuple opprimé. Il est bien des nôtres. Son sacrifice doit être un aiguillon du combat pour l’alternance et son sang les sillons sans drain de la liberté du peuple.
À rebours de l’intense campagne d’anesthésie orchestrée aux fins de dénier à un tel événement sa portée mobilisatrice pour l’alternance, j’estime qu’il faut y voir une occasion de réaliser la jonction entre le peuple et son armée. Non, il ne s’agit pas simplement de la mort infâme d’un salaud qui puisse justifier le méprisable : « un de moins » ou le peu inspiré : « un fort tue un autre fort, que nous importe ! ». Cette vulgate revancharde qu’on tente d’imposer aux forceps pour conjurer le réel danger d’un crime politique commis en urgence et qui risque d’emporter le régime, est une manipulation qu’il convient de discerner. Il nous faut percevoir le puissant grondement souterrain du peuple désireux de rompre les chaînes de la servitude. Le divorce par non consentement mutuel, créé et entretenu entre le peuple et son armée, doit se résorber en fraternelle réconciliation des désirs gémellaires.
L’action de la Dynamique Mgr Kpodjro (DMK) et de toutes les bonnes volontés désireuses de voir le Togo sortir de l’ornière doit consister désormais à abattre le mur de la méfiance et de la haine qui sépare l’armée et la nation et à restaurer la confiance entre tous ses fils. Le salut du Togo passe par cette nécessaire soudure. Alors au travail !
Jean-Baptiste Komi
Source : 27Avril.com