Quid des Togolais piégés en Libye et ailleurs dans le monde ?

0
353

Au lendemain des révélations de la chaîne américaine CNN sur le commerce des migrants africains en Libye, certains Etats africains ont sursauté et pris des mesures réelles avec le concours des organismes internationaux pour rapatrier leurs compatriotes piégés dans ce pays, où l’homme est encore loup pour l’homme en ce 21ème siècle. L’Organisation Internationale de la Migration (OIM), l’Union Européenne accompagnent respectivement le Cameroun et la Cote d’Ivoire qui ont déjà ramené au bercail des centaines de leurs compatriotes. Quid du Togo ?

Des Togolais parmi les milliers de migrants vendus aux enchères en Libye?

En Aout dernier à Sokodé, nous avons constaté avec les autorités administratives que 08 jeunes sur 10 dans cette région ne jurent que sur l’espoir d’une aventure vers le prétendu eldorado européen. Ils sont de plus en plus nombreux à se fier au principe selon lequel leurs efforts, leurs initiatives quotidiennes de survie seraient très bien récompensées en Europe. Des réseaux très actifs de passeurs sont en pleine activité dans la partie septentrionale du Togo et recrutent des centaines de nos jeunes frères et sœurs, qu’ils engagent dans l’aventure vers l’Occident dont la route passe par le Benin via Natitingou, puis le Niger, à la Libye où nous savons tous le sort qui leur est réservé. Faut-il le redire, c’est un parcours de combattant, une aventure où on côtoie la mort et les pires barbaries de la nature (le désert, la faim, les températures extrêmes), mais aussi l’atrocité des hommes dont les passeurs eux-mêmes, les groupes armés, et les esclavagistes qu’on ne retrouve pas seulement en Libye, mais un peu partout sur le parcours des migrants, y compris la destination finale car ce serait malhonnête d’ignorer que même en Europe, il y a des réseaux où nos sœurs sont revendues pour servir d’esclaves sexuelles, relate le secrétaire Général de l’Association des ressortissants Togolais en Bavière (Allemagne) M. Babadéré Fofana.

L’année dernière, Nicolas Berlanga Martinez, précédent ambassadeur de l’Union Européenne au Togo, déplorait qu’au nombre des milliers de migrants arrivant sur les côtes italiennes pour l’année 2015, on dénombrait au moins 300 migrants d’origine togolaise.

Toujours au cours de la même année, le journal turc «Hurrieyet» annonçait un bateau battant pavillon togolais pris dans les eaux turques avec à bord 300 migrants clandestins, 11 présumés passeurs Syriens et 4 turcs.

«Nous avons été à plusieurs reprises alertés sur des navires enregistrés au Togo et qui ne respectent pas les règles internationales. L’union Européenne, Israël et d’autres pays amis nous ont saisi sur cette question », reconnaissait Faure Gnassingbé en 2015 en citant les cas de trafic d’armes, de drogue, de tabac, mais surtout des migrants.

Pour Babadéré Fofana de l’Association des Ressortissants Togolais en Bavière, «tous ces cas démontrent à suffisance que parmi ces milliers de jeunes vendus aux enchères, il y a des centaines de Togolais qui se sentent sûrement oubliés pendant que d’autres Etats s’activent à sortir leurs concitoyens de cet enfer».

La Libye, un Etat difficile d’accès

Même si la communauté internationale a reconnu une faction à qui les privilèges diplomatiques ont été accordés à l’affût de timides réactivations d’ambassades dans des pays stratégiques, la Libye reste un Etat sans autorité où, telle une jungle, les plus armés font la loi.

Nous nous sommes demandés au niveau de la diaspora togolaise en Bavière, à qui nos compatriotes y compris les Chefs d’Etats adressaient leurs messages de condamnation du commerce des Africains en Libye. C’est déjà une énorme équation pour l’autorité reconnue par la communauté internationale de s’imposer face au pillage du pétrole libyen par les factions armées. Ce pays a toujours été depuis l’élimination de Mouammar Kadhafi, un terreau fertile pour les groupe armés en l’occurrence Boko Haram et l’Etat Islamique, des bêtes noires déstabilisant le Tchad, le Cameroun et le Nigéria», s’étonne Babadéré Fofana.

Il faut néanmoins relever que cet état de chose n’a pas empêché le Cameroun et la Côte d’ivoire d’affréter plusieurs vols spéciaux pour repêcher des centaines des leurs compatriotes.

Le sort des migrants togolais

Le 17 novembre dernier, Faure Gnassingbé, président en exercice de la CEDEAO se prononçait sur le sujet : A la nouvelle de la traite humaine qui se déroule sur le continent africain, notamment en Libye, j’exprime au nom de la CEDEAO mon amertume et mon indignation. Rien ne peut justifier en ce vingt-et-unième siècle, une telle infamie».

L’indignation du chef d’Etat togolais s’est arrêté-là. Dans la société togolaise, quelques bruits sur les réseaux sociaux, des condamnations verbales, puis la page semble désormais tournée.

L’hypocrisie

Bien avant la chaîne américaine CNN, des journaux nationaux comme le bihebdomadaire L’ALTERNATIVE, ont attiré l’attention des autorités politiques sur le sort réservé aux aventuriers togolais de l’eldorado européen. Cela n’a suscité aucun intérêt.

Au Liban et dans les pays du Moyen Orient, les jeunes filles du Togo, tout comme celles d’autres pays d’Afrique subsahariennes sont assujetties à des traitements inhumains dégradants, revendues de ménages en ménages où elles servent d’objets sexuels, après quoi elles exécutent à des heures interminables des travaux ménagers.

Plusieurs en meurent comme la compatriote Amélie Sizing, dont le corps a été rapatrié en Novembre 2016 en provenance du Liban où les conditions de son décès (le 17 octobre 2016) n’ont jamais été élucidées. Des dizaines sont souvent innocemment accusées et jetées en prisons sans toute autre forme de procès. Les témoignages dans les journaux, tout comme des rescapées revenues par chance au pays, pullulent à la grande indifférence de nos autorités habiles dans des déclarations ronflantes pour faire bonne impression.

«Au niveau de la diaspora en Bavière, nous recevons des alertes et des cris de détresse. Mais nos moyens d’appui sont très limités contrairement au gouvernement qui dispose des moyens diplomatiques. Surtout dans les pays orientaux comme le Liban, où l’Etat fonctionne contrairement à la Libye, nos leaders politiques peuvent user de pressions diplomatiques pour favoriser un meilleur traitement de nos compatriotes qui s’y rendent dans l’espoir de trouver mieux et envoyer de l’argent à leur famille au pays (parce qu’il y a également un nombre assez important d’indiens et de libanais qui font des affaires au Togo). On peut même en tant qu’Etat solliciter l’accompagnement des organismes humanitaires pour des rapatriements volontaires. Elles sont nombreuses, ces sœurs aujourd’hui au Liban et qui désirent ardemment retourner au pays, surtout s’il y a des programmes de réinsertion », Préconise Babadéré Fofana.

Il ajoute que ce serait une mauvaise foi pour les autorités togolaises de se comporter comme si le cas libyen était la seule occasion par laquelle elles ont appris l’asservissement de nos compatriotes en quête de meilleures conditions de vie, hors de nos frontières.

Nous travaillons avec des organisations comme Belamni la cloche de la paix et Visions Solidaires qui sont très impliquées sur la thématique de la migration. Pas plus que le 17 août dernier, nous avons encore eu des échanges au cours d’un séminaire à Sokodé. Nous avons créé ce cadre pour permettre à la diaspora de rester en liaison étroite avec nos frères et sœurs aux pays, histoire de leur révéler compte tenu de notre expérience, les réalités du côté de l’Europe. C’est toujours mieux que les jeunes soient informés d’avance. Ainsi, ils ne seront pas dupes devant ces passeurs, vendeurs d’illusion, rappelle Babadéré Fofana qui projette : «Une feuille de route est déjà concoctée pour voler au secours de ceux de nos compatriotes déjà dans la gueule du loup, d’Agadès à Tripoli en passant par Natitingou, Malanville, Dosso, Gaya, Zinder…dans la corne du Niger. C’est un projet qui en appel à l’adhésion et à la contribution de de tous les acteurs, spécialement le ministère des Affaires Etrangères, de la Coopération et de l’Intégration sous régionale. Si l’Etat a failli à un moment par rapport à ses responsabilités, il faut qu’ils saisissent l’occasion pour donner à ses concitoyens, une raison d’être fiers de leur pays le Togo.

A. Lemou

Source : www.icilome.com