Ingénieur informaticien systèmes et réseaux, politique et président du parti des Togolais, parti membre de la coalition, Nathaniel Olympio se révèle plus aujourd’hui comme un homme de terrain, homme des canaux diplomatiques au sein de l’opposition. Après plusieurs tournées en Europe aux bénéfices de la coalition et du peuple togolais, rentré au pays, il refait son analyse de la situation sociopolitique au Togo, soulignant au passage que tous les chefs d’Etat de la CEDEAO se doivent d’accompagner le peuple togolais dans sa quête de liberté et de démocratie. Aussi pense-t-il que la contribution de toutes les forces vives de la nation, l’armée togolaise y compris, est nécessaire pour une sortie de crise au Togo.
La Manchette : Nathaniel Olympio, Bonjour, comme un élève qui attend avec le stress et/ou la peur du lendemain ses résultats d’examen, comment vivez-vous au sein de la coalition, les prochaines décisions de la CEDEAO ?
Nathaniel Olympio : La coalition est sereine. L’axe de travail principal de la coalition en cette période est clair. C’est d’abord d’exercer une forte pression sur le régime à l’intérieur du pays par la mobilisation populaire, ainsi qu’en dehors des frontières nationales, par la diaspora essentiellement. L’autre volet, c’est de mener une action diplomatique intensive.
Les Togolais sont sereins. Ils savent que la lutte est avant tout la leur. C’est pourquoi ils continuent de lutter avec engagement et détermination. Nous, Togolais, comptons avant tout sur nous-mêmes.
En ce qui concerne la CEDEAO, elle est balisée par ses propres règles. En effet, elle est encadrée par son propre protocole additionnel sur la démocratie et la bonne gouvernance qui est déjà en application effective dans les quatorze autres pays de la communauté. Ouvrir la porte à un citoyen de l’espace communautaire pour qu’il fasse plus de deux mandats à la tête d’un Etat membre serait un précédent fâcheux.
D’un autre côté, la CEDEAO affiche l’ambition d’être une CEDEAO des peuples. Cela la contraint à tenir compte de la volonté des Togolais. Les présidents du Ghana, Nana Akufo Addo et de la Guinée, Alpha Condé, tous deux en charge de la facilitation savent qu’ils jouent leur crédibilité personnelle aux yeux des Togolais et aux yeux des citoyens de leurs pays respectifs. Ils ont entre les mains la crédibilité de l’institution qui les a mandatés. Les Togolais aussi veulent expérimenter et apprécier les vertus de l’alternance comme c’est le cas dans les autres pays. Il est de la responsabilité des facilitateurs et de tous les chefs d’Etat de la CEDEAO d’accompagner le peuple togolais dans sa quête de liberté et de démocratie.
Dans l’attente de ces décisions, les membres de la coalition évoquent plus le sujet en termes de mise en garde contre la CEDEAO. Quelle sera la réaction de la coalition si la CEDEAO ne vous donnait pas satisfaction ?
Il ne s’agit aucunement de mise en garde, mais d’une réaffirmation de nos positions. On ne lutte pas des mois et des années durant, à subir la répression et l’humiliation, à répertorier des morts dans nos rangs, à avoir des handicapés à vie, à dénombrer des prisonniers politiques, avec tous les drames et traumatismes que cela engendre et à voir nos droits élémentaires violés pour finalement accepter une solution qui ne réponde largement aux attentes des Togolais. Ce serait irresponsable. La coalition ne l’accepterait pas. Les Togolais ne l’accepteraient pas. La lutte continuerait simplement.
Les Togolais savent maintenant que leur force est dans l’unité d’action, dans la mobilisation et dans les manifestations publiques pacifiques. Ils ne lâcheront plus jusqu’à l’obtention des résultats attendus, quelles que soient les répressions qu’on pourrait continuer de leur faire subir.
C’est ici qu’il faut relever qu’en réalité, la solution pacifique à la crise se trouve en grande partie dans la posture des forces de sécurité et de défense. A l’extérieur de nos frontières, elles jouissent d’une grande réputation de compétences avérées. Les Togolais savent qu’elles peuvent également apporter leur contribution aux bénéfices de la grande majorité du peuple qui appréciera leur apport à sa juste valeur.
La France exige l’effectivité des réformes et la tenue des élections sans clairement se prononcer sur le départ de Faure en 2020, point d’orgue de vos revendications. Ne craignez-vous pas de pareilles exigences ou décisions de la CEDEAO en fin juillet ?
Les Togolais savent ce qu’ils veulent. Ils rejettent massivement un régime qui les régente depuis plus d’une cinquantaine d’années dans une mauvaise gouvernance qui met l’économie en lambeau et les appauvrit. Ils n’en veulent plus. Un point, un trait.
Tout le monde le sait, la voie la plus indiquée pour opérer les réformes en toute sérénité et en toute confiance est de passer par une période de consolidation démocratique et de réconciliation nationale. Cette période sera pilotée par un Gouvernement de Rénovation conduite par une personnalité issue des forces démocratiques.
Et si la CEDEAO vous proposait de mieux surveiller l’organisation des élections pour que triomphe la vérité des urnes, mais en laissant le Président actuel être candidat, quelle sera la décision de la coalition ?
La crise togolaise n’est pas qu’une crise électorale. Une élection ne peut en être la solution durable si elle n’est pas l’aboutissement d’un processus qui transforme entièrement les liens entre Togolais et qui consolide le cadre démocratique. Nous avons des questions politiques, des questions d’éthique et de morale politique auxquelles il faut répondre. La meilleure surveillance de l’élection par la CEDEAO sera alors un complément déterminant que nous accepterons de bon gré.
D’autres partis de l’opposition disent ne pas comprendre qu’en 2018, vous vous battez pour 2020 alors qu’il y a les législatives en vue. Ils proposent de plutôt vous battre pour être majoritaire au Parlement et faire vous-mêmes les changements nécessaires avant 2020. Qu’en dites-vous ?
Je dis qu’on nous chante une berceuse. Rien n’endormira les Togolais.
Certains présidents des partis membres de la coalition, dont le Parti des Togolais, étiez reçus par des gouvernements européens lors de vos tournées à l’étranger. Que pensent ces différentes administrations européennes de la crise togolaise ?
Les trois pays occidentaux qui portent un regard sur la crise togolaise sont, l’Allemagne, les Etats Unis et la France. Ces pays s’expriment à travers le Groupe des 5 qui inclut l’Union Européenne et le Système des Nations Unis. La coalition a dépêché une délégation qui a rencontré l’administration de ces pays afin de porter la position de la coalition et les perspectives de sortie de crise de manière pacifique. Nos interlocuteurs sont attentifs et comprennent le sens de notre lutte. Ce qui est clairement exprimé est que les choses ne peuvent rester en l’état.
Avez-vous un mot pour la Diaspora togolaise qui semble faiblir dans la lutte ?
Je ne sais pas quels sont vos indicateurs. Moi je trouve que la diaspora est très engagée, elle s’organise davantage, elle est offensive et elle porte le message du peuple togolais hors des frontières. Elle travaille avec la coalition pour renforcer l’efficacité commune.
Je l’encourage à densifier la mutualisation de toutes ses ressources afin de décupler ses capacités et ses impacts. La diaspora a mes félicitations pour les efforts déjà accomplis et tous mes encouragements pour ce qu’elle fera encore pour le succès de la lutte.
Nathaniel Erasmus Olympio, merci
C’est moi…
Entretien Réalisé par Sylvestre BENI
Source : www.icilome.com