Répression des manifestants : Le pouvoir dans le délit de faciès

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Répression des manifestants : Le pouvoir dans le délit de faciès

Samedi dernier, la coalition de l’opposition a bouclé ses trois (03) jours de manifestations. Si les deux jours n’ont pas enregistré de violences notables, le dernier a révélé que le pouvoir a renoué avec ses méthodes brutales envers les manifestants.

Le pouvoir tablait sur une démobilisation des manifestants qui réclament le retour à la Constitution de 1992 et le départ de Faure Gnassingbé. Mais à chaque appel des 14 partis de la coalition de l’opposition, les Togolais sortent massivement dans les rues pour crier leur exaspération à l’égard d’un régime qui s’arc-boute sur sa position de ne pas entrer dans l’ère des mutations au sommet de l’Etat dans la sous-région. Ce refus de prendre le train de l’alternance lui fait recourir à des méthodes de répression. Le pouvoir de Faure Gnassingbé bastonne, violente, gaze sans ménagement et embastille même les populations. Une flagrante contradiction avec les principes de l’homme qui se dit simple et apprend via les réseaux sociaux qu’il est un « sanguinaire ».

Samedi 2 décembre, troisième et dernier jour des manifestations. Alors qu’ils rentraient à la maison, des manifestants ont été pris à partie par les forces de l’ordre. Au quartier Zongo et Attikoumé où une curieuse barricade a été érigée, les hommes à la solde du régime ont sévèrement réprimé les partisans de l’opposition. Mme Brigitte KafuiAdjamagbo-Johnson, la Coordinatrice de la coalition était témoin des faits. « Je me rendais à mon domicile par Atikoumé. Ceux qui étaient habillés aux couleurs d’un parti politique étaient systématiquement déviés vers Djidjolé » raconte-t-elle. Quelques minutes après, une pluie de gaz lacrymogène s’est abattue sur les manifestants. Avant que la situation ne dégénère, la Secrétaire générale de la Convention démocratique des peuples africains (CDPA) affirme avoir contacté le ministre de la Sécurité et de la Protection civile et son collègue de l’Administration territoriale, pour les tenir informés de la situation. « J’ai même rappelé pour leur dire que le climat pourrait dégénérer parce que l’attroupement devient de plus en plus nombreux et les gens commençaient à s’énerver. 45 minutes après, un renfort est venu et ils ont commencé à lancer des gaz lacrymogènes », a-t-elle précisé.

En réalité, c’est un dispositif de tri mis en place. Il s’agissait pour ceux qui ont ourdi ce plan, de traquer les militants d’un parti dont la couleur saillante leur crève les yeux et leur fait perdre toute lucidité. La manœuvre consistait à les dissuader, et c’est pour cela que sur le chemin du retour de la marche, ils ont été cueillis à coup de gaz lacrymogènes de la part des forces de l’ordre. La méthode rappelle l’ « époque nazie » (selon Mme Brigitte Kafui Adjamagbo-Johnson qui a ainsi qualifié les faits) où les juifs étaient soumis au contrôle au faciès pour finir dans les camps d’extermination installés par le Fûhrer Hitler au temps fort de la seconde guerre mondiale. Et devant tout ce qui a été tramé contre ces militants de l’opposition, la Coordinatrice des 14 partis politiques de l’opposition n’a pas usé de langue de bois.

En effet, c’est à Togblékopé, plus précisément à Dikamé que les populations ont payé de leur soif de l’alternance le samedi dernier. Dans ce quartier de la périphérie nord-ouest de Lomé, selon plusieurs tmoins, ce sont les éléments du Bataillon d’intervention rapide (BIR) qui ont procédé à une expédition punitive contre les populations. Elles ont été sévèrement réprimées. Selon les témoignages, les éléments sont rentrés de maison en maison en tabassant toute âme qui vit. Le choix de cette bourgade n’est pas fortuit, tout comme les zones ciblées Agoè-Nyivé, Zongo, Atikoumé, etc. Il y a un fort contingent d’hommes, de femmes et de jeunes de ces zones qui rallient toutes les marches que l’opposition organise.

De plus, le regain de l’acharnement à l’encontre des militants de l’opposition révèle une fois de plus la frilosité du régime en place. Ses pronostics sur la démotivation des manifestants, les statistiques que s’emploie à publier Yark Damehame, ministre de la Sécurité et de la Protection civile après les marches sont loin d’émousser la lutte populaire. Au contraire. Plus les jours passent, plus la détermination du peuple togolais se renforce et fait peur au pouvoir cinquantenaire qui, sans doute, est dans ses derniers instants de survie malgré les forcings de façade. Et c’est pour cela qu’il renoue avec le langage qu’il sait très bien parler, celui de la violence. Pour couvrir ces forfaitures, le régime préfère agir hors caméra, c’est-à-dire à la tombée de la nuit où les populations rentrent chez elles et se défouler sur elles. Toutefois, l’opposition se doit de ne pas prêter le flanc à ses exactions. Elle doit veiller à ce que les marches se terminent le plus tôt possible.

Il y a un contrôle au faciès qui se déguise par un dédain à une couleur propre à un parti de l’opposition et ses militants. La semaine surpassée, aux abords de certaines rues de Lomé, des passagers étaient fouillés, et selon que certains présentent un visage ou arborent un habit ou un gadget dont la couleur est assimilée au parti indexé, ils sont l’objet de toutes sortes d’intimidation. En fait, il s’agit d’un filtre qui permettait au pouvoir qui ne supporte pas la ferveur démocratique qui s’est emparée du peuple togolais dans son entièreté, de procéder à de basses besognes d’intimidation et de répression à l’encontre de ces militants.

La Défense, si éloquente d’exactions

Cette nouvelle escalade de la violence est la preuve que les appels à la retenue lancée les représentations diplomatiques accréditées au Togo ne sont pas pris en compte par le régime. Le pouvoir a semblé obtempérer, mais le naturel est revenu au galop. Et les faits du samedi dernier témoignent que l’apaisement n’est prononcé que sur le bout des lèvres. Ces actes de répression contredisent le gouvernement qui offre tacitement une impunité à leurs auteurs. Cela peut s’entendre par la peur de situer les responsabilités. Qui donne les ordres de réprimer les manifestants ? A cette question, rien ne permet de nommer avec exactitude les commanditaires. Le RPT/UNIR étant un navire avec un équipage hétéroclite sur lequel les capitaines sont nombreux, les ordres viennent de tous les horizons. Et cette confusion est relevée plus haut par Mme Brigitte Kafui Adjamagbo-Johnson.

Cependant, la sortie des éléments de la BIR le samedi dernier à Dikamé peut conduire à un indice irréfutable. Depuis le gouvernement Séléagodji Ahoomey-Zunu, jusqu’à celui actuel de Selom Klassou, il existe un portefeuille qui n’attire pas beaucoup de regards mais qui travaille. Il s’agit de la Défense. Elle est rattachée à la Présidence et c’est Faure Gnassingbé lui-même qui le pilote. Et c’est ainsi que l’identité du commanditaire du siège de Sokodé, de Tchamba, Bafilo, etc. par les bérets rouges, ne souffrirait d’aucune ombre. Le silence légendaire de Faure Gnassingbé est tout simplement éloquent de répressions et de brutalités commises sur les populations.

Source : www.icilome.com