Outsourcing : le marocain Intelcia dopé par l’européen Altice

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Sous l’impulsion du géant français, son premier client, le groupe marocain a vu son chiffre d’affaires tripler en quatre ans. L’Afrique dont il tire 75 % de ses revenus reste une priorité.

En 2018, le spécialiste de l’outsourcing Intelcia a passé pour la première fois la barre symboliques des 200 millions d’euros de chiffre d’affaires. Fondée en 2000 à Casablanca par son président Karim Bernoussi et son directeur général, Youssef El Aoufir, l’entreprise figure désormais dans le top 50 des plus grandes entreprises marocaines. L’ascension est fulgurante. Sur les quatres dernières années, ses revenus ont été multipliés par quatre grâce à des clients internationaux comme Fnac, Darty, Google ou encore Axa Assurance.

En novembre dernier, Intelcia a ouvert en grande pompe son premier centre de service client multilingue à Lisbonne. Désormais le groupe est présent dans huit pays – répartis entre l’Afrique et l’Europe – où il totalise vingt-six implantations. Un bon cru selon son président. « Nous avons perdu des appels d’offres d’entreprises qui cherchent une prestation avec quatre ou cinq langues. Grâce au nouveau plateau de Lisbonne, nous allons pouvoir gérer cela », précise Karim Bernoussi.

J’avais insisté sur l’importance de permettre à l’entreprise de rester indépendante

Quelques mois avant ce déplacement, le dirigeant annonçait la double implantation d’Intelcia à Madagascar et à l’Île Maurice. « Nous avons acheté une entreprise (Outremer Télécom Maurice et Madagascar) qui appartenait à notre actionnaire de référence, le français Altice », nous explique Karim Bernoussi depuis son bureau casablancais, équipé en matériel de visioconférence dernier cri pour pouvoir contacter à tout moment l’ensemble de ses centres.

À la conquête de l’Afrique

Fin 2016, le milliardaire français natif de Casablanca, Patrick Drahi, président d’Altice, a jeté son dévolu sur l’outsourceur marocain spécialiste dans la gestion de la relation client. L’opérateur hexagonal voit à l’époque en Intelcia le maillon manquant à son groupe multimétier, pouvant l’aider à maîtriser sa chaîne de valeur de bout en bout. Altice acquiert donc 65 % du capital d’Intelcia, le reste demeure entre les mains des cofondateurs marocains. Le Français avait racheté les participations du fonds d’investissements de la CDG, CapMezzanine.

« Lors des négociations, j’avais insisté sur l’importance de permettre à l’entreprise de rester indépendante sur un certain nombre d’aspects. C’est toujours respecté et les engagement qui ont été pris sont tous tenus… Intelcia produit actuellement la plupart des activités de SFR (filiale télécom d’Altice), nous avons donc forcément gagné en compétences », nous explique Bernoussi qui rappelle qu’Altice a permis à Intelcia d’accéder à de nouveaux marchés et à de nouveaux clients. Le français, qui dispose d’une assise financière solide, est aussi le premier client de l’outsourceur et celui qui lui assure une grosse part du chiffre d’affaires.


>>> À VOIR – Le marocain Intelcia à la conquête du téléconseil au Cameroun


Depuis cette date, l’empreinte géographique d’Intelcia s’est beaucoup élargie, notamment en Afrique. En plus du Maroc, le groupe a investi en Côte d’Ivoire, au Sénégal et au Cameroun. D’autres pays viendront rapidement s’ajouter à la liste. « Nous n’avons pas de calendrier précis et préétabli, mais personnellement j’aimerais être rapidement dans une quinzaine de pays du continent pour pouvoir fournir un service panafricain aux grosses entreprises qui vont venir s’installer en Afrique », calcule Bernoussi qui explique que pour une nouvelle ouverture d’un site de 500 postes, il faut prévoir un investissement compris entre un et deux millions d’euros.

Plus de 10 000 personnes employées sur le continent

© SP

Le choix des implantations dépend dans un premier temps des exigences des clients, explique l’homme d’affaires. « Nous avons des comptes, français notamment, qui imposent une présence en Europe. Les entreprises d’État et les administrations publiques refusent catégoriquement que leur relation client soit gérée en offshore », confirme le président. « Nous accompagnons notre actionnaire comme ce que nous avons fait en France ou au Portugal. La présence d’Altice nous assure un premier contrat avant de trouver d’autres clients », confie-t-il.

Ce sont l’Afrique subsaharienne et nos nouvelles implantations qui porteront notre croissance

Avec plus de 10 000 personnes travaillant dans les centres du groupe en Afrique, le continent contribue à hauteur de 75 % au chiffre d’affaires. Le Maroc reste le premier marché d’Intelcia, puisqu’il génère à lui seul 50 % de ses revenus. Le reste, soit environ 50 millions d’euros, provient de ses sept sites français.

« Dans les années à venir, nous allons certainement observer une stabilité sur les marchés français et marocain. Ce sont l’Afrique subsaharienne et nos nouvelles implantations qui porteront notre croissance », prévient le président du groupe. Pour soutenir ces nouveaux développement, les dirigeants ont réorganisé l’état-major en nommant à sa tête le Camerounais Jean-Yves Kotto, jusque-là directeur du site de Douala, première implantation subsaharienne réalisée en 2016, à la tête de la zone Afrique (lire ci-contre).

Prospection aux États-Unis

En parallèle du continent, Intelcia, toujours pour accompagner l’expansion d’Altice, prospecte aux États-Unis. « Nous travaillons en ce moment pour nous installer en 2020, et nous préférons l’acquisition d’un acteur local, parce que les cultures sont différentes et parce qu’il est impossible de gérer le marché américain de nos bureaux casablancais », précise Bernoussi. Intelcia a même spécialement recruté une personne chargée d’établir la liste des entreprises à cibler sur le marché américain. « Nous sommes aussi sur deux dossiers chauds, le premier en Europe et l’autre en Afrique. Ce n’est pas encore bouclé, mais ça viendra », révèle le président du groupe sans donner plus de détails.

Pour son expansion, Intelcia ne se fixe pas de limites. Franchir un nouveau cap pourrait aussi se faire à l’occasion d’un rapprochement, comme est venue le rappeler la fusion entre les activités du marocain Saham et celles de l’allemand Bertelsmann qui a donné naissance au groupe Majorel. Cette concentration du secteur laisse cependant Karim Bernoussi un peu dubitatif. « C’est à la fois une opportunité et une menace. Je pense qu’un grand groupe est moins performant et moins proche de ses clients. C’est différent de ce que nous sommes, une entreprise à taille humaine », même s’il reconnaît que les gros donneurs d’ordres seront toujours tentés de s’adresser aux acteur les plus importants.


Deux zones pour mieux piloter le continent

Dans le cadre de son développement, Intelcia a créé deux zones sur le continent. La première, regroupant le Cameroun, le Sénégal et la Côte d’Ivoire, a été placée sous la responsabilité du Camerounais Jean-Yves Kotto,anciennement directeur général à Douala. La seconde, centrée sur l’océan Indien, intègre Madagascar et Maurice, et a été confiée au Français Gildas Bocquier.


La diversification au menu

Intelcia a commencé à diversifier ses services depuis quelques mois. « Nous sommes en train de réaliser des acquisitions sur des entreprises dans l’externalisation,mais pas forcément dans la relation clients. Ça peut être du recouvrement, de la gestion de paie ou du développement informatique », précise Bernoussi. D’ailleurs, au Maroc, quelques clients ont fait confiance au groupe pour lui confier sa gestion comptable. « Nous allons passer à de nouveaux métiers moins basiques », prévoit le président.

Jeune Afrique