L’élection présidentielle du 22 février
prochain se fera sans véritable observation indépendante et crédible. Ne seront
de la partie que les observateurs nationaux et internationaux choisis par le
pouvoir pour évidemment faire ses affaires. Le régime a décidé de refuser
l’accréditation à l’une des rares organisations nationales crédibles, le
Conseil épiscopal Justice et Paix (CEJP), pour déployer des observateurs, sur
des motifs fallacieux. Les non-dits de ce refus à travers les révélations d’un courrier
adressé par la structure de l’église catholique au ministre de l’Administration
territoriale, de la Décentralisation et des Collectivités locales Payadowa
Boukpessi.
Les
coulisses
Le CEJP a demandé une audience afin de
discuter avec Payadowa Boukpessi de son refus de l’accréditer pour
l’observation électorale. Mais ce que le commun des Togolais ne sait pas, c’est
que le ministre a carrément refusé de recevoir ses responsables, enfreignant
ainsi de simples règles de civilité…
Avant d’envoyer leur lettre de demande
d’audience le 26 décembre 2019 à Payadowa Boukpessi, les responsables du CEJP
ont été reçus le 18 décembre par la CENI et ils ont discuté en toute civilité.
Et selon le courrier, c’est Tchambakou Ayassor lui-même qui aurait conseillé
les responsables du CEJP de rencontrer le ministre. « Suite à nos riches échanges d’explication, le Président de la
CENI nous a vivement conseillé de vous rencontrer afin de lever les éventuels
quiproquos. Nous l’avons rassuré que cette démarche était prévue et il a promis
vous faire le compte rendu de notre rencontre », lit-on dans le
courrier adressé par le CEJP au ministre de l’Administration territoriale en
date du 31 janvier 2020. D’où la surprise de la structure qu’au lieu d’une
audience demandée, Boukpessi reprenne « les
mêmes arguments déjà évoqués dans le cadre des élections locales pour exprimer [son] opposition à [leur] demande d’accréditation envoyée à la
CENI ».
Selon les dispositions du Code
électoral, c’est à la CENI qu’il revient de décider de qui elle veut autoriser
à observer le scrutin, en tant que chargée de l’organisation et de la
supervision du scrutin. Mais le ministre de l’Administration territoriale a
manifestement usurpé de ces prérogatives qui reviennent donc à Tchambakou
Ayassor et les siens en décidant à leur place. Et ces derniers ont été
simplement mis devant le fait accompli et n’ont pas bronché.
Dans le courrier du 26 décembre 2019, le
CEJP a bien parlé de ses sources de financement à Payadowa Boukpessi,
l’informant des partenaires qui l’accompagnent. Concernant les
observateurs/veilleurs qu’il comptait déployer, ce sont des bénévoles recrutés
et pris en charge par les paroisses.Et ce sur quoi le CEJP tablait, c’est leur
engagement dans la foi, leur engagement citoyen et l’esprit patriote. Une façon
de satisfaire les inquiétudes du ministreou plutôt prétextes avancés pour
justifier son refus de l’autoriser à observer les dernières locales.
L’organisation a bien indiqué, dans sa correspondance en date du 24 décembre
adressée à la CENI habilitée selon l’article 8 du Code électoral à accréditer
les observateurs, que dans le cadre l’observation de la présidentielle, elle
bénéficie des appuis financiers de la Fondation Open Society Initiative for
West Africa (OSIWA), de CCFD-Terre Solidaire et des paroisses par leur
mobilisation. Mais toutes ces précisions ont été balayées du revers de la main
par Payadowa Boukpessi. Ce sont les prétextes liés aux sources de financement
qui ont été utilisés par le ministre pour refuser l’accréditation au Conseil
lors des locales.
La
peur de voir le hold-up mis à nu
Les arguments mis en avant par Payadowa
Boukpessi sont on ne peut plus fallacieux. Ce refus n’est motivé que par le
simple souci du pouvoir d’organiser le scrutin en tout obscurantisme, frauder à
huis clos, loin des yeux et des oreilles indiscrets. Le régime ne voudrait simplement
pas la présence d’observateurs gênants.
Le CEJP voulait déployer un nombre
d’observateursproportionnel à celui des bureaux de vote.Unobservateur par
bureau de vote donc,une chose rare. De tout le processus électoral au Togo
entamé depuis trois décennies, c’est la toute première fois qu’une structure
devrait déployer autant d’observateurs. Les plus nombreux souvent enregistrés
de toute l’histoire démocratique du pays, ce sont ceux de l’Union Européenne.
Mais ça, c’était il y a longtemps, « au
temps de nos grands parents », pour reprendre l’expression de feu
Kondoh dans le spot publicitaire sur les paris au PMU. Le pouvoir, au nom de
l’obscurantisme, s’est aussi défait de l’UE dans l’observation électorale.
Ces observateurs/veilleurs qu’allait déployer
le CEJP devraient l’être dans tous les bureaux de vote. Ce serait donc un observateur
par bureau de vote. Une façon idéale pour le Conseil d’avoir ses yeux partout.
Il n’y a pas meilleur moyen d’être témoin du déroulement du scrutin. Et ainsi
le Conseil épiscopal devrait être en possession des procès-verbaux des
opérations sur toute l’étendue du territoire national.
On le sait, le pouvoir recourt souvent à
la force de l’argent pour corrompre les représentants de l’opposition dans les
bureaux de vote. Avec un billet de 10 000 F et des promesses, ces derniers
vendent les procès-verbaux originaux, dépouillant ainsi les candidats qu’ils
représentent d’élémentsde preuves de leur victoire ou du hold-up éternel du
pouvoir en place. Mais voilà, la plupart des observateurs à recruter par le
Conseil étant des fidèles bénévoles, chrétiens, c’est sur des valeurs de vérité
et d’intégrité que leur mission serait fondée. Difficile donc d’acheter leur
conscience. Ajouté au fait qu’ils devraient rapporter les
PV des opérations dans tous les bureaux de vote, ça fait trop pour le pouvoir
en place qui risque d’être démasqué. D’où la décision de rejeter la demande du
CEJP…
Tino Kossi
source : Liberté
Source : TogoActu24.com