Mgr Philipe Fanoko Kpodzro: Exilé politique jusqu’à ce que mort s’ensuive? Est-ce le plan de Faure Gnassingbé?

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«…Recensement des citoyens au Togo…Non merci! Pas dans une dictature de 60 années! Une dictature qui n’a plus rien à prouver de sa cruauté et de ses incongruités à qui que ce soit, au Togo ou ailleurs…Faut arrêter de se moquer des gens après leur avoir volé de leur fierté d’être humain. Le droit au refus est l’un des rares privilèges qui existent aux citoyens du Togo…Osons exercer et recommander ce droit dans ce pays de non-choix et de non-droit! Osons notre dignité!» Pierre Adjété, Canada, le 28 octobre 2022.

Ni son âge avancé, 93 ans presque, ni ses services rendus à la nation, ni surtout son statut de prélat ne les ont aucunement dissuadés de lui réserver un tel traitement. Mgr Kpodzro, en choisissant le camp de l’opposition, donc du peuple, pour dénoncer la dictature, la malgouvernance, les massifs détournements de fonds publics, les nombreuses violations des droits de l’homme, et demander un peu plus de liberté et de démocratie pour son peuple, était devenu persona non grata sur sa terre natale, comme beaucoup d’autres citoyens togolais, civils comme militaires, comdamnés à une mort précoce, à la prison ou à un exil forcé pour leurs opinions politiques. Ayant été à la base de la coalition qui porte son nom, regroupant plusieurs partis politiques de l’opposition et des associations de la société civile, Philipe Fanoko Kpodzro fut le parrain de la DMK (Dynamique Monseigneur Kpodzro) et surtout de Messan Agbéyomé Kodjo qui représenta les couleurs du regroupement aux élections présidentiellles de février 2020. En dehors du fait que l’appel du prélat à soutenir «son» candidat contre le candidat du pouvoir pour mettre fin à la dictature ne plût pas à une certaine frange de l’opposition, pour le régime Gnassingbé, de toutes les façons, Monseigneur Kpodzro était devenu la bête noire.

Les régimes de dictature, comme celui que nous avons au Togo, n’aiment pas ceux qui s’opposent sincèrement à leur règne et se battent véritablement pour leur départ. Les tracasseries de toutes sortes exercées autour de sa personne après le ènième hold up électoral qui fit de Faure Gnassingbé président du Togo pour un troisième mandat, amenèrent Monseigneur Kpodzro à quitter son pays à son corps défendant dans les mois qui suivirent les fameuses élections présidentielles; c’est-à-dire au tout début de l’année 2020. Il y a donc plus de deux ans que l’ancien président de la Conférence Nationale Souveraine tenue en juillet et août 1991, de plus de 92 ans, erre à travers le monde, pendant que ceux qui ont pris les Togolais en otage depuis plus d’un demi-siècle, continuent à boire du petit lait sans se soucier de rien.

Début octobre 2022 Monsieur Gilbert Bawara, un ministre du gouvernement togolais donne une interview où il évoque le cas Monseigneur Kpodzro, en insistant sur le fait que, selon lui, le prélat ne serait menacé par personne, qu’aucune poursuite judiciaire ne serait engagée contre lui, qu’il ne comprend pas pourquoi il est en exil et qu’il pourrait revenir vivre au Togo sans aucun problème. Tout d’abord, nous voudrions poliment rafraîchir la mémoire au ministre inconditionnel de Faure Gnassingbé que Monseigneur Philipe Fanoko Kpodzro ne se sentait aucunement en sécurité au Togo avant de se voir contraint de prendre le chemin de l’exil pour sauver sa peau. Au lendemain de cette mascarade d’élection, le prélat, comme d’ailleurs Agbéyomé Kodjo, avait continué à dénoncer les faux résultats attribués au candidat du pouvoir en organisant des conférences de presse, par exemple. Il avait commencé à remuer ciel et terre pour que le monde entier sût ce qui se passe de politiquement et surtout d’humainement inadmissible au Togo. Et c’était pour l’empêcher de mener ses activités que son domicile était surveillé par des gendarmes, de nuit comme de jour, comme du lait sur le feu. Monseigneur Philipe Fanoko Kpodzro n’était plus libre de ses mouvements; il ne pouvait plus aller et venir comme il l’entendait.

Un jour, il arriva à fausser compagnie à ses geôliers postés devant sa maison pour aller en ville, avec l’intention de se rendre auprès de certaines chancelleries. Lorsque les gendarmes en poste chez lui remarquèrent que le prélat n’était pas là, ce fut sans ménagement qu’il fut cueilli au niveau de l’ambassade d’Allemagne et ramené chez lui. Au cours de son allocution à l’occasion de l’investiture de Faure Gnassingbé pour un troisième mandat, Abdou Assouma, l’inamovible président de la Cour Constitutionnelle inféodée au pouvoir de dictature, menaça de faire appliquer la loi à Monseigneur Kpodzro, peu importe son âge, même sur une civière. Il y eut d’autres formes d’acharnement, de restriction et surtout de menace sur l’intégrité physique et la vie de l’homme de dieu sur lesquels nous ne pouvons revenir ici.

Voilà, Monsieur Bawara, quelques éléments qui viennent réparer votre «oubli» et situer ceux qui ne savent pas, ne veulent pas savoir, ou doutent encore des raisons qui sont à la base de l’exil forcé d’un vieillard de presque 93 ans. Est-on jamais trop prudent dans un pays comme le Togo où la terreur et les crimes d’état contre les critiques ou opposants au régime Gnassingbé sont devenus banals, où un accident bête ou un tir isolé d’un élément «incontrôlé» d’une l’armée, pas tellement républicaine, est vite arrivé? Et rappelons, toujours en direction du ministre Bawara, que toutes les nombreuses victimes d’assassinat politique ou de disparition forcée enregistrées au Togo depuis le début de la lutte contre la dictature ne faisaient l’objet d’aucune poursuite judiciaire.

Certes, Monseigneur Kpodzro n’est pas le seul opposant togolais en exil ou en prison; le demi-frère de Faure Gnassingbé, Kpatcha, par exemple, croupit depuis plusieurs années avec une santé chancelante, sans oublier tous les autres. Mais le statut de Philipe Fanoko Kpodzro, ajouté à ses services rendus à la nation et surtout à son âge avancé, ne devrait pas être négligeable dans une république qui se respecte. C’est pourquoi nous ne croyons pas que malgré l’inimitié politique qui pourrait exister entre le prélat et ceux qui dirigent le Togo aujourd’hui, le laisser finir ses jours en exil soit la manière la plus correcte; politiquement, et surtout humainement parlant. En quoi, sincèrement, le vieux prélat constitue-t-il aujourd’hui une menace pour le régime de Faure Gnassingbé? Pourquoi ne pas organiser son retour au pays avec toutes les garanties pour son état de santé, et surtout pour sa sécurité comme savent le faire les hommes et les femmes de coeur? Ou bien, pour le régime Gnassingbé le pouvoir politique est et reste vraiment une question de vie ou de mort? N’oublions pas le jugement des générations futures et sutout de l’histoire qui risque d’être impitoyable.

Samari Tchadjobo
Allemagne

Source : 27Avril.com