Les soucis du commun des Togolais sont sans doute loin de ces
considérations. Où trouver les moyens pour assurer la rentrée scolaire
des enfants qui point à l’horizon, ce sont ces préoccupations qui
taraudent les esprits. Mais, que l’on le veuille ou pas, la
problématique de l’alternance en 2020 apparait dans un coin de l’esprit
et au niveau des politiques et notamment du régime cinquantenaire en
place, les grandes manœuvres pour cette élection cruciale ont commencé.
Si au sein du sérail on met les bouchées doubles pour faire prendre de
l’avance à son « champion » insatiable du pouvoir devant l’Eternel, au
niveau de l’opposition et des forces démocratiques en général,c’est
l’apathie. Etat des lieux…
Lire aussi: Togo: un prophète congolais prédit la fuite de Faure Gnassingbé [Vidéo]
Faure et le pouvoir en marche pour 2020
L’on savait depuis fort longtemps que le Prince avait bien envie de
continuer son bail sur le pouvoir et allait se représenter à sa propre
succession. Nombre de ses collabos l’avaient déjà annoncé candidat,
juste au sortir des élections législatives. On pense notamment au
Secrétaire Exécutif du RPT/UNIR, Atcholé Aklesso et au Premier ministre
Selom Komi Klassou. Ce dernier est même allé jusqu’à le déclarer (sic)
d’ores et déjà vainqueur, sans autre forme de procès.
Le 8 mai dernier, l’Assemblée de godillots mettait en œuvre les
réformes constitutionnelles, institutionnelles et électorales tant
attendues. Mais, on le sait tous, loin de tracer le sillon de
l’enracinement de la démocratie et surtout de l’alternance, elles ont
plutôt l’effet de barrer la route à l’avènement de cet idéal et paver la
route à la pérennisation de Faure Gnassingbé au pouvoir, avec une
remise des compteurs à zéro par l’article 158 stipulant en son alinéa 2 :
« Les mandats déjà réalisés et ceux qui sont en cours à la date
d’entrée en vigueur de la présente loi constitutionnelle ne sont pas
pris en compte dans le décompte du nombre de mandats pour l’application
des dispositions des articles 52 et 59 relatives à la limitation du
nombre de mandats ». Tout récemment, c’est Robert Dussey qui confirmait
sa candidature, en marge d’une visite dite de travail en France, mais en
réalité de mendicité d’audience en faveur du Prince.
Même si l’intéressé lui-même, fidèle à son hypocrisie légendaire, ne
dit mot pour l’instant, sur le terrain, ses inconditionnels préparent
les esprits des populations à cette évidence. Le moindre geste du
gouvernement et toute initiative est récupérée à son profit. La grande
arme de campagne est même déjà acquise : le Plan national de
développement (PND) chanté à tout bout de champs. Le dernier indice de
la mobilisation autour de la candidature du Prince, c’est le lancement,
samedi à Sokodé, du fameux concept Tem « LA-N’BO »,« fait et continue
par faire » en français, par les cadres du coin dont EssowavanaAdoyi,
FolyBazi-Katari et autres…La chose est présentée, à tort ou à raison,
comme le soutien des populations du coin à la candidature de Faure
Gnassingbé en 2020…
Lire aussi:Année électorale 2020: le Togo parmi les pays à risque
Etat des lieux au niveau de l’opposition
2020 est le rendez-vous ultime de l’alternance au Togo ; mais
l’opposition apparait déjà avec un pied ou plutôt des pieds cassés.
Certains acteurs se sont imposés comme les meilleurs pions sur lesquels
l’ontpouvaitmiser ; mais à tour de rôle, ils ont été grillés ou plutôt
écartés…
On pense tout de suite à TikpiAtchadam. Il est évident que si les
choses s’étaient bien déroulées, le leader du Parti national panafricain
(PNP) devrait avoir un grand rôle à jouer à cette échéance capitale de
2020 qui se veut un rendez-vous ultime pour l’alternance. Avec son coup
de maître du 19 août 2017 et tout ce qui a suivi après, TikpiAtchadam
était devenu le chouchou des Togolais, son nom était dans toutes les
bouches. Mais aujourd’hui, il est difficile de le voir jouer ce rôle de
pion de l’alternance l’année prochaine. Contraint à l’exil depuis
bientôt deux ans, l’homme est d’ores et déjà forclos pour candidater le
moment venu.
A un moment donné, tous les espoirs furent fondés sur François
Akila-Esso Boko. L’ancien ministre de l’Intérieur à la mort d’Eyadema
devrait regagner le Togo le 28 mai dernier, après 14 ans d’exil. Même si
lui-même tentait de brouiller les pistes, c’était clair que François
Boko ne revenait pas au pays pour le Roi de Prusse. Son retour et une
éventuelle candidature devraient redistribuer sérieusement les cartes.
Gendarme de formation, ancien ponte du pouvoir, juriste et personne au
carnet d’adresse assez fourni à l’international, son profil avait de
quoi déranger le pouvoir en place. Pour éviter tout risque, le régime
qui pourtant avait accepté son retour au pays, se rebiffa et s’y opposa.
Cette volte-face visait simplement à le rendre forclos par rapport à
ses desseins de candidater éventuellement à la présidentielle de 2020.
Lire aussi:Candidature de Faure en 2020: les choses se précisent [RFI]
Pascal Bodjona, voilà le troisième élément sur lequel les espoirs se
sont de fait reportés, même si l’intéressé n’a jamais laissé filtrer une
telle ambition présidentielle. Il était notoire que sa candidature aux
municipales dans la commune d’Agoènyivé n’était qu’une entrée avec le
plat de résistance de 2020. Mais le pouvoir en place est passé par du
faux pour invalider son dossier. Tout porte à croire à un message à lui
adressé par rapport à une éventuelle candidature en 2020…
Cette situation où toutes les cartes étaient grillées à tour de rôle
devrait décider l’opposition plus ou moins crédible à se réveiller très
tôt, à prendre le taureau par les cornes. Mais elle brille par
l’apathie. Bien qu’elle ait dit avoir retenu les leçons des élections
locales et le message que les populations ont voulu lui envoyer, elle ne
semble pas encore sortie de sa torpeur. Pas d’initiative dans le sens
d’une certaine remise en cause et de la définition de mesures pour
sauver les meubles. La plupart de ses composantes ne semblent même pas
encore penser à cette échéance capitale qui n’est qu’une question de
mois…Les indiscrétions annoncent avec insistance ce scrutin crucial à
avril 2020. Il ne reste qu’à peine huit mois donc, un temps court…Mais
au niveau de ce qu’il reste de l’opposition plus ou moins crédible, on
ne se bouge pas le c…Aucune initiative dans le sens de l’union ou du
moins de la fédération des énergies tant souhaitée, tout est plat. Et
c’est cocasse, car le pouvoir, lui, est déjà sur le terrain en train de
mobiliser les populations autour de ce scrutin pour la victoire du
Prince…« Avec les leçons des locales, il était impératif que
l’opposition tire les bonnes leçons et se remette en cause, et très
vite, parce que 2020 était déjà perdu d’avance avec ces municipales si
rien n’est fait. Mais c’est regrettable qu’elle ne fasse absolument rien
depuis et alors que l’élection là est déjà à nos portes », regrette un
observateur avisé.
Lire aussi: Présidentielle 2020: le grand théâtre a commencé autour de Faure Gnassingbé
Il est évident que cette indolence n’est pas pour arranger la cause
de l’opposition, mais aussi celle du peuple togolais qui aspire à
l’alternance. Mais pendant ce temps, ce sont de pseudo-prophéties
d’alternance en 2020 qui sont claironnées sur tous les toits. Aux uns
qui dardent être oints par Dieu pour accomplir ce dessein au cours de
cette présidentielle, s’adjoignent d’autres qui annoncent avec certitude
son avènement…Est-ce pour endormir les consciences ? La question se
pose en tout cas…
Tino Kossi
Source : Liberté
Source : Togoweb.net