Pour un Ordre d’Autorité de la CEDEAO dans la Résolution de la Crise Togolaise

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Pour un Ordre d’Autorité de la CEDEAO dans la Résolution de la Crise Togolaise

« La grande vertu politique est de ne pas perdre le sens des ensembles ». Emmanuel MOUNIER, dans la Suite française in Revue Esprit, décembre 1944, mesure le poids des grands ensembles contre l’adversité et les défis dont usent les régimes réfractaires au respect de l’humanité. Autant le régime togolais n’a le moindre égard pour son propre peuple, sa Constitution, ses lois, les accords qu’il prend, les recommandations diverses des institutions nationales et internationales, autant il n’entend pas se soumettre aux sillons d’une sortie de crise tracés par la puissance régionale, la CEDEAO.

L’accoutumance à la transgression, au viol, aux fraudes est une compulsion à la répétition chez l’ « homme simple » et ses hommes que sa licence comportementale n’est d’aucun repli à se résoudre à l’ordre de la Communauté sous régionale. Le statut unique que s’offre Faure dans la Communauté en se départissant des normes démocratiques pour la transparence électorale et du protocole additionnel de l’UEMOA met en péril la République et toute la sous-région.

Les rebonds de la crise togolaise affectent en premier lieu nos visions proches dans ce monde interconnecté. Ce sont eux qui supportent les flots migratoires des exilés togolais. Depuis août 2017, une autre phase de la contestation du régime a embrasé tout le pays jusqu’à la diaspora dans son ensemble. A ces heures brûlantes des réclamations populaires et frontales, le « Timoniertricule », dans ses petits souliers a couru pour appeler au secours la CEDEAO.

Les jalons de sortie de crise sont bien posés pour que les parties prenantes de la crise se soumettent à l’inclusivité des procédures de restauration de la confiance et des gages de transparence électorale.
Un régime qui vit de tragédies et qui se maintient par la violence peut-il se conformer aux ordres et recommandations de la CEDEAO ?

Le travestissement volontaire de la feuille de route de la CEDEAO par les libertins de la dynastie togolaise impose-t-il à la puissance régionale une fermeté, un devoir de sanction, d’intervention d’une force dissuasive ?
La conduite unilatérale du processus électoral par le pouvoir togolais peut-elle être contrée par l’institution qui a pris en main, l’avenir électoral de notre république ?

1) Histoire des accords et recommandations au Togo

Le jugement le plus adroit que nous formulons sur les hommes vient du temps du suivi auquel nous nous consacrons pour connaître leur histoire. Les hommes et les parties politiques ont une vie, c’est-à-dire, une série d’actes, une trajectoire qui définit leur profil. Cette lecture psychologique fait dire à certains analystes que « nous sommes ce que nous fûmes et nous serons ce que nous sommes ». Dans son ouvrage La Personnalité de base, le sociologue américain Ralph LINTON insiste sur le fond caractériel inamovible chez les hommes quoique de petites variantes soient susceptibles de se greffer sur le tronc caractériel.

Ce rappel psycho-sociologique nous permet de dégager des inférences pour mieux appréhender la répétition idiote du sort des accords politiques au Togo. Depuis les vingt-deux (22) engagements jusqu’aux Recommandations de la CEDEAO et sa feuille de route en passant par Colmar, Ouaga 1 et 2, l’APG, l’accord dit historique entre l’UFC et le RPT, les Recommandations de la CVJR et les recommandations successive des observateurs de nos élections, l’audace d’effraction et de transgressions devient la règle au RPT/UNIR. Une récurrente orchestration du banditisme politique torpille la Constitution, ses dispositions de déclaration de biens des candidats pour la magistrature suprême et ses exigences de faire l’état de la nation à l’Assemblée nationale.

Du « Timonier » au « Timoniertricule », le schéma de torpille des accords et Recommandations est invariablement le même. On laisse l’essentiel pour une diversion tapageuse sur un détail et on fait prévaloir le droit à la violence pour provoquer le chaos quand le peuple récuse l’inacceptable. Le père ne nous disait-il pas : « Vous allez reculer cent an en arrière » ? Et le fils : « Papa nous a dit que si le pouvoir nous quitte, nous allons lui courir après sans jamais le rattraper » ?

La stratégie de la terreur est encore à l’œuvre pour saboter l’ordre de la puissance régionale et couper sa main sur tout le processus de transparence électorale qui signifierait un obstacle à la fraude. Le passage à tabac des représentants de l’Opposition coalisée ici et là correspond à la stratégie de la terre brûlée pour un coup de force électoral.

Il est toujours plus facile de faire ce que l’on est que s’efforcer à imiter ce que l’on n’est pas. Les vertus et les valeurs sont trop fatigantes pour les brutes qui survivent de la tragédie. Leur perversion de sens les raidit dans la rapine et l’effraction. Il ne fallait pas s’attendre à autre chose du RPT/UNIR dans un accord ou dans des Recommandations qui ouvrirait le jeu démocratique à la transparence.

On ne peut demander à celui qui ne sait pas respecter sa propre parole de respecter les Recommandations d’une instance qu’il juge menaçante pour sa survie. L’éducation à la vertu s’acquiert dans le moule de l’élévation, du respect de sa propre personne et de la vie. La propension au crime, à la violence, à l’irrévérence, au viol, au vol, à la fraude est une prison de l’esprit qui développe une misère conceptuelle. C’est pourquoi, dans ses Pensées, Blaise Pascal déclare: « Ce que peut la vertu d’un homme ne se doit pas mesurer par ses efforts, mais par son ordinaire »

L’ordinaire de la brutalité est si fréquent pour donner à ceux qui s’y livrent une teinture de rectitude, de justice, de révérence, de respect de la vie. Le simulacre effarant d’acceptation de la feuille de route pour une sortie explose. Les pyromanes qui courent pour aller chercher les pompiers en leur fermant les frontières sont dans une logique du non sens. I n’y a plus de déguisement sur leur identité. Ils sont dans les manœuvres lassantes pour infliger à la CEDEAO des quolibets.

La CEDEAO est à l’épreuve de sa crédibilité et une fois que sa feuille de route serait réduite à un chiffon, la fin de son histoire sur les crises de la région sonnera le gong d’un désastre que plus personne ne peut envisager les implications, les conséquences. Face aux dérapages électoraux de la Gambie de Yaya JAMMEH, la CEDEAO a été superbement appréciée de sa prise de responsabilité. Au Togo, la puissance régionale est tournée en bourrique par le RPT/UNIR et son champion Faure. Il lui appartient de mettre un coup d’arrêt à ce jeu qui flétrit sa crédibilité, son honneur et sa puissance.

2) Devoir de réparation

Le devoir de réparation s’énonce comme un devoir de justice sous l’ordonnance d’une éthique et d’une responsabilité de l’autorité pour protéger un tiers, réhabiliter une collectivité. Ce devoir de rachat des négligences coupables, apparaît comme un correctif essentiel de bonne foi pour rétablir l’ordre, mériter la crédibilité et la confiance d’un rang qu’implique la valeur de positionnement de cette autorité-là.

Personne ne peut nier que la CEDEAO est lourdement redevable au peuple du Togo pour avoir couvert une succession dynastique dans notre pays qui nous a coûté un millier de morts, des milliers d’exilés dont certains ne sont pas encore rentrés sans compter les handicapés à la vie d’une brutalité fauve de ce régime qui s’est muré dans la récidive de la terreur et du mépris.

Que la CEDEAO écoute la voix de Montesquieu dans les Lettres persanes pour s’élever : « Il n’y a pas de mal plus grand et des suites plus funestes que la tolérance d’une tyrannie qui se perpétue à l’avenir ».

Tous les pouvoirs qui se conquièrent dans le sang se conservent dans le sang. Les multiples obstructions à la transparence électorale, aux normes démocratiques et à l’alternance politique se terminent au Togo dans un bain de sang. Le pouvoir de Kégué défie la Communauté sous- régionale en se moquant de l’inclusivité de sa feuille de route pour un brouillard électoral et pour une légitimation d’une forfaiture qui est susceptible d’embraser notre pays et l’espace communautaire. Faure et Yahya JAMMEH étaient les seuls libertins à rêver d’une éternité au pouvoir. Ils se sont opposés au protocole additionnel de la CEDEAO à Accra. L’exigence d’assainissement démocratique de la zone a emporté JAMMEH. Elle doit continuer par devoir de réparation en ces moments d’expansion du djihadisme en Afrique de l’Ouest pour éviter une extension de l’instabilité.

A l’outrecuidance d’escamoter les recommandations de la puissance régionale et de torpiller le canevas de sortie définitive de la crise au Togo, la responsabilité de la CEDEAO est lourdement sollicitée pour récuser le désordre, l’effraction, les transgressions périlleuses. Ce régime ne respecte aucun interlocuteur pour la simple raison qu’il ne croit qu’en la force. Il sème le bazar électoral pour en faire un écran de survie. Il aime le dédale inextricable pour imposer une nouvelle crise et vit de crise en crise pour en faire la seule stratégie de rebond quand le désespoir le hante.

L’expérience acquise du Comité de suivi de la feuille de route sur la tactique d’enfumage du régime et de sa stratégie à tout noyauter , à tout verrouiller pour gagner du temps appelle à la lucidité de l’action. On ne redresse pas un esprit retors. Il faut le casser pour le rééduquer. Seule la puissance de frappe et de coercition de la CEDEAO peut contraindre le régime de Lomé à la modestie, au renoncement de son schéma de forfaiture et de rapine électorale aux conséquences insoupçonnées.

Sans un véritable projet de force au Togo, la CEDEAO perdra lamentablement la face dans ses objectifs de restauration de la transparence électorale et de la paix. « La faute est dans les moyens bien plus que dans les principes », nous apprend NAPOLEON 1er cité par Las Casas dans le Mémorial de Sainte-Hélène

Source : L’Alternative No.746 du 23 octobre 2018

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