« Le châtiment bien mérité de la mauvaise foi, c’est d’être sans amis », écrivait Francis Bacon dans Les Essais. C’est bien ce qui arrive aujourd’hui au régime de Faure Gnassingbé qui, visiblement, se retrouve acculé de tous côtés par la plupart des chefs d’Etat de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) qui veulent lui faire entendre raison. La mauvaise foi dont a toujours fait preuve ce régime cinquantenaire n’est plus à démontrer. Faure Gnassingbé et son clan finissent par agacer le peuple togolais, l’opposition, notamment la Coalition des 14 partis et même la CEDEAO par sa prétention et son arrogance à piétiner les principes, même les plus élémentaires pour se maintenir au pouvoir. Ceci, en contradiction avec le protocole additionnel de l’institution communautaire sur la bonne gouvernance et la démocratie, une disposition qui limite le mandat présidentiel à deux dans la sous-région.
Le régime de Faure Gnassingbé ne peut que s’en prendre à lui-même s’il se retrouve aujourd’hui dos au mur, avec la CEDEAO qui l’oblige à introduire à l’Assemblée nationale la proposition de loi portant réformes constitutionnelles de l’expert qui ne lui est pas favorable. Il est clair que ceux qui croient détenir le titre foncier du Togo sont rattrapés par leurs propres turpitudes.
En effet depuis 2006, année de la signature de l’Accord politique global (APG), Faure Gnassingbé avait la latitude de faire les réformes. Malgré les morts (un millier selon la Ligue togolaise des droits de l’Homme-LTDH- et 500 selon le rapport de l’ONU), les milliers de blessés qui portent encore des séquelles aujourd’hui et les nombreux réfugiés, les acteurs politiques togolais, grâce à l’APG qui était venu légitimer le pouvoir acquis dans le sang, ont accepté laisser Faure Gnassingbé gouverner. Ce dernier devrait d’ailleurs se retrouver devant les tribunaux avec ce massacre. Tout le monde avait cru qu’il était de bonne foi, surtout qu’avec ce document qui contient des dispositions devant permettre au Togo de renouer avec les principes démocratiques et se hisser au rang des pays modernes. Mais c’est compter sans la soif du clan à pérenniser son règne sur le Togo.
Une fois les mains libres au pouvoir, Faure Gnassingbé a commencé par montrer sa vraie face au monde entier, notamment aux Togolais. Le fils du père a mis dans les tiroirs ce document qualifié de « Bible » pour les Togolais, puisque la mise en œuvre de ces accords contribuerait à résoudre la crise politique qui secoue le Togo depuis des décennies. Les réformes sont donc renvoyées aux calendes grecques par le régime RPT. Pour masquer sa mauvaise foi et faire croire à l’opinion nationale et internationale sa disponibilité à faire les réformes, Faure Gnassingbé s’est lancé dans la création des chimères, ces commissions multipliées à tout-va dont les recommandations ne sont jamais prises en compte par le Prince. Ainsi a-t-on connu le CPDC, le CPDC rénové, le dialogue Togotelecom I et II, la CVJR, la Commission Awa Nana… la liste est longue. Nombreux sont ces observateurs qui reconnaissent que si ces recommandations, notamment celles de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation avaient été respectées, on n’en serait pas là aujourd’hui. Mais Faure Gnassingbé a décidé tout simplement de les ignorer, puisque son intention n’a jamais été de quitter le pouvoir un jour.
Du coup, il arrive que lors de ces multiples dialogues, le clan au pouvoir crée des situations désobligeantes pour empêcher les discussions de continuer et aboutir à de véritables accords pour décrisper l’atmosphère politique. Tout est ficelé de manière à obliger l’opposition soit à boycotter les rencontres, soit à claquer la porte aux discussions. Ce qui fait l’affaire du régime qui crie sur tous les toits que c’est l’opposition qui est de mauvaise foi, parce qu’elle ne veut pas dialoguer. Et la farce continue.
Dans la foulée, le régime cinquantenaire s’est rapproché de l’Union des forces de changement (UFC), avec la signature d’un accord dit de partage du pouvoir en mai 2010. Faure Gnassingbé, dans sa ruse, n’a pas eu beaucoup de mal à convaincre Gilchrist Olympio et ses amis appâtés par les privilèges de la mangeoire. On leur a fait miroiter qu’ils contribueraient à la mise en œuvre des réformes constitutionnelles et institutionnelles une fois au gouvernement. Et c’est ce que l’UFC jetait à la figure des Togolais avec promesse qu’en six (06) mois (à partir de la date de la signature de l’accord le 26 mai 2010), les réformes seront mises en œuvre.
« Mais nous ne sommes pas aveugles. Force est de constater que les termes de cet accord (Ndlr, accord RPT/UFC) ne sont pas entièrement respectés. Malgré ces insuffisances, nous avons fait le difficile choix de rester fidèles à notre engagement (…). Au chef de l’Etat actuel, je voudrais également demander le courage d’entendre la voix de son peuple, même si celle-ci est dissonante, et d’y répondre. Je l’exhorte à engager des réformes conformément aux recommandations de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation comme il s’y était engagé », avait déclaré Gilchrist Olympio lors d’une conférence de presse organisée le 28 novembre 2017, constatant l’échec de son accord avec le régime de Faure Gnassingbé, même si certains de ses lieutenants refusent de le reconnaître aujourd’hui. Il est clair que même avec cet accord, Faure Gnassingbé est resté fermé aux réformes politiques.
Le Prince était sur ses airs, ne sachant pas que les choses allaient prendre une nouvelle tournure à partir du 19 août 2017. Il avait 15 ans (depuis 2006) pour faire les réformes. Le 30 juin 2014, comme dans un théâtre, les députés RPT-UNIR ont rejeté le projet de loi adopté par le Conseil des ministres. En pleine crise politique, acculé de tous côtés, le régime RPT/UNIR a introduit à l’Assemblée nationale, son projet de loi portant réformes constitutionnelles en septembre 2017. Un texte adopté par sa majorité au parlement qui entendait le soumettre à un référendum, avant de rebrousser chemin sur pression populaire. La semaine dernière, le régime revient à l’Assemblée nationale avec le même projet de loi, un texte qui fait la part belle à son « champion », malgré l’existence de la proposition de loi faite par l’expert recruté par la CEDEAO pour la mise en œuvre des réformes constitutionnelles, selon les normes internationales.
Faure Gnassingbé aurait pu faire ces réformes depuis, et on aurait fait l’économie de la situation que traverse le pays aujourd’hui. Mais aveuglé par la conservation à tout prix du pouvoir, son régime se fourvoie dans des subterfuges, doublés d’une mauvaise foi criarde. Il est rattrapé par ses propres turpitudes. Aujourd’hui, c’est la CEDEAO qui constate cette roublardise du régime togolais. Les injonctions de l’institution communautaire qui demande au régime d’introduire le texte produit par l’expert constitutionnaliste sénégalais, Alioune Badara Fall, traduisent l’exaspération de la sous-région face à un pouvoir qui marche sur la tête. Le clan au pouvoir se prévaut de la souveraineté du Togo pour espérer se dérober à ces injonctions de la CEDEAO.
A moins qu’il décide de faire sortir le pays de l’espace communautaire ou affronter l’institution. Dans l’un ou l’autre cas, cela a des conséquences. Le régime de Faure Gnassingbé a péché depuis 2006 en décidant de verrouiller les institutions de la République pour sa seule cause, au détriment des réformes constitutionnelles et institutionnelles. Comme quoi, selon Jules Romains dans Problèmes aujourd’hui, « les uns pèchent par paresse, d’autres par suffisance, d’autres par mauvaise foi ». Faure Gnassingbé et son clan se retrouvent bien dans la dernière catégorie.
Source : www.icilome.com