Dans une déclaration officielle, la Conférence des évêques du Togo presse le gouvernement d’entreprendre « les réformes demandées par le peuple » et condamne « la répression en cours. » Au nom de l’Église catholique, l’archevêque de Lomé, Mgr Denis Amuzu-Dzakpah se dit prêt à jouer le rôle de médiateur.
La Croix : Pourquoi cette nouvelle déclaration au nom de la Conférence des évêques du Togo pour condamner la répression en cours et demander au gouvernement des réformes ?
Mgr Denis Amuzu-Dzakpah : Le Togo a traversé de nombreuses crises et on constate aujourd’hui encore que les choses dégénèrent. La population manifeste pour obtenir des réformes constitutionnelles et institutionnelles promises de longue date, le retour à la Constitution de 1992 et le départ du président Faure Gnassingbé [les Gnassingbé sont au pouvoir depuis 50 ans, NDLR]
Aujourd’hui, des blessés et des morts auraient pu être évités. Nous nous sommes engagés pour apporter notre contribution à la paix sociale, pour le peuple, et sans parti pris. Nous demandons aux autorités d’écouter la population.
Comment votre prise de position a-t-elle été reçue ?
L’Église est une autorité morale au sens large. Elle ne peut pas se taire ! La population a apprécié notre prise de position. Sa foi est réelle mais elle a encore besoin que nous la consolidions par nos témoignages, en tant que guides spirituels.
Nous n’avons pas reçu de réponse officielle des autorités mais on peut deviner que notre déclaration a déplu. Nous ne descendons pas dans l’arène politique. Nous sommes une bougie dans la nuit noire. Nous sommes du parti de Jésus-Christ, du parti de la vérité, de la justice, de
l’équité et de la paix sociale.
Dans quelle situation se trouvent les Togolais ?
La situation est pénible pour tout le monde. Il n’est pas bon de voir que certains ont le beurre et l’argent du beurre tandis que d’autres souffrent. Beaucoup ne mangent pas à leur faim, n’ont pas de quoi se vêtir, nourrir leur famille, travailler, jouir de la vraie liberté, s’exprimer… Des personnes ont été offensées, brimées. Trop d’injustices ont été commises par le passé. Nous entendons les cris et les souffrances. Nous ne sommes pas sourds à cela. Mais nous ne pouvons malheureusement pas tout porter seuls.
L’Église s’est-elle déjà impliquée dans la vie de la cité ?
De nombreuses fois oui, mais les crises perdurent. En 1991, nous étions actifs dans la Conférence nationale togolaise pour sortir de la crise sociopolitique. En 2006, un Accord politique global avait été signé entre les politiques et la société civile.
Trop peu de choses ont été appliquées. Ensuite, les réformes ne venant pas, nous avions participé à la Commission « vérité, justice et réconciliation ». Nos recommandations n’ont été totalement prises en compte par les autorités, qui auraient pu agir plus et mieux. Notre travail n’a pas été vain mais nous peinons à en voir l’issue aujourd’hui.
Que pouvez-vous faire aujourd’hui pour sortir de la crise ?
Nous ne sommes pas des opposants, bien au contraire. L’Église est disponible et disposée à jouer un rôle de médiateur entre tout le monde. On veut apporter notre pierre à l’édifice, dans le respect de la vérité.
Nous voulons indiquer la bonne voie à suivre, que tous les fils et les filles de ce pays s’écoutent, se parlent et avancent. Un jour ou l’autre, il faudra bien s’asseoir ensemble pour ne pas tomber dans l’engrenage de la vengeance ou de la rancœur. Mais il faut aussi être prêt à pardonner, à réparer, à trouver des solutions.
Êtes-vous optimiste ?
Réaliste. Chacun doit maintenant se mettre au travail et prendre ses responsabilités. Les Togolais ne sont pas portés vers la violence. Leur génie culturel, c’est la paix, l’entente, la fraternité. Elle est inscrite dans notre âme. Nous avons le devoir d’élever la voix pour tous. Or, la vérité n’est pas neutre, elle va contre le mensonge. Et tôt ou tard, elle triomphe dans l’amour et le pardon.
Notre exemple, c’est Jésus-Christ. Il a montré aux hommes que s’ils voulaient être libres, ils devaient opter pour l’équité, la justice, la vérité et la fraternité, et que nous devions tous nous embrasser comme des frères et sœurs. Jésus-Christ est le visage humain de Dieu.
Source : La Croix
27Avril.com