Olé-Togo: enquête au coeur d’un réseau d’exploitation des jeunes togolais

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Le système de taxi moto à Lomé remonte aux années 1990. Connu au Bénin sous le nom de Zemidjan
depuis des décennies, ce mode de transport est arrivé au Togo et
particulièrement dans la capitale et s’est imposé malgré les réticences.
Il y a quelques années à la faveur de l’internet, une application « Go
Zem » pour ce mode de transport a été créée à l’image de uber dans les
autres pays. Depuis plus de 6 mois, une autre société déverse dans la
circulation des motos et suscite des questions et des polémiques.
L’arrivée de cette nouvelle société, au-delà de l’exploitation des
jeunes, risque de créer la tension avec les taxis-motos ordinaires.

Lire aussi:L’autre terrible décor du métier de Zémidjan à Lomé [Témoignages]

Olé Togo institutionnalise la précarité et l’exploitation des jeunes

Une investigation depuis quelques jours a permis d’avoir une idée sur
cette société qui est entrée en activité depuis plus de 6 mois. C’est
une initiative lancée par le Directeur général de Léopard Moto,
qui se trouve être un Chinois. Ce monsieur a eu l’idée de se faire de
l’argent, sinon beaucoup d’argent dans le secteur de taxi-moto en
important massivement au Togo des motos qu’il met à la disposition des
jeunes sous certaines conditions. Les jeunes désireux de se faire
enrôler dans cette aventure doivent impérativement se faire établir un
permis de conduire pour les motos. Les motos sont dédouanées avec des
plaques jaunes. Elles sont ensuite équipées d’un compteur qui fixe le
prix pour le client.

Un dispositif GPS est intégré et la moto peut être désactivée à
distance. Peinte aux couleurs de la société, elle est louée à tous ceux
qui en font la demande. Les exigences pour les conducteurs sont les
suivants. Outre le permis de conduire, porter des chaussures fermées, un
gilet, un casque intégré. Il n’existe pas de salaire, pas de contrat
écrit. Le premier jour, la société fait le plein de carburant avant de
remettre la moto au conducteur. Ce dernier est tenu de verser chaque
jour, sauf dimanche et les jours fériés, 2000 f cfa à la société. En
d’autres termes, si le conducteur fait un chiffre d’affaire de 5 ou 10
ou 20000f par jour, il ne verse que 2000f et conserve la différence. De
la même manière s’il ne fait que 1000f par jour, il est tenu à compléter
et verser les 2000f. Il n’est pas propriétaire de la moto et ne le sera
jamais. La société s’engage à faire l’entretien de la moto, mais en cas
de crevaison, c’est le conducteur qui s’en charge. Lorsqu’un accident
survient dans la circulation et si le constat donne raison au conducteur
la société contribue en partie pour les soins. Mais si le conducteur,
est fautif, les soins sont entièrement à sa charge. Lorsque le
conducteur tombe malade, il doit rendre la moto ou les agents itinérants
de la société viennent la récupérer et l’affecte immédiatement à un
autre conducteur en attente.

Face au chômage galopant et à la misère, plusieurs jeunes se sont
lancés dans l’aventure avant de se rendre compte de l’exploitation dont
ils font l’objet. « Moi je suis un maçon; mais faute de chantier, je me
suis lancé dans l’aventure parce que je n’ai pas les moyens d’acheter
une moto et j’ai trouvé les conditions intéressantes. On nous a dit
qu’au bout de 3 mois, on nous fera un contrat; mais cela fait 6 mois que
je conduis la moto. Je n’ai pas d’économie et je me rends compte que
c’est en fait une exploitation qui ne dit pas son nom parce ce que la
moto ne t’appartiendra jamais, comme on le fait avec le système work and
pay », a déclaré un agent à la Rédaction, et un autre d’ajouter : «
Nous étions de la première vague et depuis 6 mois avec les conditions de
travail difficiles, au moins 50 personnes ont déjà abandonné».

Selon plusieurs agents, environ 1000 motos sont déjà en circulation
et le patron de Léopard Moto compte y mettre encore plusieurs centaines
et étendre l’expérience aux villes de l’intérieur parce que les jeunes
en attente de s’enrôler sont estimés à plusieurs milliers.

Lire aussi:Non respect des passages à niveau par les Zemidjan: de l’urgence de sévir

Les taxi moto ordinaires ne décolèrent pas et prévoient des manifestations

Le déversement des centaines de motos dans la circulation par la
société « Olé-Togo » n’est pas du tout du goût des conducteurs de
taxis-motos ordinaires. Pour eux, cette initiative vise à terme à les
éliminer du marché ou à les obliger à travailler pour enrichir ce fameux
chinois et ses réseaux. Les griefs se résument en quelques points. Pour
les conducteurs de taxi moto ordinaires, c’est la société Ole-Togo qui
se cache derrière la question du permis que les autorités veulent
imposer aux conducteurs des engins à deux roues. Ensuite le fait que la
société Olé-Togo dont les engins sont équipés de compteur casse les
prix. A l’expérience, on se rend compte que la distance que le
conducteur de taxi moto ordinaire facture à 600f, avec Olé-Togo on est à
400f, ainsi de suite. Autre grief l’immatriculation des motos en plaque
jaune et le port de chasuble que les autorités risquent d’imposer aux
autres conducteurs après le permis. Pour toutes ces raisons et d’autres,
les conducteurs de taxis-motos ordinaires se préparent à entrer en
confrontation avec les agents de Olé-Togo et leurs propriétaires. Ils
sont convaincus que ce Chinois Directeur de la société Léopard moto
n’est en réalité qu’un pantin et que les vrais propriétaires de ce
projet sont à chercher du côté du régime. Déjà dans la circulation, les
agressions verbales à l’endroit des agents d’Olé-Togo se multiplient. La
question est sur la table des syndicats des taxis motos et meuble les
discussions à tous les points de regroupement des zémidjans. Nul doute
que des actions seront lancés dans les prochains jours pour décrier la
société Olé-Togo.

La problématique de la circulation urbaine

Le déversement dans la ville de Lomé par de milliers de motos relance
la problématique de la circulation urbaine, surtout dans une capitale.
Avec la situation des taxis-motos ordinaire et les dérives qui en
découlent, la situation était déjà intenable et maintenant il faut
compter avec un Chinois décidé à inonder la capitale de plusieurs
centaines de motos. Dans certaines capitales africaines, on pense à
élimer les motos de la circulation, comme à Douala, Yaoundé, du moins
dans le centre-ville. Ailleurs on lance des projets de transports plus
modernes et adaptés comme le métro et le tramway d’Abidjan, bientôt à
Accra. Pendant ce temps au Togo, on autorise un chinois à déverser des
centaines de motos dans la circulation dont le seul but est d’exploiter
les jeunes frappés par le chômage. On nous a promis des milliers
d’emplois par le PND et visiblement, ce sont les premiers emplois
qu’Olé-Togo offre à la jeunesse, avec la bénédiction sinon la complicité
des gouvernants.

Les motos-taxis pour les jeunes plutôt que des emplois réels pour
absorber les diplômés, voilà l’ingéniosité du régime togolais incapable
de trouver des solutions au chômage galopant malgré les milliards
injectés dans des projets et détournés par les gouvernants. Faure
Gnassingbé, nous dit-on, fait de Paul Kagamé son modèle. Lui qui visite
tout le temps le Rwanda a-t-il déjà aperçu les taxis-motos à Kigali ?
Est-ce un mode de transport dans un pays ou du moins dans la capitale
d’un pays qu’on veut moderne ?

Lorsqu’on analyse le nombre d’accidents dans lesquels les motos sont
impliquées à Lomé et les chiffres communiqués souvent par le ministère
de la sécurité et de la Protection civile, la solution est-elle de
déverser plus de motos en circulation ou d’en réduire le nombre ?
Conduire un taxi moto n’est pas seulement une vie de misère, mais c’est
un contrat avec la mort. En dehors des accidents, le métier de taxi-moto
entraîne plusieurs pathologies qui, à la longue, débouchent sur une
situation de handicap, sans oublier l’usage permanent du tramadol. Il
faut mentionner la grande pollution sonore et environnementale dont la
ville de Lomé fait face à cause de prolifération des motos.

Lire aussi:A Lomé, les trottoirs sont en voie de disparition

Voilà des négriers des temps modernes qui débarquent dans nos pays
pour exploiter nos jeunes sans payer de taxes, d’assurances, sans
sécurité sociale. Ils vont se faire des milliards et s’évaporer un matin
dans la nature. La pratique de taxi moto qui se généralise a déjà,
selon plusieurs études, une incidence sur la production agricole parce
que les jeunes dans les villages désertent les champs. Le phénomène
Olé-Togo n’est pas une source d’emplois, mais une précarité que les
propriétaires de ce projet veulent institutionnaliser au Togo avec les
risques de conflits qui vont surgir les jours et mois à venir. Aux
gouvernants de prendre leurs responsabilités.

Source : L’Alternative

Source : Togoweb.net