Nous déchirerons le voile de la peur qui enveloppe les consciences

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Il est illusoire de penser que les répressions brutales des forces de l’ordre et de l’armée des manifestations pacifiques des Togolaises et Togolais réclamant pour leur pays un autre système que celui en place depuis plus de cinquante ans puissent venir à bout de la détermination de tout un peuple qui vomit et le régime et le clan qui cherche à pérenniser ce dernier. L’option de la répression sauvage est l’arme des faibles, des incapables et de ceux qui ne recherchent que leurs propres intérêts.

L’aspect non-violent, la conscience de revendiquer un droit, celui de manifester, prévu par la constitution, la détermination à vouloir un autre système de gouvernement qui tienne compte des libertés individuelle et démocratique, l’amélioration du sort de la grande majorité, et la volonté de sortir d’un système où l’arbitraire et la violence sont les seules réponses du clan qui gouverne le pays, traduisent la lucidité de la jeunesse et le profond désir de changement pacifique qui fait vibrer désormais le cœur de tous les citoyens togolais.

La répression peut intimider, mais elle ne saurait émousser la détermination d’un peuple.

La construction d’un État de droit, le respect des libertés démocratiques, le respect du choix des citoyens tel qu’exprimé dans les urnes, le dire vrai, la gestion rigoureuse du bien commun et au profit de tous et une mobilisation de toutes les énergies pour construire un Togo nouveau sont des principes qui doivent désormais présider au fondement d’une république moderne et en phase avec son époque. Des principes qui ne sont pas négociables. Au lieu de cela, les acteurs du système de la déprédation rentière au Togo pensent encore se maintenir au pouvoir en défendant le statu quo par la répression et la violence. Un régime qui n’a que seul moyen de régulation sociopolitique la répression, l’arbitraire, la torture et des agissements hors de tout cadre légal est un régime qui ne peut construire ni les assises du vivre ensemble, ni la paix, ni le respect, ni la confiance. Or, quel est le devenir d’une nation au sein de laquelle les citoyens n’ont aucune confiance dans leurs dirigeants ?

À Bafilo, le samedi 13 avril dernier, un jeune manifestant a trouvé la mort. Quel crime le jeune Ziedhine Traoré a-t-il commis pour mériter la mort ? Au nom de quelle règle arrête-t-on et jette-t-on des militants d’un parti politique en prison sans autre forme de procès, au motif qu’ils sont descendus dans la rue pour réclamer le changement ? Pourquoi s’acharne-t-on ainsi avec de tels comportements sur des populations civiles sans défense ? Si ce n’est au nom d’une pathologie paroxystique de la conservation du pouvoir en dépit du bon sens. Voilà encore un mort qui vient s’ajouter à la longue, très longue liste des citoyens tombés au champ d’honneur de la revendication de la liberté.

Ces exactions et atteintes à l’intégrité physique des citoyens sont totalement inacceptables, surtout lorsqu’elles touchent des populations non-violentes à qui l’on inflige des traitements barbares et inhumains. Jusqu’où ira la patience du peuple togolais ? Combien de mort faudrait-il pour satisfaire cette soif de conservation du pouvoir ?

Déchirer le voile de la peur

Ce qui manque à ce combat du démantèlement de la dictature togolaise, c’est la volonté de la jeunesse togolaise, spécialement celle qui n’a connu que le clan des Gnassingbé, de déchirer le voile de la peur pour s’affranchir des mots d’ordre des leaders politiques quels qu’ils soient, afin d’organiser le combat de la liberté autrement. La force de la jeunesse est une force insoupçonnée à même de devenir le fer de lance d’un puissant mouvement souterrain. À la condition de s’en donner les moyens et de le vouloir. La jeunesse togolaise n’est pas plus bête que celle du Soudan ou de l’Algérie. La force brutale d’une armée aussi puissante soit-elle, ne pourra jamais faire taire la légitime colère du peuple. L’actualité nous en apporte la démonstration.

Dans notre modernité hyper connectée, plus rien n’échappe aux téléphones intelligents et autres caméras. Le combat pour la liberté et la démocratie doit aussi être livré sur le plan des images. Il s’agit de diffuser le plus largement possible toutes les exactions des forces qui « insécurisent » le peuple togolais. Aucune dictature n’aime la publicité sur sa sauvagerie. Il convient de porter le combat à ce niveau là aussi. À l’ère de la révolution numérique, la violence aveugle, bête et méchante ne saurait plus être anonyme. Il faut livrer au monde les images de la violence et des auteurs de celle-ci. Afin de montrer aux consciences éprises de liberté et de démocratie la sauvagerie de la soldatesque du clan Gnassingbé.

Le vent souffle dans la direction des aspirations des peuples.

Le recours à la terreur, à la répression aveugle, aux rafles, aux ratonnades, à l’intimidation, pour empêcher que n’adviennent le changement, la démocratie et la liberté est une vision sinon naïve, du moins suicidaire ; une cécité coupable pour ne pas voir que le vent de l’histoire souffle dans la direction des aspirations des peuples. Par conséquent, cela ne sert à rien de retarder ce que le peuple arrachera tôt ou tard de façon non-violente, à savoir sa liberté. L’intelligence, la stature, l’étoffe et l’éthique des hommes d’État comme Nelson Mandela auraient commandé la hauteur de vue, le dialogue, la recherche de l’intérêt supérieur de la nation en lieu et place de la prédation, de la corruption, de la jouissance immédiate des rentes qui semblent meubler l’horizon de toute la satrapie togolaise.

Quel avenir propose-t-on à une jeunesse qu’on martyrise, violente, embastille et méprise ? Quel genre de pays veut-on construire avec une soldatesque qui ne sait pas ce que veut dire le monde civilisé, le respect de l’être humain et l’honneur de l’uniforme ? Quelle confiance la jeunesse peut-elle avoir en un régime de ce genre ? À l’heure où des pays comme le Ghana ou l’Ethiopie, par exemple, cherchent à bâtir un destin commun avec sagesse, réalisme et courage politique pour accéder à un autre paradigme, le clan Gnassingbé, lui, s’arc-boute sur la préservation des prébendes, au mépris du peuple, et au moyen de la répression et de la terreur qui, du reste, ne constituent que des béquilles pour un régime qui ne représente que lui-même.

Voilà pourquoi il est urgent pour le peuple togolais d’écrire une nouvelle page de son devenir. Urgent de cesser d’avoir peur, pour se remobiliser et pour gagner la bataille du changement de régime.

En ce jeudi saint, puisse notre Seigneur Jésus, le Christ, avoir pitié de notre pays.

Ambroise TEKO

Source : telegramme228.com